La cloche fêlée Comment dans ce sonnet, Baudelaire fait-il l’éloge d’une cloche pour évoquer son spleen ? 1) Une douce rêverie 2) La cloche personnifiée 3) Le spleen du poète I. Une rêverie amère et douce Vers 1 : Le premier quatrain exprime une nostalgie, puisque le poète se remémore des souvenirs pas défini i +ou - puisque le poème s'ouvre sur un oxymore : "amer et doux". ambivalence: la notion de froid intense au vers 1 ("nuits d'hiver") est tout de suite contredite par le champ lexical de la chaleur Vers 2 ("feu", "palpite", "fume"). les "nuits d'hiver" évoquent un extérieur hostile, alors que le "feu qui palpite et qui fume" évoque un intérieur chaleureux. Les allitérations en [p] et en [f] ("près du feu qui palpite et qui fume") imitent la sonorité du feu (crépitement et sifflement). De plus, le verbe palpiter évoque un cœur qui bat, ce qui personnifie et donne vie au feu. Ce feu crée une ambiance chaleureuse, propice à la rêverie. Le terme "Ecouter" du vers 2 est surprenant pour l'évocation de souvenirs synesthésie. Cela montre que ces souvenirs sont très vivants, et fait écho au bruit du feu (vers 2) Vers 3 : l'allitération en [l] ("Les souvenirs lointains lentement s'élever") donne l'image des souvenirs qui s'élèvent. Les souvenirs semblent s'élever, comme emportés par la fumée du vers 2. Les souvenirs sont donc en train de s'en aller, de s'effacer. On a ici une évocation de la fuite du temps, thème récurrent de la poésie. Vers 4 : associe encore les souvenirs à une image positive : "les carillons qui chantent". Les carillons sont personnifiés : ils ne sonnent pas, ils chantent. la rime "fume" (vers 2) et "brume" (vers 4)= une notion de fumée, mais "fume" est associé à la chaleur protectrice du feu, à l'intérieur, alors que "brume" est associé au froid, à l'extérieur. Le premier quatrain s'achève donc sur une note de spleen avec le mot "brume", mais pas encore très appuyée. premier quatrain fait donc écho à "amer et doux": les souvenirs rassurent et procurent du plaisir (ils sont donc "doux"), mais ils finissent toujours par s'effacer avec le temps (d'où l'amertume) II. La cloche, un objet personnifié Le deuxième quatrain évoque la vitalité, représentée par la cloche. La cloche est personnifiée ("gosier vigoureux" au vers 5, "alerte et bien portante" au vers 6 "jette un cri" au vers 7), et le champ lexical de la vitalité lui est associé ("vigoureux", "alerte, "bien portante"). Le verbe jeter ("Jette […] son cri" au vers 7) montre aussi l'énergie de la cloche. L'utilisation de la préposition "malgré" au vers 6 montre l'admiration du poète pour la cloche : elle a su résister à la vieillesse, donc au temps qui passe. La cloche, symbole de l'église et de la religion, est justement ici associée au champ lexical de la religion au vers 7 ("fidèlement", "religieux"). La diérèse au vers 7 sur le mot "religieux" crée une insistance sur ce mot donne un ton moins sombre à la strophe religion associée à la paix de l’âme La cloche est également associée à la rigueur militaire au vers 8, avec la comparaison au "vieux soldat". Ce "vieux soldat qui veille" représente la sécurité et l'expérience. La cloche a donc deux qualités : le pouvoir d'élévation (rapport avec la religion), et la discipline (rapport avec le militaire). On peut penser que la cloche est pour le poète un modèle pour s'élever vers l'idéal, et échapper au spleen III. Le spleen du poète Les deux tercets montrent la montée du spleen chez le poète. Le pronom personnel "Moi" qui débute le vers 9 marque une rupture et annonce clairement que c'est maintenant le poète qui parle de lui. Baudelaire annonce que son "âme est fêlée" cela fait référence au titre du poème "la cloche fêlée", son âme est donc cette cloche fêlée, et c'est donc l'antithèse de la cloche bienheureuse et vigoureuse du second quatrain. L'idée d'âme fêlée du vers 9 est reprise avec le nom "blessé" du vers 12. Dans ces deux tercets, le vocabulaire est clairement plus triste que dans le début du poème, en lien avec le spleen du poète ("ennuis", "air froid", "nuits", "affaiblie", "râle", "morts", etc). Rime suffisante de "ennuis et "nuits", emphase sur le fait que la nuit est le temps du spleen En fait, les deux tercets reprennent les thèmes des deux quatrains, mais sous forme d'antithèses : - chaud ("feu qui palpite et qui fume" du vers 2) / froid ("air froid des nuits" du vers 10) - bruit ("carillons qui chantent" du vers 4, "cri" du vers 7) / silence ("voix affaiblie" du vers 11) - chants agréables ("bruit des carillons qui chantent" du vers 4, "cri religieux" du vers 7) / râle ("râle épais d'un blessé" du vers 12) - mouvement ("alerte et bien portante" du vers 6) / immobilité ("sans bouger" du vers 14) - vie (deuxième quatrain) / mort (deuxième