Péguy poète

« 1 / 2 Péguy poète L'engagement Toute l'œuvre de Charles Péguy est dans le droit fil de son engagement pendant l'affaire Dreyfus : un combat pathétique pour la vérité, qui est justice.

De là qu'il n'y a chez lui aucune contradiction, mais au contraire liaison organique, entre poésie et action, tendresse et acharnement polémique, inspiration et métier, patience et passion, abandon à la grâce et maîtrise de la pensée en même temps que de son expression.

Ce serait peu dire que le style de ce philosophe est l'acte par lequel il construit sa pensée : toute son œuvre est poésie de résistance à l'envahisseur et à son collaborateur de l'intérieur, qu'il finira par appeler le Parti intellectuel moderne.

Que d'amertume, et quelle mélancolie dans ses Cahiers les plus durs (Un nouveau théologien M.

Fernand Laudet, par exemple) ! Quelle cruauté critique (et autocritique) dans les remémorations les plus nostalgiques, tel ce Pierre, commencement d'une vie bourgeoise ! Résister aux multiples tentatives modernes d'opérer la séparation, facile, bourgeoise, entre le cœur et la tête (donc entre le peuple et la véritable science comme entre le peuple et l'art), telle fut la tâche incessante, et qui l'épuisa, à laquelle se donna, presque seul contre tous, le gérant des Cahiers de la Quinzaine en ce début de notre siècle.

Son style est bien celui du don de soi.

Péguy s'adresse toujours à quelqu'un.

Il n'écrit jamais que des dialogues, parce qu'il est essentiellement homme de communion.

Son langage est nourri du langage d'un peuple, considéré lui-même comme poète, dans lequel l'écrivain se situe constamment.

Et son œuvre, avec son caractère oral, a la sincérité dramatique d'une psychanalyse et d'une prière.

La discipline du vers, qu'il s'est tardivement imposée, bien après sa Jeanne d'Arc ( 1897) 2 / 2. »