Perelman: Droit , Morale et Philosophie
Publié le 02/12/2021
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Lorsqu'on entend des gens se plaindre d'une injustice, parce qu'ils n'ont pas reçu le même traitement que leur voisin ou leur concurrent, personne ne pensera que ces gens soient identiques à ceux auxquels ils se comparent ou que, à leurs yeux, toute différence eût suffi à justifier un traitement inégal. Au contraire, ils feront expressément état de différences : ils diront que l'autre est plus riche ou plus influent, qu'il est parent ou ami de tel fonctionnaire, qu'il fait partie d'un clan, d'un groupe politique ou religieux proche du Pouvoir. Ils ne s'en plaignent que d'autant plus, persuadés que ces différences n'auraient pas dû influencer la décision.Il arrive aussi qu'on se plaigne d'un traitement égal et qu'au nom de la justice on revendique un traitement préférentiel. On énumérera, pour justifier ses prétentions, les différences essentielles qui ont été négligées et qui auraient dû être prises en considération.Celui qui se croit injustement traité prétend que seuls certains éléments, pertinents en l'occurrence, auraient dû influencer l'issue : il est injuste de négliger ces éléments, tout comme il =est injuste de tenir compte d'éléments irrelevants, étrangers à la situation.L'injustice, ainsi conçue, ne résulte jamais du traitement inégal d'êtres identiques. Dans le premier cas, on se plaint du traitement inégal d'êtres différents : en effet, si les différences ne concernent pas des caractères essentiels, les parties auraient dû être traitées également, comme si elles avaient été semblables. Inversement, dans le second cas, on trouve injuste un traitement égal ou indifférencié, réservé à des êtres qui, conformément aux critères adoptés, sont essentiellement différents et font donc partie de catégories différentes.Mais quelles sont les différences qui importent et celles qui n'importent pas, dans chaque situation particulière ? Voilà où l'on cesse de s'entendre.Chaïm PERELMAN, Droit, Morale et Philosophie, 1968, L.G.D.J, 1968, p. 27.
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