Nono (Luigi)

« 1 / 2 ) 2 mars 1966 Série B-20 Fiche N• 1019 Nono (Luigi) 1.

En 1950, à l'Institut de musique contemporaine de Darmstadt, une élite interna­ tionale de musiciens et de mélomanes accueillait avec des huées la première œuvre d'un compositeur italien de 26 ans, Luigi Nono.

L'expérience de tous les scandales que l'histoire de la musique a enregistrés (« Pelléas et Mélisande "• le "Sacre du Printemps "• pour s'en tenir à notre demi-siècle) permettait d'envisager, après cette flambée d'indignation, un retournement complet en faveur du jeune novateur.

De fait, la critique ne conteste plus Luigi Nono; certains écrivent même qu'il est avec Pierre Boulez «le plus grand représentant de la musique d'après 1945 "· 2.

Par son titre, "Variations en forme de Canon sur une Série de Schœnberg "• l'œuvre présentée à Darmstadt sous la direction et l'égide de Hermann Scherchen n'annonçait pourtant rien de révolutionnaire.

La référence à Schœnberg («scanda­ leux,.

lui .aussi, en 1909, quand il remplaça l'organisation tonale par l'organisation sérielle) ne pouvait inquiéter un public où les disciples du dodécaphonisme étaient en majorité.

Les cc Variations » soulevèrent un tollé quasi général non parce que Luigi Nono s'y montrait un mauvais élève du maitre (un silence désapprobateur aurait alors suffi à le sanctionner), mais parce qu'il dépassait les règles pour affirmer sa personnalité de musicien original.

3.

On a baptisé musique ponctuelle la nouvelle écriture introduite par Nono et qui n'est pas sans rapports avec celle exposée par Olivier Messiaen dans son " Mode de Valeurs et d'Intensités"· Des points sonores sortent du néant.

A partir du silence, et coupés de longs silences, ces points se développent par le moyen de timbres, de nuances, de hauteurs et de durées diversifiées, qui épuisent toutes les consti­ tuantes d'un son donné selon la technique sérielle des mutations.

Ainsi s'édifie peu à peu, avec une retenue et une brièveté qui rappellent Webern, une architecture apparemment fragile, et pourtant fortement structurée.

4.

On peut reconnaître un lien entre ces constructions musicales si particulières et la ville de Venise, où Luigi Nono est né le 29 janvier 1924, et où il réside toujours avec sa femme Nouria, fille de Schœnberg.

Le silence existe encore, entre la pierre et l'eau.

Les bruits qui le déchirent à chaque instant ne forment pas ici, une lourde trame continue; ils le ponctuent, s'entrecroisent, se rencontrent avec liberté et imprévu, comme les 24 instruments mis en œuvre dans « lncontri " par Luigi Nono.

5.

De la mathématique sérielle, Luigi Nono parvient à une musique expressive, sinon proprement descriptive.

Pour traduire de la façon la plus moderne certains aspects du monde moderne, il utilise les nouvelles techniques (musique concrète, bandes enregistrées) tout en faisant une large place à la voix humaine, sur des textes de Lorca, de Pavese ou d'Ungaretti.

Les titres qu'il choisit: ..

La Victoire de Guernica "• " La Terra e la Campagna "• " Sul Ponte di Hiroshima "• « La Fabricca illuminata ..

(présentée en 1964 au Festival international de musique contemporaine et dédiée aux métallurgistes de l'ltalsider) montrent qu'il élabore une œuvre résolument engagée et que sa musique, bien que r!goureuse, n'est nullement abstraite. 2 / 2. »