Nano
Publié le 08/12/2021
Extrait du document
C'était un coin de verdure où poussaient les manoirs, ces châteaux sans histoires dans lesquels les personnes qui se sont enrichies durant toute une vie, prennent un ultime congé impayé, un repos jusqu'à ce que mort s'ensuive, dans lesquels ceux en train de s'enrichir passent leur vacances ou dirigent une grande guilde d'avocats de mauvaises qualités et mauvais orateurs ou des tisserands qui achètent leur draps vingt Tonnins sur le marché de Vandenrtünd ou d'Allamprussie. C'était ce coin dans lequel l'argent prospérait serré entre quatre murs, ou dans le cas présent, bien plus encore, des centaines et des centaines de murs différents, de colonnes au style antique et des statues dénudées d'hommes, également dénudés dans toute la beauté du marbre dont leur solide corps était fait.
Le manoir, le plus ancien, celui de Toussaint Varbleu, est aussi vieux que le commerce de son propriétaire, il régnait sur ce petit quartier, loin de la ville, depuis bientôt quatre-vingts ans, jamais de mémoire d'homme, patron n'avait pas fait long feu, et cela sans, ne pas faire long feu. Il réussissait et durait dans le temps. Mais il n'était pas le seul et le manoir, sombre, sobre et noir qui se dressait à son côté, en face de la grande cour de Maujaubois, il était là surplombant les pins vieillis et les affreux sapins taillés par son fils, le manoir du Comte, tout lui appartenait en la ville, c'était la plus belle demeure de toute la Boscanie et du Valdarie réunis. Bientôt, dans environ quatre mois si le destin s'écoulait normalement, il y aura une nouvelle maison ici bas, celle d'Aristide Foucard. Un homme de génie, peu s'en fallut qu'il ne fût le plus grand érudit de tout le monde inconnu et son contraire. Il était à des lieux de là, véritablement.
À Sarroma, ville proche de la capitale de la Boscanie, un homme, un intellectuel relit ses notes, il écrivît de nombreuses pages et feuillets à propos d'un système révolutionnaire, sans doute, qui a défaut qu'il fît le bonheur de tous les hommes, de tout homme, de tout un chacun ou bien encore de chacun d'eux, il ferait, et le doute n'était pour sa personne tout du moins pas permis, son bonheur ou au moins, sa richesse ce qui inévitablement selon sa thèse, l'amènera tôt ou tard à trouver le bonheur, fût il sous un caillou, il fera remuer chaque atome minéral par un de ses fidèles serviteurs, fût il dans la mer, par trois centaines ses majordomes s'y noieraient pour l'en déloger. La Banque, la bourse dominaient le monde mais lui n'y croyait pas, il ne croyait pas qu'elles étaient incassables, pourtant déjà le système avait tenté d'être forcé par mil et un brigands, on avait tenté de racheter des centaines d'actions en même temps par dix mille employés, on avait tenté de ruiner les entreprises en gardant ses actions, en investissant les redevances et les rentes dans les concurrentes mais rien n'y fît, la Banque et la Bourse tenaient toujours, si ces maudits frères Bänkerdut et Black n'avaient jamais inventé ce système infernal, songez aux nombre immense, peut-être infini de malandrins qui ne se cassassent la tête à tenter de la faire choir, de la détruire jusqu'à la dernière brique, de rêver de voir dans une apocalypse démoniaque cette institution pécuniaire périr entre corsets, corps et âmes !
Ce génie à la moustache noire et épaisse qui supplantait sa lèvre rosée, était aux antipodes de la richesse et de la ruse, s'il voulait gagner de l'argent, se faire une fortune que les plus éminents comptables et autres experts-chiffrageoloque, calculassent plus rapidement avec des formules biscornues qu'avec des yeux qui s'abîmassent sur chaque pièce, chaque billet qui au fur et à mesure que son inévitable ascension financière suivrait son petit bonhomme de chemin. Il marchait sûr et certain que sa technique était infaillible, en effet, il avait largement étudié le système de la Banque et de la Bourse de Boscanie, ce qu'il advenait quand on achetait, une action, ce qu'il advenait de l'argent qu'on donnait, de celui qu'on avait, et d'où venait-il. Il avait très minutieusement et précisément étudié le mécanisme de la \"création du saint-argent\" qui comme un homme providentiel tombait du ciel, sans doute, comme il aimait le dire aux ouvriers et roturiers qui s'étonnassent chaque mois quand ayant placés une certaine somme sur une telle ou une telle entreprise florissante, ils recevaient de l'argent qui venait d'on-sait-où et qu'on prend tout à coup. Ce système était en fait d'une trivial sinon vulgaire simplicité, des entreprises délivraient des actions pour une certaine somme prédéfinie de Tonnins, cette somme était donc payée par les actionnaires ou futurs actionnaires, et en échange de cet argent, les banquiers leur remettaient un nombre d'action équivalent à l'argent donné. D'un côté, l'argent partait pour une partie à la Banque et à la Bourse pour payer cette organisation et d'un autre dans les caisses de l'entreprise en question afin qu'elle se développât, d'une autre part, les actions valaient chaque mois, suivant si la bourse était favorable ou défavorable, à leur propriétaire un nombre de Tonnins ou une dette considérable, c'était du triple au moins. Le système était d'une simplicité à faire tordre la moustache des plus grands génies. Mais comment le faire dérailler ?
Notre homme, celui que l'on se doit d'appeler par son nom, Aristide Foucar, était donc cet homme qui ferait choir la Banque et la Bourse de Boscanie ? Il se pourrait bien. Il arrivait à son logis, relisant ses notes de ses mains patientes et sans cesse agitées de petites excitations qu'on ne peut ôter aux personnes dont le projet est quasiment certain d'aboutir à un dessein convenable mais surtout à celui qu'ils attendaient. Il relisait son écriture brouillonne, lui qui en ancien mineur, n'avait jamais eu une bonne écriture, ni soignée, ni lisible, il avait apprit à écrire entre deux descentes à la mine, bien sûr en ces temps modernes, l'on avait décidé et surtout quelque ministre dont on voit la trombine parfois sur les monuments publics, sur des drapeaux et le nom dans des chants révolutionnaires que les enfants n'iraient plus travailler à la mine et que les enfants mineurs auraient une bourse exceptionnelle afin qu'ils se reposent et s'instruisent, lui sachant lire et écrire, dans les règles les plus basiques cela dit, il n'avait pas été jugé prioritaire, son tour attendit quelques mois, quelques années, quelque décennie et l'espoir disparu, il avait attendu dix ans, il pourrait bien en attendre cent de plus, la sentence semblait irrévocable, il ne saurait jamais écrire un \"t\" avec une barre qui horizontale plus verticale qu'horizontale comme faisaient les scribes et les nobles dans leurs jolies lettres bien calligraphiées et les hautes personnes de la Société. Avec ses yeux de vieil homme intelligent, malgré son jeune âge, vingt ans, il avait déjà écrit sa biographie, et avait fait un plan assez détaillé pour que son but ne semble pas infranchissable comme le fût ces montagnes à cet ancien guerrier qui voulût conquérir Andérrie et se vît refouler du massif Intranstin.
