NocesL'Accomplissement de l'amour (fin)Robert MusilClaudine se tut.

« Noces Robert Musil L'Accomplissement de l'amour (fin) Claudine se tut.

Elle ne parla plus qu'une fois : pendant qu'ils se dévêtaient.

Elle se mit à parler à tort et à travers, des paroles nulles qui n'étaient qu'une manière douloureuse de traverser quelque chose : — … c'est comme quand on franchit un défilé : les bêtes, les fleurs, les gens, tout a changé ; soi-même, on est tout différent.

On se dit : Si j'avais toujours vécu ici, que penserais-je de ceci, quel sentiment aurais-je de cela ? Il est étrange qu'il suffise d'une ligne à passer.

J'aimerais vous embrasser, puis vite faire un bond en arrière et regarder, puis revenir à vous.

Chaque fois, franchissant cette frontière, je sentirais mieux le passage.

Je deviendrais de plus en plus pâle ; les hommes mourraient ou non, ils se ratatineraient plutôt : les arbres et les bêtes aussi.

Finalement, tout ne serait plus qu'une très fine fumée… plus qu'une mélodie dans l'air… au-dessus du vide… Elle dit encore : — Je vous en prie, partez ! Elle dit : — Cela me répugne. Il se contenta de sourire.

Elle dit alors : — Je t'en prie, va-t'en ! Satisfait, il soupira et dit : — Enfin, enfin ! chère petite chimérique, tu m'as dit tu ! Elle sentit alors, en frissonnant, que son corps, quoi qu'elle en eût, se gonflait de plaisir. En même temps, elle avait l'impression de penser à quelque chose qu'elle avait éprouvé un certain printemps : une façon de pouvoir être là comme pour tous, et quand même uniquement pour un seul.

Et très loin d'elle, comme les enfants disent de Dieu qu'il est grand, elle voyait l'image de son amour.. »