Novalis 1772-1801 Issu de la noblesse protestante saxonne, dont il hérita par tradition du pseudonyme Novalis, Friedrich von Hardenberg naquit à Wiederstedt.
Publié le 23/05/2020
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NOVALIS (pseud. de Friedrich Léopold, chevalier de Hardenberg). Poète allemand. Né à Oberwiederstedt (Saxe prussienne) le 2 mai 1772, mort à Weissenfels (Saxe prussienne) le 25 mars 1801. Descendant d’une famille de très ancienne noblesse, c’est d’une tradition de sa maison que le poète hérita son pseudonyme : dès le XIIIe siècle, en effet, les seigneurs de Hardenberg utilisaient parfois l’adaptation latine de leur nom : de Novali, ou Novalis. Friedrich von Hardenberg fut destiné de bonne heure à devenir ingénieur des Mines (son père dirigeait les salines de Weissenfels). Toutefois, après qu’il eut terminé ses premières études à Eisleben, sa famille l’envoya en 1790 à l’Université d’Iéna, où il suivit les cours de philosophie de Rein-hold et les cours d’histoire de Schiller. Novalis s’attacha intimement à ce dernier; l’admiration qu’il lui vouait n’était pas seulement littéraire et il tenait Schiller pour une haute nature morale, une incarnation de l’idéal. C’est également à Iéna que Novalis rencontra Fichte, dont la philosophie fut sa principale inspiratrice intellectuelle, et les frères Schlegel, qui devaient plus tard accueillir dans leur revue l'Athenäum les rares textes de Novalis publiés de son vivant. Après avoir poursuivi ses études universitaires (lettres et jurisprudence) à Leipzig et à Wittenberg, Novalis obtint en 1794 son premier poste administratif, à Tennstâdt, près de Wittenberg. Dès cette époque, sans aucun doute, il songeait à écrire; mais l’activité littéraire ne lui parut jamais qu’un « moyen pour se former », l’essentiel étant à ses yeux la culture de l’homme tout entier. « Le métier d’écrivain, écrira-t-il un jour à son ami Just, est une activité secondaire. Vous porterez sur moi un jugement plus équitable d’après ce qui m’importe avant tout — la vie pratique. » Et, si Novalis est le plus grand mystique de l’époque romantique, il ne faut pas moins essayer de l’imaginer, en cette année 1794, comme un jeune homme préparé pour tous les succès et les plaisirs de la vie, soutenu par une famille riche et considérée, d’un extérieur assez banal sans doute, mais séduisant par sa grâce un peu féminine et par le raffinement de ses manières. Il est optimiste, il attend sans impatience le bonheur — un bonheur modéré et mesuré de père de famille, il est même ambitieux, cherche une situation confortable et ne cache pas son désir de faire un riche mariage. En cette même année 1794 paraît la Doctrine de la science de Fichte, livre si important pour le romantisme allemand que Friedrich Schlegel ne craignait pas de comparer son influence à celle de la Révolution française. Et c’est sur l’idéalisme de Fichte que Novalis va régler sa méditation: toutefois il interprétera la doctrine de son ami d’une manière toute personnelle, essentiellement poétique. Bien qu’il ait été passionné par les sciences naturelles et par les mathématiques, ce n’est pas à la science que Novalis demandera d’être l’instrument de la toute-puissance du moi, mais à une sorte de magie poétique. Selon lui, c’est notre imagination qui enfante le monde extérieur et objectif (le non-moi de Fichte); mais une intuition intellectuelle peut nous restituer la réalité fondamentale. Le rêve est capable de transfigurer n’importe quelles circonstances extérieures. Le Dieu que cherche Novalis n’est pas un Dieu transcendant, suggéré par les réalités naturelles; c’est le Dieu du vieux mystique rhénan Maître Eckhart, un Dieu caché au fond du cœur de tout homme, mais avec lequel certaines natures d’élite ont le privilège, en des moments de grâce, de se trouver soudain en contact vivant. Le seul but noble de la vie est d’approcher ce centre divin de l’âme, ce « dieu naturel... qui est l’étoffe infinie de notre agir et de nos passions ». C’est à Tennstädt, en 1795, que Novalis fit la connaissance de Sophie von