Sa veste en coton noir, était de la même couleur que chacun de ses habits pauvres et qui étaient dans la même matière que celle que portent tous les roturiers, il avait la tête d'un pauvre, les habits d'un gueux, les biens d'un dépravé, l'allure d'un pauvre sans but, lui avait l'espoir en plus, et cela était à son sens, un atout qu'on ne pouvait bien entendu pas négliger, car cela va de soi, l'espoir était quelque chose qui change un homme. Indescriptible et sans doute qu'on ne peut hiérarchiser ou bien même chiffrer, l'espoir était l'essence d'un homme, pour lui tout du moins. Il relisait chaque ligne mal orthographiée, sur chaque lettre calligraphiée avec une adresse maladroite ainsi qu'un barbier aurait titiller jusqu'au cervelet de son client par une maladresse formidable en un sens, arrivant dans les tréfonds et les bas fonds pour bon nombre de personnes de la tête, de la matière grise, de la caboche de son client en rasant un poil de barbe capricieux, une moustache un peu trop volumineuse, coquin de sort.
Son plan semblait s'accorder à merveille avec le système qu'il connaissait et relisant les lignes c'était tous les souvenirs de son écriture qui lui revinrent, les soirs trop noirs, des jours trop sombres durant lesquelles, il écrivait déprimé, d'une plume triste, dans l'ambiance morne et désolante de sa petite pièce à vivre, de son vieux et petit piano droit et désaccordé qui donnait à la pièce, une atmosphère étouffante entre ces quatre petits murs de pierre brute posée ici, depuis le Moyen-Âge sans doute. Lui revinrent aussi ses jours trop chauds, des après-midi qui faisaient suinter son front moite sur le banc en pierre de la rue étroite qu'il habite, la rue Saint Don Cap Tondolli, une rue historique, vieille et jamais réparée, jamais restaurée, jamais aménagée. Tout son plan avait l'air de tenir la route, il avait médité longtemps et avait compris qu'il ne fallait pas tenter d'enrailler le mécanisme de la Banque sur son principe mais sur les choses qui faisaient le plus souvent capoter toute chose, la pratique et les questions physiques et d'organisation. Il avait prit en compte chaque article de la Constitution Financière et surtout l'article 141 et 346 qui lui permettraient de s'enrichir considérablement. Il marchait dans la rue, voyait sous ses yeux défiler tout un monde, les boutiques, les marchands, tisserands, charpentiers, fleuristes, vaste fumerie de l'ancien monde, que le nouveau monde se prépare car sous peu, Aristide Foucard rentrerait en plein dedans, le renverserait et bientôt des ruines de ce monde dominé par l'argent en naîtra un plein d'espoir, il en était sûr, cela ne pouvait en être autrement, c'était sûr, certain et assuré. Plein de joie, dans son cœur ravivée à l'idée d'entraîner une révolution d'avoir une revanche sur sa vie désespérée et désespérante, d'abord mineur, puis dans une moindre mesure, écrivain. Aucun de ses ouvrages ne furent lus, pas un acheté, on ne lisait que du Vosa, du Henry de Postangenêt de la littérature savante disait-on mais que cela lui importait-il ? Il ne voulait plus être lu mais reconnu, il avait connu le désespoir d'être abandonné de n'avoir rien, personne qui vous connaissez, qui vous comprenez, un néant terrible, mais il s'était revigorait et désormais il s'était convaincu qu'il fallait afin de prouver sa valeur et de ne plus connaître les dépressions du passé, tuer le Roi, le Père, la Banque et la Bourse.
Qu'avaient-ils donc de si mauvais ses livres ? Peut-être que son \"Traité analogique illogique de la chaire de la pensée sur la science carnée humaine et autres réflexions cannibales\" n'était pas à la hauteur de \"L'Autobiographie d'un poireau dépressif\" de Jean Valouch ? Sur dix mille pages s'étalaient ses vingt tomes à propos de la \"vie sauvage des feuilles de thé en milieu agnostique, communiste puis capitaliste\" des traités qui s'étalaient plus haut que les trois tours de Valenston, d'Iména et d'Orum. Des livres d'une beauté que peu de gens avaient vu, trop peu de gens en réalité.
Il relisait son plan au fur et à mesure que le sol se déroulait sous ses pas, petit à petit avec une lenteur presque déroutante, il ne marchait pas, il piétinait, il faisait du sur-place, on ne le savait guère exactement mais ce qui était sûr c'est qu'il allait vers le bar dans lequel on servait les meilleurs bières et les meilleurs hommes à tout faire de la ville, les plus réputés et les meilleurs marché du coin, de la région, du pays, si ce n'est plus ! Son plan paraissait génial, la Banque fermerait vers vingt heures, ce qui laissait habituellement aux près de trois cents employés, cinq heures pour mettre à jour les comptes avant minuit. Les journées de vingt cinq heures étaient les seules connues de toute manière et cela allait bien de soi. Soit ils avaient cinq heures pour compter toutes les liquidités que déposaient les clients des cinq banques et bourses de la ville, avec leurs trois cents employés, plus deux cents quatre-vingts dix neuf que trois cent d'ailleurs, mais il n'était pas à la virgule près, au mot près. Aussi cela faisait comme une heure de travail de mil cinq cents personnes, cela n'était pas rien, c'est pour cela que son plan devait être bon dans le cas contraire, la bourse l'aurait ruiné avant, bien avant.
