Pérec (Les Choses): Dans le monde qui était le leur, il était presque de règle de désirer toujours plus...
Publié le 09/12/2021
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L'auteur énonce la difficulté majeure de ce couple : désirer plus qu'il ne peut acquérir. Il leur ôte à tous deux la responsabilité de cette attitude : elle fait partie des lois de la civilisation. Il évoque alors leurs réactions : honte de ne pas avoir assez d'argent, fierté de payer moins cher, ou le plus cher d'un seul coup. Il explique la pression psychologique qu'exerce la publicité : elle leur fait comprendre leur situation dans l'échelle sociale. Il achève ce passage par une phrase toute faite qui a la valeur d'une dérision : ils ne sont pas les plus mal lotis.
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ANALYSE
L'auteur énonce la difficulté majeure de ce couple : désirer plus qu'il ne peut acquérir.Il leur ôte à tous deux la responsabilité de cette attitude : elle fait partie des lois de la civilisation.Il évoque alors leurs réactions : honte de ne pas avoir assez d'argent, fierté de payer moins cher, ou le plus cher d'un seulcoup.Il explique la pression psychologique qu'exerce la publicité :elle leur fait comprendre leur situation dans l'échelle sociale.
Il achève ce passage par une phrase toute faite qui a lavaleurd'une dérision : ils ne sont pas les plus mal lotis.
COMMENTAIRE
Ce texte forme un tout : il pose un problème et offre dans son déroulement les éléments de la discussion.
Il convient doncde le commenter dans son ensemble.Georges Pérec évoque la vie d'un jeune couple-type, futurs cadres supérieurs, et ses aspirations.
Nous nous rendonscompte qu'ils sont tributaires d'un système économique.
Bien qu'ils soient des intellectuels, donc plus à même qued'autres de réfléchir à leur propre situation, ils ne peuvent échapper à une société qui les traite comme de futurs cadrespour s'efforcer de susciter en eux des désirs spécifiques.
L'impression qui se dégage de cette analyse est l'impuissancedevant un tel système.
Il semble que nul ne puisse y échapper.
Nous essaierons de discuter les idées contenues dans cepassage, et de déterminer s'ils est possible de trouver une issue.
I - LES MODES DE PRESSION DE LA SOCIÉTÉ DITE « DE CONSOMMATION »
La société de consommation attaque le jeune couple à deux niveaux : en les considérant comme des intellectuels, en lestraitant comme de futurs cadres supérieurs.
Il est frappant, en effet, de constater la faculté d'adaptation de la publicité,arme majeure de ce type d'économie.
Les journaux nous en offrent les exemples les plus décisifs.
Chaque journals'adresse à une couche sociale déterminée : dans cet ouvrage, Georges Pérec fait allusion à L'Express, vendu surtoutdans les milieux de cadres supérieurs.
Nous savons aussi que la presse féminine change complètement de style selonqu'elle s'adresse à des bourgeoises ou à des ouvrières.
La publicité qui s'y insère — et la fait vivre — est égalementadaptée : on vante la merveilleuse bibliothèque ou le fauteuil profond en cuir souple dans les magazines à clientèle riche,et la salle à manger en faux rustique bon marché dans l'hebdomadaire destiné à la femme du petit employé.
Le principeest, dans presque tous les cas, de mettre en valeur des marchandises dont le coût est un peu supérieur à ce que le clientpeut acheter raisonnablement.
Il est alors pris par le système de crédit, ligoté par les traites.Bien entendu, plus que pour d'autres, ce processus est aliénant pour ceux qui ont le sentiment de s'élever dans l'échellesociale : ils désirent alors tout ce qui est hors de leur portée.Mais une tactique plus habile encore est de s'adresser à ce jeune couple-type en tant qu'intellectuels : leurs aspirationsculturelles doivent alors se tourner vers la possession « d'articles culturels » : livres, donc bibliothèques ; voyages, doncclubs très chers ou croisières ; entourage artistique, donc tableaux ou reproductions de qualité, etc.
Là plus qu'ailleurs lavente à crédit prend des allures de philanthropie.Ce système crée donc une double hypocrisie : il suscite des besoins en leur donnant une apparence de spontanéité, ilflatte les aspirations intellectuelles en les détournant vers la possession d'objets culturels.
II.
- LES ISSUES POSSIBLES
Georges Pérec n'en voit aucune.
Mais il nous est permis d'en trouver une.
Elle peut s'ouvrir sur deux plans différents : lalutte contre ce type de société ou la résistance intérieure.La première semble difficile dans la mesure où tout le système économique de nos pays engendre ce processus et en abesoin.
Même les pays socialistes européens n'y échappent pas et créent également une société de consommation.L'espoir semble donc vain.
Tout en étant conscient du phénomène, on en est prisonnier.
Et pourtant l'exemple d'un despays les plus avancés dans ce système, les États-Unis, peut nous apporter un espoir.
Nombreux sont ceux, surtout parmi les jeunes, que rebute ce mode de vie factice et aliénant.
Ils se lancent alors' dans lalutte politique qui soutient le système économique, ou s'élèvent par une recherche intellectuelle qui l'analyse.
Lasatisfaction par les biens matériels semble donc ne pas étouffer les autres aspirations, et contient en elle-même sarévolte.
Mais la seconde attitude est en fait la plus ambiguë : prétendre se détacher du système dans lequel on vit, en se livrant àune réflexion libre sur des sujets désintéressés, intellectuels, artistiques ou spirituels, sans pour autant dédaigner lesapports de l'économie, c'est s'avancer sur la corde raide.
Les méthodes de pression psychologique guettent à chaque pascelui qui s'aventure ainsi.
Cette attitude est donc, de loin la plus dangereuse, mais peut-être aussi la plus fructueuse.
CONCLUSION
Le monde oppressant dans lequel évolue le jeune couple de ce roman-reportage, est aussi le nôtre ; nous ne pouvons nepas en être effrayé.
La liberté humaine y est abolie par un système économique qui prévoit et prévient toutes nosaspirations, les exploite en créant des besoins que nous ressentons malgré nous.
Cependant, après l'application de cesystème durant plusieurs années, il est permis de penser que par un effort puissant de lucidité et la mobilisation de touteson énergie, l'homme peut réussir à conserver sa liberté..
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