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Notes et contre-notes : « Le comique n'est comique que s'il est un peu effrayant. »

Publié le 20/12/2021

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« Introduction On constate à la fois, de nos jours, une prolifération de films et de spectacles comiques, correspondant à un renouveau du genre dû notamment au café-théâtre, et une présence plus grande de l'angoisse aussi bien dans nos vies que dans nos villes.

Ces deux phénomènes sont-ils contradictoires ? Un auteur contemporain, Ionesco, déclarait pour sa part dans Notes et contre-notes : « Le comique n'est comique que s'il est un peu effrayant.

» Nous essaierons de montrer qu'il n'y a là qu'un paradoxe apparent, que rire et frayeur sont deux mécanismes qui se sont toujours répondu l'un l'autre : le rire peut-il s'affranchir totalement de la peur ? Première partie : y a-t-il une limite repérable entre le rire et la peur? • Les catégories de la critique classique distinguent traditionnellement la comédie — dont le but est de faire rire —, de la tragédie — dont le but est de provoquer l'horreur ou la pitié. • Cela dit, avant d'interroger la littérature, chacun n'a-t-il pas fait l'expérience dans la vie quotidienne de situations qui se prêtent aussi bien au rire qu'à la frayeur (chutes, maladresses, grimaces...)? • On distingue bien dans l'oeuvre de Molière les comédies de pur divertissement (Le Médecin malgré lui) des pièces (dites « grandes comédies ») qui s'éloignent de la farce pour presque rejoindre la tragédie comme Dont Juan.

En effet, dans cette pièce, la frontière entre le rire et l'angoisse se déplace continuellement, aussi bien dans l'action que dans la psychologie des personnages : on rit de Sganarelle, mais on finit par le plaindre ; on plaint Don Juan, mais son cynisme nous fait souvent rire.

On atteint même l'épouvante fantastique avec la statue du Commandeur qui bouge et parle. • Ce mélange des tons n'est pas rare : il suffit de songer à Shakespeare, au drame romantique, au théâtre moderne, de Tchekov à Ionesco, sans oublier Brecht.

Toutes ces oeuvres refusent la distinction entre comédie et tragédie, non seulement pour rendre la vie dans son ensemble, mais surtout pour mettre en lumière les liens qui existent entre le rire et la frayeur. • N'y a-t-il d'ailleurs pas de la cruauté dans tout rire, puisqu'on rit toujours aux dépens de quelqu'un, dont on se désolidarise et qu'on abandonne à son destin ? Deuxième partie : le sens et la fonction du comique, n'est-ce pas finalement d'éliminer la peur? • Tout le monde a déjà constaté que le rire a une fonction libératrice, conviviale, qu'il permet de se sentir bien avec les autres. • Certaines oeuvres n'ont pas d'autre ambition que de célébrer une certaine joie de vivre. Ainsi, Offenbach et sa Vie parisienne n'ont d'autre but que d'étourdir tous les participants de la Fête impériale.

Un peu plus tard, les vaudevilles traduiront bien l'atmosphère de la Belle Époque.

Aujourd'hui encore, le théâtre de boulevard maintient cette tradition. • Cependant, pour le regard critique d'un lecteur d'aujourd'hui, toutes ces oeuvres traduisent une insouciance un peu effrayante face aux réalités sociales qui leur sont contemporaines et qu'elles ignorent. • La peur est ici éliminée de façon très artificielle, par une sorte de politique de l'autruche ; elle est seulement mise entre parenthèses le temps d'une représentation. • D'autres oeuvres, en revanche, tentent d'éliminer l'angoisse en s'en nourrissant.

Ainsi, toute une veine cinématographique en Italie dans les années 70 a-t-elle exploité l'ambiguïté d'un rire fondé sur les angoisses de la vie moderne (Pain et chocolat, La Terrasse, Nous nous sommes tant aimés...).

Aux États-Unis, dans un autre registre, Woody Allen fait rire aux dépens de la petite société new-yorkaise qu'il fréquente, en proie aux angoisses généralement traitées par les psychanalystes (problèmes de couple,. »

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