Par quels procédés Montaigne persuade le lecteur d’entrer dans l’oeuvre?
Publié le 11/02/2022
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«
Par q uels p ro cé d és M onta ig n e p ers u ade le le cte ur d ’e ntr e r d ans l’o euvre ?
C 'e st i c i u n l iv re d e
bo nne f o i
,
le cte u r
.
Il
t 'a ve rtit ,
dés
l'e n tr é e,
que
je
ne
m'y
su is
pro po sé
au cu ne
fin ,
que
d o m estiq ue e t p riv é e.
Je
n'
y ai
eu
nulle
co nsid éra tio n
de
to n
se rv ic e ,
ni
de
ma
glo ir e .
M es f o rc e s
ne
s o nt
pas
ca p ab le s
d 'u n t e l d ess e in .
Je
l'
ai
vo ué
à la
co m modit é
partic u liè re
de
mes
pare n ts
et
am is
: à ce
que
m'a ya n t
perd u
(c e
qu'i ls
ont
à fa ir e
bie n tô t
) ils
y puis se n t
re tr o uve r
au cu ns
tr a it s
de
mes
co ndit io ns
et
hum eu rs ,
et
qu e
par
ce
moye n
ils
no urris se n t,
plu s
alt iè re
et
plu s
viv e
, la
co nnais sa n ce
qu'i l s
ont e u e d e m oi.
Si
c'e û t
été
po ur
re ch erc h er
la
fa ve u r
du
monde
, je
me
fu sse
mie u x
paré
et
me
pré se n te ra is
en
une
marc h e
étu dié e
.
Je
ve u x
qu'
on
m'y
vo ie
en
ma
fa ço n
sim ple ,
natu re lle
et
ord in air e
, sa n s
co nte n tio n
et
artif ic e
: ca r
c'e st
moi
que
je
pein s
.
Mes défa u ts s'y lir o nt au vif , et ma fo rm e naïv e , au ta n t que la ré vé re n ce publiq ue me l'a perm is . L’a d re sse dir e cte “ au le cte u r” qui in sta u re de su it e un lie n in tim e en tr e le narra te u r et so n le cte u r. Monta ig n e pré se n te dès le déb ut so n liv re en le ca ra cté ris a n t de “b o nne f o i” d o nc u n l iv re v ra i. Apparit io n du “je ” du narra te u r, qui met en ava n t le li e n ave c le le cte u r pré se n t grâ ce au pro no m pers o nnel co m plé m en t. Monta ig n e no us do nne le su je t de so n liv re “d o m estiq ue et priv é e” su je t qui est acce n tu é par l’ u til is a tio n d e l a n éga tio n r e str ic tiv e . L’u tilis a tio n dan s ce s deu x phra se s de la néga tio n sy n ta xiq ue “n e pas” et l’ u til is a tio n du le xiq u e “n ulle ” et “c a p ab le ” in sis te su r l’ in ca p acit é de Monta ig n e de pre n dre en co m pte so n le cte u r, il nie so n le cte u r et oppo se a in si p riv é e t p ubli c / g a la n te rie . Dan s ce tt e phra se Monta ig n e in sis te su r le pro je t de le ctu re sin cè re et priv é qu’il fo rm e “p are n ts et am is ” , le ve rb e “re tr o uve r” sa pers o nn ali t é co m me il est. Il va mêm e ju sq u’à dir e que so n liv re se ra te lle m en t pro ch e de lu i que se s pro ch es le re tr o uve ro nt pre sq ue plu s ré e l que dan s la ré alit é ave c le s su perla tif s acco m pagn és des ad je ctif s “ a lt iè re e t v iv e ”. Ic i la ré fle xio n désta b il is e le le cte u r puis q ue l’ a u te u r pré te n d acc é d er à une fo rm e d’im morta lit é to ut en re str e ig n an t l e n o m bre d e s e s l e cte u rs . Cett e phra se déb ute par un ir ré e l qui po se une ré fle xio n su r ce qui n’e st pas et l’ a ffir m atio n fo nctio nne alo rs co m me une néga tio n du monde de la co ur/ il re vie n t à la questio n de la sin cé rit é . Le vo ca b ula ir e “fa ve u r du monde, paré marc h e étu dié e ” in sis te bie n su r l’ id ée de l’ a rtif ic e de la pré p ara tio n VS natu re l. Il oppo se ce tte id ée à sim ple natu re lle et ord in air e (r y th m e te rn air e ) et co nte n tio n et artif ic e (ic i le le cte u r s’a tte n dait de no uve au à un ry th m e te rn air e ) La phra se se m ble in ab o utie . Monta ig n e do nne alo rs l’ im pre ss io n de re fu se r la rh éto riq ue p o ur r e ste r s u r q qch o se d e n atu re l. Monta ig n e évo que grâ ce au pro no m im pers o nnel “o n” le le cte u r de no uve au le para d o xe est pré se n t, en utilis a n t “o n” il se m ble bie n évo quer un le cte u r public et no n un le cte u r de la sp hère priv é e. Il est do nc le su je t de so n liv re .. »
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