Kühn, et aussitôt naquit un étrange amour, un amour absolu, entre le poète de vingt-trois ans et sa petite fiancée, âgée de treize ans à peine (elle était née le 17 mars 1782). Très consciemment, Novalis fit de cette enfant sa médiatrice vers ce monde du divin dont il portait en lui la nostalgie. Sophie devint le centre de sa vie. Mais, peu après leur rencontre, la jeune fille fut atteinte d’une maladie de poitrine; elle mourut le 19 mars 1797. « Pour moi, écrivait Novalis trois jours plus tard, le soir est arrivé tandis que j’avais encore les yeux tournés vers l’aurore. » Il était d’autant plus accablé que, pendant toute la maladie, il était resté persuadé, en vertu de son « idéalisme magique », qu’il parviendrait à obtenir la guérison de sa fiancée par la seule tension de sa propre volonté. Il ne mit pourtant dans sa douleur aucun exhibitionnisme, aucune révolte contre les lois du monde. Mais il affirma sourdement, calmement, sa volonté bien arrêtée de mourir lui aussi. Ce n’était pas là un acte de désespoir, une démission, mais bien le résultat d’une méditation religieuse : Novalis se persuada en effet — surtout après qu’il eut une vision de la morte au cours d’une des stations qu’il faisait quotidiennement au cimetière — que la disparition de sa fiancée marquait pour lui le début d’une ère nouvelle, que la jeune fille, en mourant, avait réalisé la vocation de médiatrice qu’il lui avait donnée dès leur première rencontre, et que maintenant c’était à lui seul qu’il appartenait de mener, en quelque sorte, cette mort jusqu’à sa perfection, non pas en désertant ce monde, mais en franchissant consciemment et hardiment les limites de la temporalité. Il s’agissait maintenant pour lui de réaliser sa philosophie, qu’il a définie comme « un mal du pays ». « C’est à nous de chercher à devenir immortels... », dit-il; et encore : « Je veux mourir, non comme un être épuisé que la nature abandonne, mais libre comme l’oiseau de passage qui cherche d’autres climats, et joyeux comme un jeune poète. » De cette décision très ferme, attestée par tant de pages, presque rien ne transpira cependant dans la vie extérieure du poète. En apparence, il parut très vite guéri de son chagrin. Il ne rompit aucune de ses relations avec le monde, avec sa famille et ses amis, et, dès la fin de cette tragique année 1797, il se rendait sur le désir de son père à Freiberg pour y suivre, à la Bergakademie (Ecole des Mines), des études de géologie sous la direction du savant Werner. Mais c’est à la même époque, dans la pensée de Sophie von Kühn et l’espérance de sa propre mort prochaine, qu’il mettait au point ses admirables Hymnes à la nuit dont une version en prose rythmée coupée de vers devait paraître en 1800 dans l'Athenaum. Bientôt pourtant, il aborda des études en relation moins directe avec la tragédie qu’il venait de vivre; ainsi, au cours de l’hiver 1797-98, commença-t-il la rédaction des Disciples à Saïs, fragment poético-philosophique resté inachevé et qui constitue une excellente expression de l’« idéalisme magique » de Novalis. Allait-il oublier son chagrin ? Il avait vingt-six ans. Peu à peu la vie le reprit. En 1798, il rencontra la fille d’un ingénieur des Mines, Julie von Charpentier, qu’un contemporain nous dépeint comme très belle, et tendre, avec cette nuance mélancolique qui était alors un des meilleurs charmes féminins. Novalis se fiança de nouveau mais, si nous ne savons point quelle fut l’intensité de cette nouvelle passion, on peut en revanche affirmer qu’elle ne grandit point au détriment du premier amour, lequel, il est vrai, s’était entretemps transformé en une véritable religion. Bientôt même, Julie von Charpentier eut sa place dans la mystique sentimentale du poète ; dans le roman Henri d’Ofterdingen, les deux amantes, Mathilde (Sophie von Kühn) et Cyane (Julie von Charpentier) finissent par se transfigurer en une seule idéale figure dans le monde de perfection auquel atteint le héros au terme de ses péripéties dans le monde des apparences. Quand Novalis entreprit ce livre, en 1799, il venait de