« Nous ne vivons jamais, mais espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. »Blaise Pascal, Pensées
Publié le 16/05/2020
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« Nous ne vivons jamais, mais espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable quenous ne le soyons jamais.
»Blaise Pascal, Pensées
Le bonheur est l'horizon de notre existence et tous nos choix jalonnent l'édification de cet idéal auquel nousaspirons avec tant d'avidité.
Mais le propos sombre de Pascal nous met ici en garde : paradoxalement, n'est-ce pasnotre recherche frénétique du bonheur qui en rend impossible la jouissance ?
En effet, le souci du bonheur induit une existence inquiète, écartelée entre la nostalgie d'un passé joyeux etl'impatience d'une félicité à venir.
Lorsque toute notre activité est investie dans la recherche d'un bien-être en vueduquel nous déployons d'immenses efforts, le bonheur est tout simplement reporté.
Ainsi, nous «espérons de vivre»plus que nous ne profitons des moments heureux qui s'offrent à nous.
Mais n'est-ce pas là un pari risqué puisquenous ne sommes guère assurés de jamais accéder à ce bonheur convoité ? Au fond, nous laissons échapper la seulechose qui nous appartienne ; le présent, parce que nous en faisons un moyen en vue d'une fin seulement probable :le « futur ».
Le verdict de Pascal nous rappelle donc une vérité essentielle : notre rapport au temps hypothèque parlui-même nos possibilités de bonheur.
Ainsi, l'avare se prive de tout pour épargner et l'ambitieux dédaigne le présent au nom d'une gloire future, car tousdeux se réservent pour l'avenir.
Mais voilà bientôt, prévient Pascal, qu'on leur verse un peu de terre sur la tête et lacomédie est terminée.
Quel mauvais calcul que de mourir préoccupé, en ayant toujours remis à demain son bonheurréel !
En grec ancien, le mot temps -chronos - évoquait le nom du titan Cronos, être mythologique qui avalait ses propresenfants.
Indice, sans doute, que la conscience du temps « dévorant » était déjà présente dans la pensée grecque.Rappelons le mot d'Épicure :
« La vie périt par le délai et chacun de nous meurt affairé.
».
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