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OBJET D’ETUDE: LE THEATRE DU XVII° AU XXI° SIECLE OEUVRE INTEGRALE: Jean-Luc LAGARCE, Juste la fin du monde, 1990 PARCOURS “CRISE PERSONNELLE, CRISE FAMILIALE”

Publié le 19/06/2024

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« OBJET D’ETUDE: LE THEATRE DU XVII° AU XXI° SIECLE OEUVRE INTEGRALE: Jean-Luc LAGARCE, Juste la fin du monde, 1990 PARCOURS “CRISE PERSONNELLE, CRISE FAMILIALE” TEXTE 1 PROLOGUE LOUIS.

– Plus tard‚ l’année d’après – j’allais mourir à mon tour – j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai‚ l’année d’après‚ de nombreux mois déjà que j’attendais à ne rien faire‚ à tricher‚ à ne plus savoir‚ de nombreux mois que j’attendais d’en avoir fini‚ l’année d’après‚ comme on ose bouger parfois‚ à peine‚ devant un danger extrême‚ imperceptiblement‚ sans vouloir faire de bruit ou commettre un geste trop violent qui réveillerait l’ennemi et vous détruirait aussitôt‚ l’année d’après‚ malgré tout‚ la peur‚ prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre‚ malgré tout‚ l’année d’après‚ je décidai de retourner les voir‚ revenir sur mes pas‚ aller sur mes traces et faire le voyage‚ pour annoncer‚ lentement‚ avec soin‚ avec soin et précision – ce que je crois – lentement‚ calmement‚ d’une manière posée – et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux‚ tout précisément‚ n’ai-je pas toujours été un homme posé ?‚ pour annoncer‚ dire‚ seulement dire‚ ma mort prochaine et irrémédiable‚ l’annoncer moi-même‚ en être l’unique messager‚ et paraître – peut-être ce que j’ai toujours voulu‚ voulu et décidé‚ en toutes circonstances et depuis le plus loin que j’ose me souvenir – et paraître pouvoir là encore décider‚ me donner et donner aux autres‚ et à eux‚ tout précisément‚ toi‚ vous‚ elle‚ ceux-là encore que je ne connais pas (trop tard et tant pis)‚ me donner et donner aux autres une dernière fois l’illusion d’être responsable de moi-même et d’être‚ jusqu’à cette extrémité‚ mon propre maître. OBJET D’ETUDE: LE THEATRE DU XVII° AU XXI° SIECLE OEUVRE INTEGRALE: Jean-Luc LAGARCE, Juste la fin du monde, 1990 PARCOURS “CRISE PERSONNELLE, CRISE FAMILIALE” TEXTE 2 Première partie, scène 3 Parfois, tu nous envoyais des lettres, parfois tu nous envoies des lettres, ce ne sont pas des lettres, qu’est-ce que c’est ? de petits mots, juste des petits mots, une ou deux phrases, rien, comment est-ce qu’on dit ? elliptiques. « Parfois, tu nous envoyais des lettres elliptiques.

» Je pensais, lorsque tu es parti (ce que j’ai pensé lorsque tu es parti), lorsque j’étais enfant et lorsque tu nous as faussé compagnie (là que ça commence), je pensais que ton métier, ce que tu faisais ou allais faire dans la vie, ce que tu souhaitais faire dans la vie, je pensais que ton métier était d’écrire (serait d’écrire) ou que, de toute façon – et nous éprouvons les uns et les autres, ici, tu le sais, tu ne peux pas ne pas le savoir, une certaine forme d’admiration, c’est le terme exact, une certaine forme d’admiration pour toi à cause de ça – ou que, de toute façon, si tu en avais la nécessité, si tu en éprouvais la nécessité, si tu en avais, soudain, l’obligation ou le désir, tu saurais écrire, te servir de ça pour te sortir d’un mauvais pas ou avancer plus encore. Mais jamais, nous concernant, jamais tu ne te sers de cette possibilité, de ce don (on dit comme ça, c’est une sorte de don, je crois, tu ris) jamais, nous concernant, tu ne te sers de cette qualité – c’est le mot et un drôle de mot puisqu’il s’agit de toi – jamais tu ne te sers de cette qualité que tu possèdes, avec nous, pour nous. Tu ne nous en donnes pas la preuve, tu ne nous en juges pas dignes. C’est pour les autres. Ces petits mots – les phrases elliptiques – ces petits mots, ils sont toujours écrits au dos de cartes postales (nous en avons aujourd’hui une collection enviable) comme si tu voulais, de cette manière, toujours paraître être en vacances, je ne sais pas, je croyais cela, ou encore, comme si, par avance, tu voulais réduire la place que tu nous consacrerais et laisser à tous les regards les messages sans importance que tu nous adresses. « Je vais bien et j’espère qu’il en est de même pour vous.