Il continuait son petit bonhomme de chemin, sa moustache ne sentait pas le vent, la brise qui se levait ainsi qu'un couteau froid, coupant tout sur son chemin, os, chair et hommes. Il marchait contre le vent. C'était tout un symbole, il allait bientôt faire tomber la plus puissance institution du pays dans les méandres de l'oubli, et il marcher contre le vent qui se levait, il battait la société, prenait sa revanche sur sa vie, et le vent redoublait d'effort pour le faire tomber, ainsi que les employés s'y emploierait d'ici peu à tenter de faire nager au dessus d'eux la Banque et la Bourse qui bientôt choirait dans un trou profond que les plus hautes instances, les plus hauts bâtiments qui appartinssent à la Banque et à la Bourse serait comme disparus au fond d'un trou sombre, froid et lugubre duquel n'en ressortirait jamais, un pieu, un homme ou un billet de cinquante, vingt ou cent balles.
Il lisait toujours de son air nonchalant ses multiples notes, par centaines, par milliers, par millions, par milliards, sinon plus, ses ratures s'étalaient sur le vieux papier jauni de son carnet, elles s'affichaient à la vue de tout un chacun, certains passants qui arrivaient regarder par dessus l'épaule ou en dessous selon la taille du passant, de l'homme n'ayant pas même la quarantaine et de tous côtés, par où il passait, on s'écartait, le dévisageait, jetait un œil sur ses notes, on prenait un air encore plus spécial que le sien, il était un inconnu, un étranger pour tout ces gens qui venaient, avaient vécu et avaient grandi dans la même ville, sinon la même rue qui avait vu naître, vivre et grandir cet étrange homme à la veste sale et aux cheveux emmêlés qui se traînait parmi la foule, d'un autre monde il semblait venir, avec ses yeux noirs, la mode était aux yeux bleus, ses cheveux noirs, la mode était aux cheveux blonds. Il avait été en dehors de la mode de sa plus tendre enfance quand on commençât à le vêtir jusqu'à aujourd'hui où il se vêtît seul désormais, ou quasiment. Enfin, il arriva dans ce bar si réputé et prit d'office une chope de bière, à quelques Tonnins, une dizaine lui en demanda la femme qui tenait le bar, il alla s'asseoir et relu ses notes, sans doute, cela était la coutume de ce genre de lieu, dans peu de temps que bon nombre de jeunes hommes minces, et plutôt du genre correspondant à ce qui était en cette époque, le minois et le physique plutôt recherché en terme de beauté ou tout du moins lorsque l'on cherchait un joli homme, un bel et jeune homme. En effet les enfants et employés de ce grand bar que l'on ne pourrait pas appelé grand restaurant, arrivèrent, ils étaient également fils et salariés de cette maison qui n'ouvrait guère disait-on. Un se posa gentiment à sa table, il avait le visage d'un ange, et pourtant si l'on savait de quelle manière, il vivait ! l'homme à la moustache qui était assurément plus vieux que celui qui était venu se présenter à sa table, se présenta.
\"Bonjour, jeune homme, je recherche de bons petits alliés qui seraient dotés d'une force assez conséquente ainsi que d'une bonne vision, sinon excellente, comprenez-vous ?
- Mais bien sûr, cher client, combien ?
-Il m'est nécessaire d'en avoir quatre, uniquement quatre, mais des compétents, j'ai une bourse assez remplie pour les payer si toutefois vous ne prenez pas cinq cents Tonnins par homme...
-Bien sûr que non, voyons voir, disons cent vingt Tonnins par personne et vous m'employez.
-Cela semble raisonnable, équitable et tout à fait honnête.
-Sur place ou à emporter ?
-À emporter, mais....mais pas aujourd'hui, disons dans trois jours.
-Bien.\"
L'homme n'avait pas encore finit d'écrire la commande de son client que quelques femmes étaient arrivées autour d'eux et qu'un jeune homme, sans doute de l'habitation qui n'ouvre guère, s'occupa de ces demoiselles qui avaient prises l'homme à la moustache comme, non pas le client qu'il était, mais bien comme un serveur, un faiseur de bonheur, employé régulier de l'enseigne qui ne vend pas que le bonheur servi dans un verre avec une rondelle de citron et deux glaçons, ni que sur un canapé avec du caviar et quelques sauces exotiques, méconnues et épicées, elle le vendait également sur un lit drapé,si toutefois vous voyez ce que cela signifie. Après avoir satisfait sa commande, le jeune blond se retira et parti annoncer la commande à la madone de la maison.
Soudain, tout de go, sans que le client à la moustache épaisse qui épousait parfaitement la forme de sa lèvre supérieure d'un grotesque splendide, et qu'un trivial dégoûtant, ne s'en doutât, le jeune qui auparavant, à quelques minutes de cela s'occupât des quelques femmes en manque de divertissement dans le lit familial vinssent chercher un étalon de qualité pour se revigorer et prissent ledit écrivain, futur assassin banquier et boursier pour un de ceux-là qui offrent du plaisir à ceux qui en ont la monnaie, qui vivent de leur beauté, arrivât, ce jeune homme au chapeau, au béret spécial qui rappelait pour une raison obscure n'en ayant ni la forme, ni le goût, une pomme, quelle bizarrerie du genre !
Il était arrivé et avait prit à part, le jeune homme aux idéaux populaires et assez utopiste.Il lui dit qu'il ne savait pas vraiment comment les femmes avaient pu se méprendre et signifia très ostensiblement à celui à qui il faisait face que son physique ne correspondait point du tout à celui des gens de grande beauté masculine qui remplissent les stocks des hommes de ces drôles de maison dont la porte ne puis s'ouvrir sans enlever tout son sens au nom même de la bâtisse datant d'avant la tour d'Iména, bâtiment pourtant célèbre pour avoir une date de naissance des plus lointaines, si l'on puis le dire ainsi. Aussi piqué au vif, presque en colère, l'homme aux habits d'une noirceur atypique haussa un tant soit peu la voix. Et déclama avec fureur, colère et rage aussi son fameux monologue sur la beauté humaine et plus précisément ce qu'était la beauté si elle pouvait être définie le plus respectueusement et intelligemment possible.
