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Publié le 14/06/2021
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«
Obsèques de la lionne
Texte : L a femme du Lion mourut : Aussitôt chacun accourut Pour s’acquitter envers le Prince De
certains compliments de consolation, Qui sont surcroît d’affliction.
Il fit avertir sa Province Que les
obsèques se feraient Un tel jour, en tel lieu ; ses Prévôts y seraient Pour régler la cérémonie, Et pour
placer la compagnie.
Jugez si chacun s’y trouva.
Le Prince aux cris s’abandonna, Et tout son antre en
résonna.
Les Lions n’ont point d’autre temple.
On entendit à son exemple Rugir en leurs patois
Messieurs les Courtisans.
Je définis la cour un pays où les gens Tristes, gais, prêts à tout, à tout
indifférents, Sont ce qu’il plaît au Prince, ou s’ils ne peuvent l’être, Tâchent au moins de le parêtre,
Peuple caméléon, peuple singe du maître, On dirait qu’un esprit anime mille corps ; C’est bien là que
les gens sont de simples ressorts.
Pour revenir à notre affaire Le Cerf ne pleura point, comment eût-il
pu faire ? Cette mort le vengeait ; la Reine avait jadis Etranglé sa femme et son fils.
Bref il ne pleura
point.
Un flatteur l’alla dire, Et soutint qu’il l’avait vu rire.
La colère du Roi, comme dit Salomon, Est
terrible, et surtout celle du roi Lion : Mais ce Cerf n’avait pas accoutumé de lire.
Le Monarque lui dit :
Chétif hôte des bois Tu ris, tu ne suis pas ces gémissantes voix.
Nous n’appliquerons point sur tes
membres profanes Nos sacrés ongles ; venez Loups, Vengez la Reine, immolez tous Ce traître à ses
augustes mânes.
Le Cerf reprit alors : Sire, le temps de pleurs Est passé ; la douleur est ici superflue.
Votre digne moitié couchée entre des fleurs, Tout près d’ici m’est apparue ; Et je l’ai d’abord reconnue.
Ami, m’a-t-elle dit, garde que ce convoi, Quand je vais chez les Dieux, ne t’oblige à des larmes.
Aux
Champs Elysiens j’ai goûté mille charmes, Conversant avec ceux qui sont saints comme moi.
Laisse
agir quelque temps le désespoir du Roi.
J’y prends plaisir.
A peine on eut ouï la chose, Qu’on se mit à
crier : Miracle, apothéose ! Le Cerf eut un présent, bien loin d’être puni.
Amusez les Rois par des
songes, Flattez-les, payez-les d’agréables mensonges, Quelque indignation dont leur cœur soit rempli,
Ils goberont l’appât, vous serez leur ami.
Analyse :
Cette fable se présente d’abord comme le récit d’une ruse qui met en scène la cour au
moment des obsèques de la Lionne (c’est-à-dire, dans l’ordre symbolique des animaux, la
Reine).
Ce récit se construit selon un schéma classique : nous trouvons une situation initiale (v.1 à
11), des péripéties (d’abord les gémissements des « Courtisans », le Cerf qui ne pleure pas et
qui est dénoncé ; son récit), un dénouement (le Cerf est remercié), et une moralité qui
remplace, dans la fable, la situation finale du récit à proprement parlé : « Amusez les Rois par
des songes, Flattez-les, payez-les d’agréables mensonges, Quelque indignation dont leur
cœur soit rempli, Ils goberont l’appât, vous serez leur ami.
»
Nous avons la peinture de la cour, à travers son étiquette, c’est-à-dire les règles qui y
régissent le quotidien.
Ainsi, nous avons un champ sémantique administratif : « obsèques »,
« Prévôts », « cérémonie », « placer la compagnie ».
Il s’agit d’un véritable protocole qui
vient démontrer, déjà, la fausseté et la superficialité de ce monde du pouvoir..
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