faire la connaissance de Tieck, il avait découvert avec enthousiasme les Pérégrinations de Franz Sternbald, et avait l’ambition d’écrire le « roman d’apprentissage » (Bildungsroman) véritablement romantique. Novalis n’eut malheureusement pas le temps d’achever Henri d’Ofterdingen, dont il ne nous reste que la première partie et des fragments de la seconde — v. également La Légende de Klingsohr. Eût-il d’ailleurs réussi à écrire l’œuvre romanesque équilibrée que ne purent édifier ni Tieck ni Jean-Paul et qui marque au romantisme allemand ? On peut en douter, car Novalis ne pouvait, dans la création littéraire, s'isoler longtemps de sa propre vie, de ses aspirations mystiques encore inassouvies, et toute son œuvre a, au fond, un caractère autobiographique. Sa poésie est incontestablement une des plus musicales de la littérature allemande. Elle tend d’ailleurs consciemment vers la musique, que l’auteur des Hymnes à la nuit, avec plusieurs autres romantiques, considérait comme l’art par excellence, parce qu’elle seule peut nous révéler le monde intérieur sans l’intermédiaire des concepts relatifs aux apparences objectives. Mais il ne faut pas cnercher chez Novalis une doctrine littéraire proprement dite; l’activité poétique n’est jamais chez lui qu’une forme de la recherche religieuse et, dans son élan vers la patrie merveilleuse, elle domine de loin toutes les formes consacrées. Poursuivant sa carrière administrative, Novalis se rendait en 1799 à Weissenfels, où il devenait assistant à la direction des salines; quelques mois plus tard il recevait le grade administratif de « capitaine du cercle forestier ». Il avait retrouvé l’appétit de vivre. Mais c’est avec trop de ferveur généreuse qu’il avait, quelques années plus tôt, noué alliance avec les puissances de la nuit : après quelques mois de maladie, il allait mourir, à moins de vingt-neuf ans. Dans la dernière année de sa vie, peut-être sous l'influence de Tieck qui reprochait au protestantisme de n’avoir produit qu’un « intellectualisme vide », Novalis écrivit une vive attaque contre la Réforme. Dans ce texte, intitulé La Chrétienté ou l’Europe — Fragments — le poète célébrait les idées d’autorité et d’unité religieuses et, considérant désormais le protestantisme comme une période révolutionnaire passagère, il formulait le rêve d’une réconciliation européenne au sein d’un catholicisme renouvelé. Un an plus tard, dans ses Hymnes sacrés (1800), il témoignait d’un réel attachement sentimental au Christ et à la Vierge qui, depuis la Réforme, n’avait plus été célébrée que bien timidement par la poésie allemande. On ne peut cependant parler de conversion de Novalis au catholicisme. Non seulement il mourut protestant, mais la direction de sa recherche religieuse avait toujours été très différente de celle du christianisme traditionnel, et beaucoup plus proche, par exemple, des thèses d’un théologien protestant extrémiste comme Schleiermacher. Il n’est pas contestable néanmoins que le lyrisme religieux de Novalis ait apporté sa contribution a la renaissance catholique qui se produisit peu après sa mort dans les milieux du romantisme allemand. De son vivant, ne furent publiés de Novalis — outre les Hymnes à la nuit — que deux articles, l’un, Pollen de fleurs dans l'Athenaum en 1798, l’autre, Foi et amour, dans les Annales de la monarchie prussienne, également en 1798; Novalis y exprime les espérances politiques suscitées en lui par l’avènement du roi de Prusse Frédéric-Guillaume III et par la reine Louise, dont il fait une créature idéale et mystique. On trouverait dans ce texte, comme dans l’opuscule sur La Chrétienté ou l’Europe, bien des éléments de la politique théocratique prônée par le romantisme germanique après 1815. Ces articles ont été publiés sous le titre de Fragments, avec toutes les notes intimes rédigées par Novalis de 1795 à 1800. Une première édition complète en a été donnée par E. Kamnitzer en 1929; une nouvelle édition, dans un ordre différent, a été donnée par O. Mann, en 1937. ♦ « La plus pure et la plus séduisante incarnation