Partagez-vous le point de vue de l'auteur sur les inconvénients d'une chaîne qui serait spécialement consacrée à la culture ?
Publié le 29/06/2020
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« L'auteur estime que l'existence d'une chaîne culturelle à la télévision ne favorisera pas l'accès à la culture du public non cultivé. Il poursuit : Quant à la population culturelle qui, depuis quarante ans, réclame des projets culturels, bénit Océaniques m émission dont tout le monde parle, sans jamais beaucoup la regarder, selon le principe bien connu qu'on respecte ce qui fait sérieux et... culturel il 5 n'est pas certain du tout qu'elle rejoindra la télévision culturelle. D'abord, parce que le public, en dépit de ses propos, se méfie aussi des programmes culturels, même s'il les réclame, ensuite, parce qu'il a appris lui aussi à se distraire et à s'amuser comme tous les téléspectateurs. Enfin, et peut-être surtout, parce qu'il y a beau-10 coup de chances qu'il ne crédite pas la télévision, fût-elle culturelle, de pouvoir traiter « sérieusement » de culture. Autrement dit, faire une chaîne culturelle est plus difficile que de faire une chaîne sportive ou de cinéma car ce qui est « désigné » comme culturel est plus indéfini et conflictuel que ce qui concerne le sport 15 ou le cinéma. La culture, chacun en a une définition liée à son éducation et à son expérience, ce qui rend plus problématique la rencontre entre l'attente du public et l'offre des programmes. Quels sont les risques ? Principalement deux, qui sont d'ailleurs à l'opposé exact du but recherché. Renforcer les barrières socia-20 les, donc les inégalités en confortant le public « à conquérir » dans l'idée qu'il ne s'agit réellement pas de programmes « pour lui ». Maintenir ainsi les distinctions et les inégalités au lieu de les modifier, et surtout renforcer le sentiment de ghetto qui n'a pas besoin d'une télévision culturelle pour exister. 25 C'est donc la segmentation sociale et culturelle qui se trouve légitimée ; les exclus étant confortés dans leur sentiment de n'être pas du club, les élus persuadés d'être réellement du bon côté. C'est ce qu'on appelle une contre-performance. Le second risque est que, sous couvert de protéger et de promouvoir 30 la culture, donc de se dégager du discours marketing (2) par ailleursdominant, on en arrive exactement au même résultat, c'est-à-dire à une opération de marketing réussie qui vise à isoler un public « haut de gamme» en temies de revenus et d'attentes pour lui fournir ce qu'il désire. Dans le document deprésentationde La Sept, on peut lire : « La culture se déchaîne sur La Sept, une culture passion, tout en vitalité, en diversité, en échange. La Sept lâche la bride à l'imagination audiovisuelle, elle franchit d'un bond de satellites les frontières des pays et celles des idées. Un pari ambitieux, celui de l'intelligence et de la différence. Celui aussi de la libre circulation des créations et des financements dans la perspective de la grande Europe de1993». Le document s 'intitule « Une grille en liberté » et comprend les rubriques suivantes : Fictions (qualité Europe), Achats cinéma (version originale), Documentaires (lamémoire vive), Spectacles (l'émotion partagée), Jeunesse (apprendre et comprendre). Qu'y a-t-il là-dedans de particulièrement progressiste et démocratique comme ne cessent de l'affirmer les protagonistes de la télévision culturelle ? Qu'y a-t-il d'autre, au-delà des mots, que la constitution et le renforcement au contraire d'un public privilégié, qui, grâce à son haut niveau culturel et souvent de revenus, pourra accéder plus rapidement que le « grand public » aux programmes « hauts de gamme » ? Jamais une opération de segmentation sociale et culturelle, dans la pure tradition de marketing, n'aura été pensée en faisant, pour se légitimer, autant appel à ce qui lui est le plus noble, les valeurs culturelles et démocratiques. Sur le plan pratique, une telle attitude a un impact immédiat : décharger les professionnels de la télévision généraliste de l'obligation d'une « productionculturelle » qui leur paraît de plus en plus anachronique au fur et à mesure de la victoire d'une logique d'entreprise. L'existence d'une chaîne culturelle spécialisée lui sert même de justification. Inutile de s'encombrer de programmes culturels alors qu'il existe, à côté, une télévision publique qui revendique le titre de culture. Que l'on y renvoie le public intéressé par la culture, et que l'on se sente enfin libre de faire ce que l'on veut ! La télévision culturelle devient le moyen de décharger les professionnels d'un souci de production à caractère culturel au sein de la télévision généraliste. Dominique Wolton, Éloge du grand public, Éditions Flammarion, 1990, pp. 174-176. (1) Océaniques : émission culturelle que la télévision programme à une heure-tardive. (2) discours marketing : ensemble de procédés tournés vers la conquête de marchés, donc de profits matériels. ...»
«
ÉPREUVE
7
Aix-Marseille, Montpellier, Nice-Corse,
Toulouse Juin
1991
TEXTE L'auteur estime que l'existence d'une chaîne culturelle à la
télévision ne favorisera pas l'accès à la culture du public non
cultivé.
Il poursuit :
Quant à la population culturelle qui, depuis quarante ans, réclame
des projets culturels, bénit Océaniques m -émission dont tout le
monde parle, sans jamais beaucoup la regarder, selon le principe
bien connu qu'on respecte ce qui fait sérieux et...
culturel -il
5 n'est pas certain du tout qu'elle rejoindra la télévision culturelle.
D 'abord,
parce que le public, en dépit de ses propos, se méfie aussi
des programmes culturels, même s'il les réclame, ensuite, parce
qu'il a appris lui aussi à se distraire et à s'amuser comme tous les
téléspectateurs.
Enfin, et peut-être surtout, parce qu'il y a beau-
10 coup de chances qu'il ne crédite pas la télévision, fût-elle cultu
relle, de pouvoir traiter « sérieusement » de culture.
Autrement
dit, faire une chaîne culturelle est plus difficile que de faire une
chaîne sportive ou de cinéma car ce qui est « désigné » comme
culturel est plus indéfini et conflictuel que ce qui concerne le sport
15 ou le cinéma.
La culture, chacun en a une définition liée à son
éducation et à son expérience, ce qui rend plus problématique la
rencontre entre l'attente du public et l'offre des programmes.
Quels sont les risques ? Principalement deux, qui sont d'ailleurs
à l'opposé exact du but recherché.
Renforcer les barri�F&K socia-
20 les, donc les inégalités en confortant le public « à conquérir » dans
l'idée qu'il ne s'agit réellement pas de programmes « pour lui».
Maintenir ainsi les distinctions et les inégalités au lieu de les
modifier, et surtout renforcer le sentiment de ghetto qui n'a pas
besoin d'une télévision culturelle pour exister.
25 C'est donc la segmentation sociale et culturelle qui se trouve
légitimée ; les exclus étant confortés dans leur sentiment den' être
pas du club, les élus persuadés d'être réellement du bon côté.
C'est
ce qu'on appelle une contre-performance.
Le second risque est que, sous couvert de protéger etde promouvoir
30 la culture, donc de se dégager du discours marketing czJ par ailleurs.
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