\"-Mon bon monsieur, sachez que votre beauté n'est que fantasmique, elle ne s'adopte pas comme la mienne, j'ai une conscience, j'ai ma beauté à l'intérieur, et toute celle que j'ai en ma tête comble par cent fois, sinon plus, si j'étais prétentieux, j'en donnerais mil, celle que l'on puis retrouver dans tout votre corps, aussi beau sera t-il ! Vous avez une définition bien simple de la beauté, carnée et charnelle ! Voyez-vous la philosophie est tout un art et tout le monde ne peut pas voir, la beauté de chacun, je préfère garder mes idées plutôt que de me refaire faire la face malgré les progrès soi disant prodigieux qu'accomplissent les docteur et professeur Van Ernwick et Bolchesm. Et ainsi qu'Amisur et que Sofonque le dissent en leurs siècles respectifs et respectivement très ancien et très très ancien, \"La beauté n'est point là où vous la voyez, Empereur\" et \"Point en vous, guère là vous la trouverez\" ce fût quelque temps après que les deux philosophes antiques périrent dans les flammes sur ordre de leur Empereur Barankin. Et cela sans compter le fait que la science a déjà prouvée par cent fois, mil peut-être que votre beauté est trop relative, la mienne trop universelle, et trop belle. Aussi en mon projet d'enrichissement éclair, je n'ai guère de beauté mais j'ai du génie, voyez-vous mon brave, génie n'est pas qui veut, car à la sombreur de l’halieutique raison du pourquoi subséquant un comment en son sein de vérité, il ne peut qu’un fangin aussi saloberlant soit-il et qu’il fasse jusqu’à friser l’assembrante moustache du philosophe si vous me permettez ...\"
Et ce fut trois heures, trois longues heures de théorisations multiples, de références modèles, érudites et savantes, d'exemples usités à mauvais escient, de mots inventés et insensés, et petit à petit, au fur et à mesure que le philosophe autodidacte approfondissait des thèses obscures et des idées révolutionnaires et incompréhensibles, le garçon de joie écoutait, attentif, de plus en plus instruit par les idées de tous et de personne en même temps. Non pas que les idées érudites que débitaient l’homme fussent celles de tout un monde et dans le même temps, celles d’aucun être vivant sur cet astre, mais il s’agissait d’idées confuses, mélangées, et que si on prenait au final, le sale salmigondis que nous offrait ici l’homme aux habits de suie, il n’y avait rien de plus illogique, rien de compréhensible, de distinct et qui appartînt à un seul philosophe, ou qui s’accommodât avec les pensées d’une seule entité en ce monde, aussi grand fût-il.
Aussi quand il finît son laïus savant dont seul les galimatias de son orateur, avaient pu donner à son interlocuteur l’impression vaine d’un sens dans ce ragoût confus d’idées diverses et avariées, galimatias qui donnèrent l’impression avec les mots inventés d’un métalangage dont l’interprétation était libre à tout un chacun, son interlocuteur était devenu adepte de sa pensée et lui demanda donc de devenir son disciple, il avait peut-être perdu trois heures à étaler ses thèses mais il avait peut-être gagner, un apprenti. Il le questionna longtemps sur des détails cruciaux pour devenir l’apprenti d’Aristide Foucard, le jeune homme moustachu qui avait déjà les rides de la fatigue, érudit en son temps, grand savant et philosophe qu’on ne pût comparer, ni à ces contemporains, ni devant la justice. D’abord les questions restèrent d’une logique déroutante mais bientôt ce fût les questions qu’on ne se posait guère qui dans la bouche de Foucard fusèrent : Où se trouvait le meilleur pain ? Par quelle sorcellerie les cheveux tenaient-ils sur la tête ?
Parmi toutes ces questions loufoques et insolites, le futur apprenti n’en rata que deux, il avait eût l’audace stupide de s’écrier qu’il fallait mieux commander en pâtisserie un pain au chocolat qu’une chocolatine, c’était l’erreur la plus flagrante, car comme chacun sait, l’usage du mot «pain au chocolat» n’a pour tout dessein que de molester et d’assouvir le prolétariat en faveur de la bourgeoisie et du grand patronat. Sa deuxième ou seconde erreur comme il plaira à duchmol ou à machin d’utiliser respectivement, fût d’avoir employé le néologisme «desfois», là c’était à s’en pendre par le pied au cou du petit cheval agnostique. Vraiment c’était un bon apprenti, deux fautes dont une seule qui avait donné envie au maître de se suicider c’était un record honorable dans la mémoire du jeune vieux qui faisait face à l’inculte questionné ainsi qu’à un questionnaire des services secrets de Boscanie. Il l’invita chez lui, ce que le nouvel élève, prenant sa paie et annonçant son départ de sa maison qu’on clôture et qu’on ouvre point, il prit un supplément de trente Tonnins et s’en alla chez celui qui avait lu toute l’oeuvre de Valestan, L’Unic de Montsippant et d’Amisur, si ce n’était plus. Quand ils arrivèrent dans la petite maison d’Aristide Foucard, 3 rue Saint Don Cap Tondolli, le maître s’attabla en demandant à son apprenti à manger pour deux. Après une heure d’attente un poulet était cuit, il l’avait eût au marché pour 15 Tonnins, «un vol réglementé» selon le Vieux Varbleu. Ce poulet avait été cuisiné selon les règles de Tomanstin et d’Abérrand, chefs cuisiniers illustres sinon plus, dont le Jeune Foucard s’était éprit et qui affichât sur ses meubles de cuisines qui se résumassent à un vieux four en pierre et une armoire en bois, leurs conseils et plus grandes règles culinaires.
