Pérou (1988-1989)
Publié le 20/09/2020
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«
Le second trimestre de l'année 1988 a marqué l'entrée du pays dans la plus grave
crise de son histoire contemporaine, marquée en particulier par la débâcle de
l'économie, la perte de légitimité du gouvernement et de l'État lui-même, et par
le grand bond en avant de la rébellion armée de Sentier lumineux.
Au printemps
1989, aucune solution à la crise n'était en vue.
La politique mise en oeuvre de 1985 à 1987 et visant à favoriser la croissance
économique et la redistribution des revenus n'a été appuyée ni par les
investisseurs nationaux, ni par les bailleurs de fonds étrangers.
Les
importations ont donc augmenté - biens de consommation, et matières premières
destinées à l'industrie - réduisant dramatiquement les réserves de devises du
pays qui présentaient un solde négatif de près de 300 millions de dollars au
début de 1989.
La chute du PIB a été de 8% en 1988, le déficit de la balance des
paiements de 600 millions de dollars, l'inflation de près de 2 000%.
Deux nouveaux trains de mesures d'austérité, en septembre et en novembre 1988,
ont provoqué une chute de 50% du pouvoir d'achat et des pénuries en chaîne.
Les
grèves et les conflits sociaux se sont multipliés, provoquant la répression des
forces de l'ordre - le plus grave a été le massacre de dizaines de paysans à
Pucallpa, dans la forêt amazonienne en février 1989 - et l'arrestation du leader
syndical, Hugo Blanco.
Seul l'encouragement, par un décret de juillet 1988, à
déposer les profits de la drogue restés dans le pays - quelque 700 millions de
dollars par an - dans les coffres de la Banque centrale, a évité la banqueroute
complète.
Le président Alan García, qui a perdu la confiance de la population, aurait, à
plusieurs reprises, présenté en privé sa démission.
Il a en effet été contraint
de laisser une partie de son pouvoir à son parti, l'Action populaire
révolutionnaire américaine (APRA), miné par la corruption et qui tend à recourir
de plus en plus aux escadrons de la mort (les commandos Rodrigo Franco) pour
maintenir l'autorité du gouvernement.
L'armée mal payée, mal équipée, divisée et
dont certaines unités sont elles-mêmes compromises dans le trafic de cocaïne en
Amazonie, ne se sent guère capable d'exercer le pouvoir.
Elle répugne à
intervenir contre la guérilla et se contente d'exercer des représailles sur les
populations paysannes.
Le développement de la guérilla maoïste du Sentier lumineux est favorisé par
l'aggravation du sous-emploi et du chômage qui frappent en particulier la
jeunesse d'un pays où 50% des citoyens ont moins de vingt-cinq ans et où une
personne sur cinq a entre quinze et vingt-cinq ans.
Mais sa percée est également
la conséquence de l'effondrement de l'État qui était déjà traditionnellement
absent de vastes zones du territoire.
Tout en maintenant une présence active dans ses fiefs des montagnes andines, la
guérilla a ouvert de nouveaux fronts qui se situent sur les versants amazoniens
des Andes - le Haut Huallaga - et dans la forêt elle-même où elle progresse avec
les cultures de coca, en défendant les paysans contre la répression et en
faisant payer un impôt aux trafiquants de cocaïne colombiens.
Mais surtout, le
Sentier lumineux s'est implanté dans les bidonvilles de Lima, parmi les jeunes
migrants chassés par la guerre des zones andines, et jusque dans les bastions.
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