tercet). Ce système d'antithèses montre la différence du poète et son spleen, les antithèses vont dans le sens d'une dégradation, d'une chute. Si le premier tercet montre un affaiblissement, le deuxième tercet est associé à la mort avec un champ lexical de la mort très présent ("râle", "blessé", "sang", "morts", meurt", "sans bouger"). Tout d'abord, le poète se sent délaissé puisque il se compare à "un blessé qu'on oublie" au vers 12. Le vers 13 est fait de deux hyperboles très visuelles "lac de sang", "grand tas de morts", qui insistent sur l'idée de la mort. Dans tout ce dernier tercet, l'allitération en [s] imite le dernier souffle du blessé. Dans le dernier vers, l'horreur de la mort est appuyée par l'antithèse entre "sans bouger" et "dans d'immenses efforts". L’horloge Comment le temps est il représenté dans ce poème ? 1) le temps douloureux 2) carpe diem profiter 3) un destin funeste I. Le douloureux temps (quatrains 1&2) Vers 1 : Le poème débute par une brutale apostrophe à l'horloge "Horloge" étant le premier mot du poème, et souligné par un point d'exclamation. L'horloge est une allégorie du temps. L'horloge est personnifiée et diabolisée "dieu sinistre". Le terme "dieu" montre la supériorité de l'horloge sur les hommes, elle impose sa loi aux hommes Vers 2 : l'horloge est présentée comme une menace "dont le doigt nous menace". Doigt personnification aiguilles horloge Dans tout le premier quatrain, on remarque une allitération en [d], et les 2 premiers vers ont un rythme très haché (groupes de 3 pieds), donnant ainsi en effet de tic-tac d'horloge. Le poème = universel, avec le pronom personnel "nous" au vers 2 qui montre une expérience commune : "nous" désigne tous les hommes, mais aussi expérience individuelle : "souviens-toi". L'utilisation de l'impératif "souviens-toi" montre que ce n'est pas un choix, mais une obligation : on ne peut pas se soustraire au temps. le poème devient une prosopopée (figure de style qui consiste à faire parler et agir une personne que l'on évoque) l'ouverture des guillemets au vers 2 (c'est donc l'horloge qui parle), guillemets qui seront refermés à la fin du poème. Cela rend le poème plus vivant, et l'horloge plus menaçante puisqu'elle menace directement l'homme. Vers 3 et 4, le temps = douleur : ''vibrantes Douleurs", "dans ton cœur […] se planteront". Le mot "Douleurs" est mis en relief avec l'utilisation de la majuscule. Le terme "effroi" est en écho avec le terme "effrayant" du vers 1. L'utilisation du futur de l'indicatif "se planteront" ne laisse pas d'alternative : cela doit se passer fatalité. Et cela est imminent, comme le montre l'adverbe de temps "bientôt". Le deuxième quatrain temps chasse les plaisirs. Comme en réponse à "Douleur" du vers 3, le mot "Plaisir" au vers 5 a une majuscule, et l'adjectif qui le qualifie commence par un "v" ("vibrantes Douleurs" / "Plaisir vaporeux"). Cela souligne l'antithèse entre ces deux notions. L'adjectif "vaporeux" évoque quelque chose qu'on ne peut retenir. L'allitération en [v] du vers 5 ("vaporeux" "vers") imposant un rythme plus lent évoque cette évaporation. Vers 6 : l'allitération en [s] évoque quelque chose qui glisse, comme la fuite de la sylphide ("Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse"). Dans ce vers, l'allusion à "la coulisse », montre que l'homme joue la comédie de la vie, et quand, poussé par le temps, il retourne dans la coulisse il retourne vers la mort puisqu'il n'est plus visible. vers 7 et 8, le temps ronge l'existence, et particulièrement ses moments heureux la métaphore : "Chaque instant te dévore un morceau du délice". Le temps est animalisé, car "dévorer" est un verbe utilisé pour les animaux. Le mot saison au vers 8 est encore une allusion au temps : le délice n'est accordé que pour une saison, donc a fatalement une durée limitée. II. Invitation à profiter de chaque instant carpe diem (quatrains 3&4) Le champ lexical du temps est omniprésent dans tout le poème = obsession du poète contre le temps qui passe. Vers 9 ("Trois mille six cents fois par heure"), la progression du temps répond à une loi mathématique, donc que l'on ne peut changer : c'est une loi de la nature. Différentes unités du temps sont citées dans le poème : "seconde", "minute", "heure", "jour", "saison", Baudelaire veut dresser un tableau le plus complet possible. Vers 9/10 ("la Seconde / Chuchote") = le temps est personnifié, ce qui permet de rendre cette notion abstraite plus compréhensible. Dans ce troisième quatrain impression d'accélération du temps Les enjambements des vers 9/10 et 10/11 accélèrent le rythme du poème La "Seconde" au vers 9 est une unité de temps qui est courte, donc rapide, et au vers 10 on a l'adjectif "rapide". Vers 10 à 12 : la métaphore filée de l'insecte (vers 10 à 12 : "sa voix / D'insecte […] j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde") pour illustrer le temps qui avance, et que l'homme est promis inexorablement à la mort ("j'ai pompé ta vie"). Au vers 12, l'assonance en [on] ("pompé ta vie avec ma trompe immonde") crée un effet dissonant - succession désagréable de sons. Vers 11 ("Maintenant dit : Je suis Autrefois"), l'antithèse présent / passé indique le passage du temps, et cette horloge toute-puissante qui est à la fois passé et présent. Vers 13 & 14 : l'horloge "parle toutes les langues" (comme illustré au vers 13), ce qui confirme la portée universelle du poème : la fuite du temps concerne tous les hommes, quelles que soient leurs origines. Baudelaire nous présente l'homme comme un être insouciant qui laisse échapper sa vie sans conscience de sa fragilité ("prodigue" au vers 13, "mortel folâtre" au vers 15). Les vers 15 et 16 sont un avertissement : il faut profiter de la vie, et en apprécier chaque instant, chaque "minute", puisqu'elles contiennent de "l'or", l'or étant une métaphore des moments précieux de la vie. Il ne faut pas céder à la paresse, le carpe diem est la seule réponse possible au temps, il faut savourer chaque minute de la vie. III. Un destin funeste inévitable (quatrains 5&6) Au vers 17, Baudelaire personnifie de nouveau le temps ("le Temps est un joueur avide"). Vers 18 : Comme au vers 9, la fatalité de l'écoulement du temps se fait sentir ("à tout coup ! c'est la loi"). L'emploi du présent de vérité générale et la brièveté de la phrase "c'est la loi." montre qu'il n'y a pas de discussion possible. Divisé en 4 parties de 3 pieds ("Qui gagne/ sans tricher,/ à tout coup !/ c'est la loi") = accumulation de preuves que on ne peut arrêter le temps. Vers 19 et 20 montrent une construction parallèle, qui montre la mécanique inflexible du temps Au vers 20, on retrouve la métaphore du temps qui serait insatiable ("a toujours soif"). Compte à rebours : le temps défile sous nos yeux avec la clepsydre (instrument ancien, sorte de sablier) qui se vide. L'emploi du mot "clepsydre", instrument ancien, n'est pas anodin, il semble montrer que ce qui est dit dans ce poème est vrai depuis tout temps. Tout le poème fait ressentir que l'homme est impuissant face au temps. Le dernier quatrain = beaucoup plus tragique expressions faisant penser à une tragédie classique : "divin Hasard" vers 21, "auguste Vertu" vers 22, présence de la mort vers 24. Ce dernier quatrain est effectivement un dénouement classique pour une tragédie : la mort. Vers 21, l'utilisation du futur ne laisse pas d'alternative, cela va se produire ("Tantôt sonnera l'heure"). Au vers 22, le fait que "l'auguste Vertu" soit "encor vierge" montre qu'en fait l'homme n'a pas été vertueux dans sa vie. Ce manque de vertu mène l'homme à l'envie de se "repentir" (vers 23). Au dernier vers, l'horloge prononce la sentence de mort. Elle utilise l'impératif, donc ne laisse pas le choix "Meurs". Changement de registre du registre tragique au registre familier avec "vieux lâche » dévaloriser le destinataire de cette insulte, et souligner le caractère dérisoire de la vie. Le repentir tardif n'aura pas suffi, puisque "il est trop tard". C'est donc le temps qui gagne, et qui dicte sa loi durant toute l'existence humaine. A une passante Comment ce poème reprend-il l’opposition baudelairienne entre spleen et idéal ? 1) La rencontre 2) Les réactions du poète 3) Une rencontre impossible I) La rencontre 1) Le cadre Le premier vers plante assez brutalement le décor : « La rue assourdissante » pourrait être interprétée comme métonymie des passants et des véhicules qui s’y trouvent aussi un personnification décor a caractère humain et hostile. caractère agressivement sonore de ce premier vers, avec l’adjectif verbal « assourdissante » et le verbe « hurlait ». poète apparaît au centre de la phrase, comme assiégé par ce décor hostile premier vers donne le ton : rien ne prédispose à la rencontre. Toute communication verbale étant rendue impossible par le vacarme urbain, la place est donc laissée libre à la communication par le regard. 1er quatrain, vers 2 à 4 La femme surgit dès le vers 2, mais elle ne sera désignée qu’au vers 3. Il y a un effet d’attente. Elle apparaît sous forme d’une énumération d’adjectifs qualificatifs en apposition (« longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse ») rythme croissant souligne la démarche de la passante/ marque progression vers poète expressions « en grand deuil » et « douleur majestueuse » (métonymie qui désigne la femme par le double sentiment qu’elle dégage) évoquant l’idée toute baudelairienne que la beauté, afin d’atteindre à son maximum de séduction, doit être accompagnée de tristesse et le malheur.