Les deux s’attablèrent et le Jeune Foucard commença à parler. Il lui expliqua brièvement ceux qu’il adviendrait dans les jours à venir après s’être assuré de la mauvaise image que son apprenti cultivait contre la Banque et la Bourse. Il lui indiquait son plan avec une précision qu’on ne trouvât guère dans ses écrits qui ne faisaient que résumer toute sa pensée et que seul lui pût comprendre, il s’agissait d’acheter des actions à une entreprise, la plus riche et chancelante, «Fidrémond et Fils», une entreprise de quelque chose aux dernières nouvelles qui vivait de ses actions, plus que de ses bénéfices, mais qui avait une très bonne affaire sous la main. Selon ce qu’il savait, rien n’arrêterait son projet, il donnerait aux cinq banques, 100 000 Tonnins empruntés à la Banque sous pièces d’une Tonna sois 10 000 000 de pièces que les employés devraient recompter en l’espace de cinq heures, ce qui était selon lui, tout bonnement impossible. Aussi ses Tonnins serait rajoutés petit à petit dans la journée, et voyant que les actions de cette entreprise ultra-riche et puissante perdraient de leur valeur au fur et à mesure que la journée avançait, dû à la vente de centaines de milliers d’actions, dix mille en réalité, les acheteurs les revendraient toutes lors de la vente de dix heures, cette vente faîtes, les actions auront regagnées une valeur immense et lors du marché de onze heures, ils vendraient toutes les actions qu’il possédait, tandis que les autres n’achèteraient rien car la «Leçon d’économie du Proffesseur André Cook» qui ne fût pas, bien entendu, une leçon d’orthographe, stipulait bien qu’une affaire pareille qui grimpe et choit en si peu de temps ne doit pas être payée, on doit même l’évitait le plus possible, car généralement une crise pourrait s’en suivre. C’est la raison pour laquelle, personne ne redonnant, l’entreprise serait déficitaire et avec tout les Tonnins gagnaient par Foucard, il payerait la dette immédiate de l’entreprise et par la loi bidule-III, il récupérerait entre cinquante et cinquante-cinq pourcents de la caisse rentable chemilbliquaine de l’entreprise, s’élevant à près de cinquante cinq millions, deux cents vingt trois mille, cinquante deux Tonnins et trente six Tonnas au Tonna près. C’était une belle caisse qui sans doute allait suffire à Foucard pour recommencer l’expérience avec les autres entreprises et quand il en aura fait tomber trois, selon ses calculs il aura assez pour les faire tomber rien qu’avec son argent, il rachètera toutes les entreprises, les enlèvera de la Bourse et les petites qui émergeront après, les boursières ne décolleront jamais fasse aux mastodontes face auxquels elles se retrouveraient. Là enfin il pourrait ouvrir un musée pour exposer les œuvres de tout un chacun, de tous les artistes, des hôpitaux, des écoles, tout ce dont le monde aurait besoin, le Tonnin aurait une tout autre valeur et on ôtera la majuscule à la monnaie. Le vieux rêve rouge de Foucard renaissait dans ses paroles et son disciple le croyait. Il l’écouta attentivement quand il expliqua ce qu’il ferait, ses manières, comment la Banque et la Bourse tomberaient, ce qu’il fallu faire pour qu’elle périssent, succombassent et advinssent un tas de ruine fumant sur lequel on construirais la première école d’humanisme. Et cette école serait merveilleuse et radieuse. L’élève ayant suivit le déroulement et le cours de son professeur finit donc par conclure toute cette pensée, tout ce qu’il était du merveilleux projet très humain du pauvre écrivain jamais lu que fût et le grand chef que sera Aristide Foucard par la phrase courte mais simple faisant écho à toutes les valeurs qui poussent à faire un roman, à faire une révolution, à mettre sur le même pied d’égalité chaque personne: «Qu’importe que l’on soit laid quand on est beau à l’intérieur.»
Le lendemain matin, Aristide Foucard semblait quelque peu déboussolé par la dernière remarque de son élève mais qu’importe son image, se rappela t-il, il en était quasiment certain de ce que cela n’influençait en rien ce qu’il était. Il réveilla son apprenti, qui dormait à même le sol, le grand jour était dans deux jours et il fallait se préparer, aujourd’hui on irait faire le prêt à la Banque afin que l’on eût sur son compte, les Tonnins nécessaires à la réalisation du projet ardu et complexe qu’était celui du Jeune Foucard. Ils entreprirent avant de partir de manger, quelques tartines qui furent, ma foi, fort admirables pour un apprenti d’un jour, fort tartinées et fort bien, le beurre ayant été répandu équitablement entre les seize pans spirituels du morceaux de pain ainsi que l’énonçait Sofonque dans son traité sur la méthode subjuguale et antistratosphérique de tartiner un bout de pain avec un couteau en acier non-isotérique et comme l’avait repris Jandin dans son ouvrage «Les tartines de la duchesse sont cuites» qu’on ne peut que recommander, cela va de soi. Ils partirent ainsi vers la Banque, le grand bâtiment gothiques aux multiples sculptures bien trop nombreuses, sur sa façade refaite ainsi que la figure de son patron, ils ne s’adressèrent en ces mots au Banquier, fils d’ouvrier : «hé là, jeune homme» étant plus vieux ça n’allait guère à la scène présente, «100 000 Tonnins et pas d’questions, d'accord ?» semblait et était tout aussi inapproprié pour ce genre de demande. Alors ils optèrent pour, et avec la plus grande simplicité qu’on eût vu jusqu’à présent, un très facile «Bonjour, monsieur j’aimerais faire un prêt de cent mille Tonnins en pièces d’un Tonna.l». Quand le Jeune Foucard eût fini sa phrase, le Banquier sursauta, il n’avait jamais entendu pareille chose. Cent mille Tonnins en pièce d’un Tonna ! Il fallait un travail titanesque pour répondre à cette demande, mais bien sûr pour oser la faire, il fallait avoir la certitude de pouvoir rembourser. Le Banquier, habille financier, du nom de M.Tanque-Prevant l’accueilli humblement dans son bureau tout rempli d’or. Le Banquier ne se laissa pas surprendre trop, et du tac au tac répondit en ayant qu’un tant soit peu réfléchi :
«-Et qui me certifiera que dès que je vous les eusse donné, vous ne partiriez pas vous s’enfuir loin d’ici en jurant de ne jamais nous rembourser ?
-Comment que ne me croyiez vous donc ? Allez, je vous promet sur l’honneur d’en faire fructifier au moins un quart du tiers dans votre institution pécuniaire que vous nommez ainsi que Jandin «Bourse».
-Et du reste qu’en ferez vous donc ?
-J’en ferais ce qu’il m’en plaît et dans un mois je vous les redonnerez ainsi que les intérêts de la Bourse, j’ai trouvé mon ami des placements plutôt intéressants.
-Vous voulez sans doute parler de ceux dont on parlait ces grattes-papiers, ces scribouillards du «Sou», ce mauvais journal ?
-Non.
-Alors lesquels ?
-Désolé, monsieur, un amateur ne révèle jamais ses coins à champignons et je faire pareil pour mes sous.
-Bien, je comprends, cher client, alors comme garantie, qu’avez-vous ?
