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Nietzsche (1844-1900): UNE CRITIQUE GÉNÉALOGIQUE DE LA MORALE

Publié le 18/06/2020

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« A. Religion et religions modernes Le Dieu moral des religions juive et chrétienne (telles que Nietzsche les comprend) est le sommet de la fiction morale. Garantie d'un autre monde, il est aussi le gardien des consciences, dont il assure la discipline. La force de cette fiction est qu'elle donne un sens à la vie et à la douleur. Au xix< siècle, socialisme, scientisme, qui s'opposent à la religion, ne sont en fait que des religions de substitution qui ne rompent guère avec le christianisme. Ils en reprennent les valeurs, affadies, d'amour et de miséricorde, sous les noms d'égalitarisme, d'humanitarisme. Ce sont de nouvelles formes de nihilisme. Elles s'enracinent aussi dans le ressentiment et la haine. La revendication démocratique cherche ainsi à niveler par le bas, à humilier les individualités aristocratiques qui sortent du commun. On veut moins quelque chose pour soi que l'on ne désire abaisser celui qui nous dépasse. ...»

« Nietzsche (1844-1900) UNE CRITIQUE GÉNÉALOGIQUE DE LA MORALE ET DE LA MÉTAPHYSIQUE L e principe de la critique généalogique est que les concepts, les valeurs sont engendrés par la vie afin de se justifier.

1.

Généalogie de la morale A.

Le troupeau et les aristocrates 1111 La morale traditionnelle est une invention des faibles .

À l'action affirmative des forts, ou« aristocrates », répond la réaction négatrice des faibles, le« troupeau ».

Ceux qui ne sont pas capables d'agir, de créer, de se développer, ressentent de la rancune contre ceux qui le peuvent.

a Ils voudraient bien se venger, mais ils sont trop faibles.

Ils vont donc culpabiliser les forts (c'est la« révolte des esclaves »), pour faire se retourner leurs forces contre elles-mêmes.

Pour cela, ils inventent le bien et le mal, deux mystifications auxquelles ils vont les soumettre.

■ Le« mal», c'est la puissance, l'affirmation de soi, la distinction, la hiérarchie naturelle.

Le« bien», par réaction, c'est la faiblesse, la vie décadente et tout ce qui la légitime, la pitié, l'instinct communautaire, l'égalitarisme, et tout ce qui rabaisse les forts. B.

Les valeurs morales ■ Sous les valeurs d'amour du prochain, de compassion, les faibles cachent l'impuissance à s'affirmer, qu'ils font passer pour une vertu.

J'aime, faute d'avoir le courage de haïr; je pardonne, faute d'avoir le courage de me venger.

La craintive bassesse passe pour humi­ lité ; la soumission à ceux que l'on hait, pour obéissance.

■ En fait, il faut réviser toutes les catégories morales à la lumière de la distinction entre fort et faible, actif et réactif : il y a une manière vile et méprisable de pardonner, et une manière noble et positive ; une manière d'avoir pitié qui est une haine déguisée, et une autre noble et magnanime.

L'amour n'est pas forcément bon, ni mauvaise la colère. L'action vaut ce que vaut la vie qui l'engendre. ■ Finalement, la fiction morale des faibles l'emporte, contraignant les forces actives à s'intérioriser.

Ce refoulement des instincts, ce retournement de la force contre elle-même, engendrent une grande souf­ france, liée à un sourd sentiment de culpabilité : la mauvaise conscience.

Pour la supporter, il faut lui donner un sens.

■ C'est ce que fait la religion, en disant que la souffrance humaine est la punition du péché.

Voilà la grande invention des prêtres.

Ainsi la mau­ vaise conscience et le remords sont-ils entretenus : la souffrance est. »

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