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P. Verlaine, Poèmes saturniens, « Melancholia ».

Publié le 13/07/2020

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« À Ernest Boutier. Nature, rien de toi ne m'émeut, ni les champs Nourriciers, ni l'écho vermeil des pastorales Siciliennes, ni les pompes aurorales, Ni la solennité dolente des couchants. Je ris de l'Art, je ris de l'Homme aussi, des chants, Des vers, des temples grecs et des tours en spirales Qu'étirent dans le ciel vide les cathédrales, Et je vois du même œil les bons et les méchants. Je ne crois pas en Dieu, j'abjure et je renie Toute pensée, et quant à la vieille ironie, L'Amour, je voudrais bien qu'on ne m'en parlât plus. Lasse de vivre, ayant peur de mourir, pareille Au brick perdu jouet du flux et du reflux, Mon âme pour d'affreux naufrages appareille. Convenons donc que cette vision du monde que nous présente Verlaine est profondément dépendante des conceptions parnassiennes. Mais si ce monde est celui du décor, de l'impassibilité, du refus de Dieu, d'où vient que le poème s’intitule « Angoisse », d'où vient que le poème évoque pour terminer une âme « lasse de vivre»? 2. Un monde en-faillite ou la « descente dans le maelstrom ». C'est qu'en réalité ce monde parnassien qui est la toile de fond des pensées verlainiennes, ce monde, il s’écroule devant nos yeux. C 'est qu'en- réalité ce monde parnassien ne constitue plus pour Verlaine :un ensemble stable de valeurs sur lesquelles il pourrait s'appuyer, grâce auxquelles il pourrait trouver un équilibre. Et tout le poème jusqu’au dernier tercet exclu ,n'est en définitive qu'une série d'énumérations visant à démolir le monde parnassien sur le mode du sarcasme. Verlaine joue de la dérision sur divers tons : -le plus subtile d'abord et sans .doute par là-même le plus efficace, ne le trouvons-nous pas dans le 1er quatrain? Que fait Verlaine en effet? Il prend l'un des thèmes les plus caractéristiques du mouvement parnassien et il' accumule en quatre vers une série d'images toutes faites : il en rajoute pourrions-nous dire, pousse à ses limites un type d'écriture afin d'en mieux révéler les faiblesses; à ce titre on peut penser que le 1er quatrain constitue une parodie exhibant l'artifice des descriptions parnassiennes. Cette dérision-là qui est écrite est sans doute plus efficace. que cette autre qui est seulement dite dans la suite du poème, quand Verlaine se contente de répéter; "je ris... je ris, j'abjure et je renie", quand Verlaine raille ces grands symboles de l'art que sont la poésie ef les temples grecs, ces grands symboles de la foi que sont les cathédrales. Mais ce qu'il veut atteindre c'est précisément tout ce qui aux yeux d'un intellectuel est frappé d'une insigne valeur; dans l'abîme où il jette le Parnasse, Verlaine veut que soient aussi entraînées les valeurs de cet humanisme positiviste qu'il renie: les livres, les monuments, la pensée. ...»

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