-Une maison, rue Saint Don Cap Tondolli âgée de plusieurs centaines d’années avec des meubles anciens.
-Ça ne vaut pas ce que l’on vous demande.
-Mais puisque j’aurais des actions, je vous les léguerais si je ne vous rembourse.
-Alors achetez à au moins 1 actions, les vingt Tonnas. Avec un peu de chance ça vous remboursera.»
Sur ces sages conseils, les deux compères signèrent le pacte diabolique qui faisait que le Jeune Foucard s’endettait pour une durée d’au moins un mois, avec la Banque, sœur jumelle de la Bourse, pour laquelle, le Jeune érudit préparait un chien de sa chienne, drôle d’usage canin s’il en est. Alors quand il sortît, il regarda son vieux disciple par quatre ans plus âgé que lui et lui montra alors la promesse qu’il avait signé tout comme le banquier dans un luxueux mais froid bureau doré. Il sortirent et pendant ce temps, Foucard expliqua à Vallon ce qu’il adviendrait, son disciple attentif écouta. Il lui dit que le transfert se ferait ce soir vers minuit, il était six heures et il avait vu de son œil attentif sur le bureau de sa providence qu’aucun prêt n’avait encore été passé et qu’aucun transfert de facto, il rappela aussi qu’il était dix heures du matin, ainsi pour compter une telle somme, selon les manières de la Banque et de la Bourse, il fallait quinze bonnes heures. Aussi tout concordait. Dix heures de jour et cinq de nuit arrivait à bout de Cent Mille Tonnins, donc ça ne serait qu’à dix heures que les actions seraient au plus bas, il lui suffirait de faire languir un peu le Courtier, de savoir se faire attendre, de faire passer le temps en parlant, de passer les sacs lentement et cela pouvait être un peu repoussé. Ou alors qu’il y ait une longue file d’attente. Enfin cela n’avait pas trop d’importance, quelques problèmes pratiques, tout simplement, finit-il par rappeler à son jeune étudiant, le principal était et il ne fallait pas l’oublier que l’organisation de la chose était désormais quasiment certaine et qu’on était quasiment sûr que tout allait bien fonctionner. Son Vallon n’eut rien à y redire, pour lui comme pour l’autre tout allait dans le meilleur des mondes. Mais les deux compères ne savaient désormais plus que faire pour que les temps passassent. Ils avaient entrepris bien sûr d’aller dîner dans la meilleure auberge que l’on trouvât et que le maître et l’apprenti y dépensassent les Tonnins qu’ils leur restassent en dehors du prêt exorbitant qu’ils vinssent de réaliser. Ne s’attardant guère à la dépense, ils festoyèrent joyeusement dans l’auberge de la Veuve Joyeuse à l’auberge éponyme. Ils dansèrent même la java des gens qui ont leurs désirs assouvis ou qu’ils les entrevoient dans des desseins plus que certains. Puis vers onze heures, ils commandèrent à manger, mangeassent assez promptement afin de perdre ou de réduire tout du moins, tout l’alcool de mauvaise qualité, à bas prix qui coulait depuis midi dans leurs veines. Puis tout d’un coup, il payèrent et partissent avec célérité car l’horloge vînt de sonner la moitié de la nuit, vingt-cinq heures après le dernier, vingt-heures avant le prochain. Ils couraient ce jour-là, ah oui ! qu’ils courussent, ils galopassent, ils se harassent et au final ils peinèrent à arriver à temps au rendez-vous donné mais que les destins ne les accablassent, à peine finissent-ils une foulée que le Banquier, repu sortait de table et ne se pressait point pour les accueillir, il était en retard, et le monde avait fait que pour combler ce retard de vingt minutes, les gens de la Banque et de la Bourse, ces près de trois cents employés, peut-être plus, toujours, deux cents quatre-vingts dix neuf salariés que les deux jumelles employassent et qui, à l’heure qu’il fût, ne comptassent pas les cent mille Tonnins dans leurs sacs pour leur prêt, peut-être huit cent quatre-vingts treize mille cinq cents soixante douze Tonnins eussent été recensés, peut-être plus, peut-être moins, mais rien n’y faisait, le compte n’était pas encore fini pour ces quasiment trois cents employés de banques, aux yeux rougis par l’effort, écarlate par le peu de lumière, rougeoyant par leur sommeil fragile et mauvais et incarnats par leur maigre temps de sommeil. Quand le Banquier arriva enfin vers 00h34, les employés n’avaient guère encore fini et les deux hommes âgés de la vingtaine, attendaient encore mais il arriva que les employés, surmenés mais au bout de la fin finissent par envoyer les premiers avec les sacs de cinq mille tonnas afin qu’ils commençassent à vider le grand hangar de la Banque, de la masse énorme d’argent qui l’encombrait. Aussi vers 00h41 les premiers convois arrièrent par sacs, les employés qui les emmenassent, avaient les doigts ensanglantés, coupés à force de tenir des pièces, tranchés par leur bords ronds et si fins. Haletants, exténués, éreintés ils arrivèrent avec leurs gros sacs remplis de Tonnins sur le dos, leurs yeux misérables, aux pupilles sèches regardaient les deux clients en priant leur dieu Saint-Fric dont on mettait la tête sur les billets, qu’ils n’habitassent point trop loin. Leur dos, leur pauvre dos, prier heureusement quand la question leur fût posée, ils répondirent que ça n’était qu’à cinq pas de là, et en effet la maison n’était pas à plus de dix minutes de là, mais ce qui donnât encore plus de joie aux salariés fût que Foucard loua pour Cinq cents Tonnins et vingts Tonnas pour ces hommes, une charrette à un vieil homme, sans doute maraîcher sur le chemin. Ce fût une fête en leur caboche abrutie par tant d’efforts vains dans une Banque. Bientôt ce fût ainsi qu’un chemin de fourmi que les hommes amenassent tout l’or du monde, ou plutôt du prêt entre Foucard et Tanque-Prevant soit cent mille Tonnins en pièces d’un Tonna. Vers 1h46, le dernier chargement avait été