» OBJET D’ETUDE LE THEATRE - OEUVRE INTEGRALE LAGARCE, Juste la fin du monde, 1990 PARCOURS “CRISE PERSONNELLE, CRISE FAMILIALE” TEXTE 3 DEUXIEME PARTIE, SCENE 2 ANTOINE.

— Suzanne, j’ai dit que je l’accompagnais, elle est impossible, tout est réglé mais elle veut à nouveau tout changer, tu es impossible, il veut partir ce soir et toi tu répètes toujours les mêmes choses, il veut partir, il part, je l’accompagne, on le dépose, c’est sur notre route, cela ne nous gênera pas. LOUIS.

— Cela joint l’utile à l’agréable. ANTOINE.

— C’est cela, voilà, exactement, comment est-ce qu’on dit ? « d’une pierre deux coups ». SUZANNE — Ce que tu peux être désagréable, je ne comprends pas ça, tu es désagréable, tu vois comme tu lui parles, tu es désagréable, ce n’est pas imaginable. ANTOINE.

— Moi ? C’est de moi ? Je suis désagréable ? SUZANNE — Tu ne te rends même pas compte, tu es désagréable, c’est invraisemblable, tu ne t’entends pas, tu t’entendrais… ANTOINE.

— Qu’est-ce que c’est encore que ça ? Elle est impossible aujourd’hui, ce que je disais, je ne sais pas ce qu’elle a après moi, je ne sais pas ce que tu as après moi, tu es différente. Si c’est Louis, la présence de Louis, je ne sais pas, j’essaie de comprendre, si c’est Louis, Catherine, je ne sais pas, je ne disais rien, peut-être que j’ai cessé tout à fait de comprendre, Catherine, aide-moi, je ne disais rien, on règle le départ de Louis, il veut partir, je l’accompagne, je dis qu’on l’accompagne, je n’ai rien dit de plus, qu’est-ce que j’ai dit de plus ? Je n’ai rien dit de désagréable, pourquoi est-ce que je dirais quelque chose de désagréable, qu’est-ce qu’il y a de désagréable à cela, y a-t-il quelque chose de désagréable à ce que je dis ? Louis ! Ce que tu en penses, j’ai dit quelque chose de désagréable ? Ne me regardez pas tous comme ça ! CATHERINE.

— Elle ne te dit rien de mal, tu es un peu brutal, on ne peut rien te dire, tu ne te rends pas compte, parfois tu es un peu brutal, elle voulait juste te faire remarquer. ANTOINE.

— Je suis un peu brutal ? Pourquoi tu dis ça ? Non. Je ne suis pas brutal. Vous êtes terribles, tous, avec moi. LOUIS.

— Non, il n’a pas été brutal, je ne comprends pas ce que vous voulez dire. ANTOINE.

— Oh, toi, ça va, « la Bonté même » ! CATHERINE.

— Antoine. ANTOINE.

— Je n’ai rien, ne me touche pas ! Faites comme vous voulez, je ne voulais rien de mal, je ne voulais rien faire de mal, il faut toujours que je fasse mal, je disais seulement, cela me semblait bien, ce que je voulais juste dire – toi, non plus, ne me touche pas !– je n’ai rien dit de mal, je disais juste qu’on pouvait l’accompagner, et là, maintenant, vous en êtes à me regarder comme une bête curieuse, il n’y avait rien de mauvais dans ce que j’ai dit, ce n’est pas bien, ce n’est pas juste, ce n’est pas bien d’oser penser cela, arrêtez tout le temps de me prendre pour un imbécile ! il fait comme il veut, je ne veux plus rien, je voulais rendre service, mais je me suis trompé, il dit qu’il veut partir et cela va être de ma faute, cela va encore être de ma faute,.... »

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