Paul Valéry écrivait dans Regard sur le monde actuel (1947) : « Le travail est un moyen de vivre, et rien de plus. » Etes-vous de son opinion ?
Publié le 09/12/2021
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Paul Valéry écrivait dans Regard sur le monde actuel (1947) : « Le travail est un moyen de vivre, et rien de plus.
»Etes-vous de son opinion?
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La phrase de Valéry est restrictive et appelle une réflexion critique.
• Première partie : le travail est un moyen de vivre, et rien de plus
a) Cette citation lie uniquement le travail au salaire obtenu.
Une telle affirmation suppose que les ressources sontsuffisantes pour assurer la subsistance.
Elle élimine, à priori, le travail qui n'assure pas le minimum nécessaire.
Onpourrait presque prendre la phrase d'une façon positive : certaines circonstances, certaines époques n'ont mêmepas connu ce bénéfice de l'effort personnel.
Pourtant Valéry ajoute «rien de plus».
C'est dire qu'il limite l'importanceque l'on attribue à la profession.b) Le refus d'un investissement total.
J.
Rousselet regrettait, semble-t-il, que l'homme ne fasse plus du travail uncentre d'intérêt privilégié.
Valéry estime le contraire.
Il est vrai que la formulation de la citation ne permet pas dedire expressément s'il s'agit d'une définition ou d'un simple constat.
La phrase réserve la passion à tous les domainesextérieurs au travail : vie privée, loisirs, réflexion personnelle, etc.c) Les risques d'accorder trop d'importance au métier.
— Le premier danger est bien évidemment de négliger lesdifférents aspects de sa vie privée : les relations familiales peuvent être affectées, les autres membresayant l'impression de passer après la profession.
Le temps consacré aux siens s'amenuise.— Une trop grande attention portée à la profession provient parfois du désir de gagner toujours plus d'argent,d'acquérir davantage de biens.
Cette course à la consommation déçoit bien souvent : en effet, à peine obtenu, lebien devient périmé et l'individu souhaite autre chose.
A l'inverse, lorsqu'on ne peut s'offrir ledit objet en dépit deson travail, on en ressent un sentiment de frustration.— Rechercher une position risque de faire primer des forces de vanité et d'envie.
L'homme se confond alors avecson statut social.
Il en résulte des troubles importants lorsque la réussite fait défaut.
La retraite laisse désemparécelui qui s'est fixé sur son emploi.La citation de Valéry dessine donc une certaine sagesse.
L'homme diversifie ses sources d'intérêt.
• Deuxième partie : les limites de la citation
a) L'auteur n'envisage pas les vertus formatrices du travail.
Certaines activités développent des qualités deréflexion, de patience, de minutie qui n'auraient pas l'occasion de se manifester ailleurs.
Au reste, sans en faire lesommet d'une vie, de nombreuses personnes aiment leur métier.
En outre, le sens des relations, même si on nel'idéalise pas, n'est pas négligeable.
Si l'effort est soutenu, les contraintes créent des servitudes, ils structurentaussi la vie.b) La phrase néglige aussi la dimension économique du travail, source de richesse pour l'ensemble d'une population.(Penser aux problèmes économiques du chômage.)c) En acceptant une telle position, on oublie que les revendications portent souvent sur les salaires, mais égalementsur les conditions de travail.
Il s'agit là d'améliorer le bien-être, mais aussi de revaloriser l'intérêt même du travail.d) Ce que la phrase de Valéry a de désespéré :— Le temps passé pendant le travail se vide complètement de sens, perd toute valeur.— En outre, la phrase n'est acceptable que pour un certain type de travail, les activités répétitives qui n'apportentaucun enrichissement.
On a l'impression que pour Valéry aucun travail ne peut créer d'intérêt.— Enfin, le « rien de plus » n'est pensable que dans une société qui a écarté les problèmes de survie.
Lorsque lasubsistance quotidienne est incertaine, un « moyen de vivre» constitue l'essentiel.
citations
« Le problème n'est pas de savoir si le travail est pénible, mais de savoir si le travail est considéré par l'hommecomme inhérent à sa nature, à son existence, à la raison pour laquelle il se trouve sur la terre.
»Jean FOURASTIÉ, Les Idées majeures (bac.
80).«Le métier, la profession, c'est l'occupation habituelle d'un homme à l'effet d'être utile aux autres hommes.»Camille JULLIAN, Revue Blanche, 19-09-21.«L'homme a besoin du travail plus encore que du salaire.
»Lanza del VASTO, Le Pèlerinage aux sources..
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