déposé et l’on commença à remettre le schmilblick là où il était après l’avoir harassé, l’avoir avancé et bougé dans tous les sens et dans tous les sens du terme. On rendit d’abord la charrette au bon monsieur Martin, puis le Banquier rentra prendre le dessert sur sa digestion, un gâteau au marc de champagne et saupoudré d’or et de caramel, chez Foucard on riait et on s’amusait se roulant dans les sacs sans jamais faire tomber un Tonna par-terre, chez les ouvriers de la mine d’or, les employés de la Banque, on pleurait la mort et l’épuisement, la mort de Cheval-Bouché, employé depuis seize longues années, mort par hémorragie après s’être coupé l’index avec un Tonna, la mort d’Émilie Dalon, morte après avoir tenté de rattrapé un sac tombant du premier étage. Ils étaient deux cents quatre-vingts dix neuf, ils ressortaient de la boucherie deux cents quatre-vingts dix sept. Leurs doigts saignaient comme jamais, leurs yeux, ils n’en avaient même plus pour pleurer et eux non plus, leur dos était cambré, leurs os déchirés par le poids, le froid et les mauvaises siestes, cachés entre deux tas pour résoudre leur manque de sommeil, leur chair, anéantie et chancelante par ce travail, leur tête abrutie, désemplie et vide par la fatigue, la révolution se languissait qu’ils réfléchissent. Puis tout d’un coup, comme si cette misère revenait aux yeux de l’humaniste, Foucard partit sans le dire à son apprenti, sans dire un mot vers le hangar de la Banque. Son élève le suivit, un peu fatigué, ayant une bonne longueur de retard, mais son maître ne l’avait guère vu et continuait de son pas rapide, de l’emboîter en direction de la boucherie qu’il avait remit au goût du jour. Certains là-bas, les anciens se rappelaient et commenter, disaient des atrocités qui disparussent et qui leur revinssent en tête après celle-ci, ils parlaient de quatorze, de dix-huit, de trente-neuf, de vingt-neuf quand ils se corrigeassent, de quarante-cinq, de soixante deux, de soixante-treize, depuis cinquante trois ans, il n’y avait eu de tel massacre. On parlait de toute cette misère qu’avait engendré cet homme, ce terrible personnage que plus aucun employé ne voulait désormais voir, à l’approche de ce visage, tous azimut auraient voulut le lapider, quel visage ? Ils l’avaient déjà oublié. Il arrivait pourtant, n’était pas à vingt mètres d’eux bientôt, ils ne le reconnussent guère, il était un de ces gens qu’ils ne connaissaient point, ne reconnaissaient pas, d’abord il leur demanda comment se passait leur nuitée, ils lui répondirent tous en cœur que jamais nuit n’avait été aussi abominable à part les anciens qui se souvenaient d’avant et répondait humblement que c’était tout simplement et juste une nuit épouvantable. Alors à lui de leur demander pourquoi en était-il ainsi. Ils répondirent qu’un client malsain avait fait promettre à leur Banquier de lui compter Cent mille Tonnins en une nuit et que cet être était en tout point affreux et qu’on ne pouvait l’aimer, au fond vilain et aux desseins miséricordieux. Il leur demanda s’ils ne songeaient pas, ne présageaient pas qu’une telle somme fût demandée et que tant de Tonnins servissent à leur donner un peu de liberté. Ils répondirent avec hargne et violence que non, ce geste était obligatoirement liberticide et qu’un seul égoïste où un inconscient ne pouvait pas le comprendre. La discussion fut assez violente, ils répondaient avec toujours plus de méchanceté et de haine, lui toujours calme leur posait des questions diverses et variées mais bientôt quelque voix se fît entendre. Elle lui demanda qui il était, il n’eut pas envie de décliner son identité et répondit simplement : «quelqu’un». Soudain un homme, puis une femme, d’autres et d’autres encore crièrent que c’était lui le client, il n’avait rien à répondre et se défendant tant bien que mal, il commençait à voir voler des briques vers lui, lui qui reculait doucement. Voyant la situation empirait, le disciple saisissant le maître l’entraîna loin des tumultueuses disputes, des lancers de pavés phénoménaux, et de toutes ces autres violences qui mettaient sa vie en péril, il craignait qu’ils se rappelassent de son adresse, mais aucun n’avait vu distinctement la maison, le lieu et aucun n’aurait la force avant trois jours de faire le chemin vers elle, ils s’éloignèrent ainsi du lieux d’où encore et toujours se faisaient entendre ces mots : «T’es un affreux ! Maudit sois-tu vipère lubrique et visqueuse !»
Arrivés tard, les deux hommes s’endormirent épuisés, après avoir fuit les mots odieux des pauvres prolétaires qui bientôt seraient libérés de leurs chaînes selon le projet fort amiable et aimable de «l’Oncle Foucard» comme il était certain qu’on l’appellerait dans quelques années. Il se réveilla et décida qu’aujourd’hui en vue des récents événements, on reporterait la mise des Tonnins à la Bourse et qu’on s’occuperait d’armer et de préparer la maison à tenir un siège au cas où, si le prolétariat se révoltait ainsi pour une broutille que dire du patronat quand il verra que tout son monde s’écrouler ? Et le salariat au bottes du patronat ? Non, il fallait se préparer, sinon son plan risquait et feindrait d’être trop incertain, or pour lui, pour le peuple et pour le monde entier, il fallait que son plan réussît. Dans le cas contraire, l’ancien monde en ressortirait, plus fort, plus puissant, ragaillardi, revigoré et prêt à mettre à feu et à sang le prolétariat insoumis à ce patronat puissant. Aussi il fut décrété par le maître que le disciple irait préparer le toit afin qu’il puisse être aménagé. Ainsi l’apprenti alla au grenier, afin de le vider pour qu’entrassent les canons qu’apporterait sans doute le maître, pour qu’ils pussent entreposer les armes, les pièges et tout ce qui en découlait.