d’un esprit hautement immortel.» Tieck, 1801. ♦ «Moins encore sa destinée que le fond même de sa nature faisaient de lui ici-bas une personnalité tragique, un initié à la mort. » Schleiermacher, 1802. ♦ « Un de ces nihilistes poétiques, de ces génies passifs, un de ces androgynes qui, lorsqu ’ils conçoivent, s'imaginent créer. » Jean-Paul, 1804. ♦ « Il n’était pas encore Imperator, mais il le serait devenu avec le temps ! C’est dommage qu’il soit mort si jeune, d’autant plus qu’il s’était fait catholique, pour plaire à son temps ! Ne voit-on pas, si j’en crois ce que racontent les gazettes, des troupes entières de jeunes filles et d’étudiants se rendre en pèlerinage sur sa tombe et la couvrir de fleurs ? » Gœthe, à Falk, 1824. ♦ « Ce qui fait le fond de la personnalité de Novalis c’est que les besoins spéculatifs chez lui ont été assez forts pour éveiller dans cette belle âme une aspiration nostalgique, mais non pour lui permettre, ni de triompher de sa tendance à l’abstraction, ni d’y renoncer. Bien plus, cette tendance était si profondément ancrée au cœur du noble jeune homme — lui-même s’y est abandonné avec tant de ferveur et de loyauté, que cette aspiration transcendantale, véritable consomption de l esprit, a pénétré jusque dans les tissus organiques de sa vie et a marqué de son empreinte sa destinée entière. » Hegel, 1828. ♦ « Le premier, Novalis a eu le courage de dire ouvertement et sans ambages aux esprits cultivés que toute la culture moderne plonge par ses racines dans le christianisme et qu’elle doit nécessairement être de nouveau mise en contact avec lui, si elle-même ne doit pas perdre toute signification et toute consistance. » Eichendorff, 1847. ♦ « Nous dirons que la qualité maîtresse de Novalis à nos yeux, c'est l’extraordinaire subtilité de son intelligence, ses facultés d’abstraction intense, qui lui permettent de poursuivre, avec des yeux de lynx, les idées les plus obscures et les plus insaisissables, à travers tout leur enchevêtrement, jusqu’aux extrêmes limites de la pensée humaine... » Carlyle, 1847. ♦ « Novalis est par définition l’homme pour qui les choses invisibles sont réelles, chez qui le pouvoir de se les représenter vivement dans leur réalité constitue la donnée première et presque l’innéité — à tel point que, pour se représenter vivement dans leur réalité les choses visibles, par un processus inverse du processus normal, il lui faut toujours fournir un effort quasi contre nature. » Charles Du Bos.
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Novalis
1772-1801
Issu de la noblesse protestante saxonne, dont il hérita par tradition du pseudonyme
Novalis, Friedrich von Hardenberg naquit à Wiederstedt.
Après des études de droit et
d’histoire (sous la direction de Schiller) à Iéna puis à Leipzig et Wittenberg, il occupa un
poste administratif aux salines de Weissenfels dirigées par son père.
Le décès prématuré
de sa jeune fiancée Sophie von Khün en 1897 allait décider de son œ uvre.
Il puisa dans son
désespoir la force de lui survivre, choisissant la prose poétique pour exprimer dans Les
hymnes à la nuit ,sa douleur et son espoir d’une vie meilleure après la mort.
La même
année, il se rendit sur le désir de son père à l’École des mines de Steinberg, suivre les cours
de géologie du célèbre savant Gottlob Werner, qu’il immortalisera dans un roman
philosophique Disciples à Saïs, écrit en 1898.
Novalis entra alors dans une période de
grande productivité littéraire, écrivant des essais pour l’encyclopédie Athenaeum, une
ébauche de système philosophique idéaliste et des poésies spirituelles.
En 1799, il accepta
un poste de lecteur à l’université d’Iéna, où il devint, après la parution des Hymnes sacrés,
l’homme-phare d’un groupe de jeunes poètes romantiques.
En 1800, il fut nommé
magistrat à Thuringe, où il contracta la tuberculose qui allait l’emporter quelques mois
plus tard.
Son fidèle ami Ludwick Tieck s’occupa de faire publier ses œ uvres dès 1802,
dont son roman éducatif inachevé Henri d’Ofterdingen..
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