Le maître lui dérangé alla soucieux chez l’armurier. Était-il si affreux qu’on le prétendait ? Si affreux et si laid ? Mais quand on est ce que l’on est que changeait-cela ? Après tout qu’importe son image, se rappela t-il encore, il en était presque certain, à la limite du sûr, de ce que cela n’influençait en rien ce qu’il était. Il était un tant soit peu soulagé, il commanda sur ses économies d’avant-prêt cinq pièces d’artillerie lourdes, dix cannons, dix pièces d’artillerie remarquables soit dit en passant, vingt épées, des marmites, des mâchicoulis à poser, cent fusils et près de huit cent mille munitions et d’autres défenses qui étaient selon lui nécessaires. Rentrant dans son logis avec des hommes de mains amenant le tout au dernier étage qui n’avait pas fini d’être totalement déblayé, il avait payé content comme le dit le fameux adage et il rentrait heureux de cet achat utile, comme la violence qu’il voyait désormais dans le besoin essentiel de défendre sa maison, il avait mûrit à ses yeux, une part de la violence était pour lui maintenant, et utile et non-négligeable et nécessaire. Le disciple aspirant à finir avant midi, s’employait à faire le ménage bien, avec la plus grande attention qu’il pût dispensé à cet ouvrage, à son labeur. Le maître l’aidait désormais après avoir payé ses hommes de mains ayant accomplit la livraison à domicile. L’élève ouvrit un tiroir et en tomba vingt carnets manuscrit remplis de feuillets, feuilles volantes et autres morceaux de papier en tout genre qui sortissent de ces bouquins avec tous des écrits manuscrit dessus, une écriture brouillonne, avec des ratures, intrigué il osa demander au maître qu’était cela. Las de savoir, épuisé de le dire, il répondit juste que c’était ses carnets préparatoires pour les nombreux livres qu’il composât par le passé. «Quels livres ?» s’empressa de demander l’élève sans le savoir, il venait de rouvrir une plaie encore sanglante du maître qui venait à peine d’arrêter son hémorragie.
«-Ces livres, ah tous ces livres qui m’embrument l’esprit, ces horreurs, jamais lues ! Ah, que m’en reparles-tu ? Jamais l’on n’eut lu pareille bêtise, d’ailleurs jamais l’on ne les a lus ! Ah ma carrière littéraire n’est rien ! Et moi un affreux, c’est bien ça ?
-Non grand dieu, s’écria soudain son élève, coupable du chagrin de son maître. Que dîtes-vous là ? Que dîtes-vous là, vous et votre œuvre sont d’une beauté remarquable!
-Tu dis cela mais tu n’en as lu aucune ! Et tu m’as dit auparavant ton «enseignement» et après que j’étais d’une laideur accablante !
-Des sottises tout ça, vous êtes beau au plus haut point !
-Au point physique dis-tu aussi ?
-Le point physique n’est rien.
-Ah que je suis laid ! Demain nous reporterons notre projet, et demain encore, plus jamais je n’oserais me montrer dehors, aussi moche que je suis.
-Fichtre, non ! Diantre, non ! Ne faut-il pas tuer le système ?
-Mais comment avec mon physique ?
-Allons vous refaire faire la façade et le tour sera joué.
-Parbleu, tu as raison mon disciple, nous irons demain et après-demain notre projet fera tremblé le patronat.»
Sur ces sages paroles, l’apprenti continua son œuvre et quand ils finirent de ranger et d’organiser la défense, il était fort tard, il fallait dîner, finir de charger les fusils malgré l’amenuisement continu de la bourse post-prêt de Foucard, Tonton Foucard en puissance. Vers onze heures, ils partirent en direction de l’auberge de «La Veuve Joyeuse» à la propriétaire éponyme. Ils y dînèrent un canard aux châtaignes avec de l’huître aux moules et au persil, un régal que le grand cuisinier Allamprussien Archestronde eut sans nul doute adoré, gourmet fin qu’il était. Puis quand la nuit se couchât, que la Veuve Joyeuse et ses Joyeux commençassent à ranger, à faire payer et à ouvrir les chambres, que «La Veuve Joyeuse» devînt cabane qui n’ouvrait pas, les deux hommes s’en allèrent afin qu’ils finissent la tâche ardue qui leur fût de finir la préparation de leur plan, la défense du bâtiment qu’était la maison familiale Foucard, 3 rue Saint Don Cap Tondolli. Ils y dormirent dans leur petit logis bien sûr, bien sécurisé, aux portes qui ne s’ouvrassent qu’avecque les clés des propriétaires, aux fusils chargés de ses occupants, aux grandes pièces d’artilleries capable de détruire une chambre forte à vingt lieus, un bout de bois à quinze cents lieus.
Le matin, Foucard était fin prêt, il s’était décidé à aller chez celui qui refaisait les visages, il ne savait pas encore ce qu’il adviendrait, sans doute, il perdra ses rides de fatigue et de travail qu’il avait eu à la mine ou à écrire des textes jusqu’aux vingt cinq heures d’un jour sinon plus loin dans la chronologie. Arrivé à bon port, bien que l’enseigne se trouvât à même la terre ferme, sur une partie on ne peut plus continentale et refermée au fin fond des terres, il entra avec son disciple qui le poussait parfois pour qu’il ne s’arrêtât guère en plein milieu, prit de peur et de craintes, comme si ce choix n’était pas le sien directement, qu’il ne l’avait jamais émit et qu’on l’obligeât à le faire sous couvert qu’il l’avait formulé indirectement, peut-être inconsciemment dans un de ces excès de réflexion dans lesquels on n’est plus le serviteur de ses subconscients abstraits et imaginatifs en tout genre. Dans ce sens, il était presque esclave de ses subconscients parfois et souvent bien plus encore. Puis ce fut la porte du faiseur de beauté, mais celui-là ne le laissa pas s’asseoir, c’était Monsieur Dalon et il le reconnût dès qu’il déclinât son identité, cet affreux ! Il faillit le toucher quand il lançât son rasoir dans la tête, était-ce ça le sort qu’il faut subir, lorsque l’on est un futur sauveur ? Quand on l’appellera Tonton Foucard, lui n’aura pas son salut, sortant avec son disciple, il fallût s’y résigner, il resterait avec sa laideur tant qu’il n’aura pas changé de visage, Vladimir Dalon étant le seul homme de métier, de cette étrange profession, à cent mille lieux aux alentours. Attristé, il rentra chez lui, s’appuyant, fatigué sur son disciple, comment se faisait-il que l’on ne pensât pas à lui, qu’il n’y ait pas de faiseur de visage dont l’amour était mort lors d’un de ses ouvrages, quelle peste celle-là ! Ne pouvait-elle pas se faire écraser par un piano comme l’on fait d’ordinaire ? Attristé, désespéré craignant d’autres réflexion sur son physique par le Courtier le lendemain, il monta au grenier se changer les idées à remplir les fusils jusqu’au dernier de manière à ce qu’en cas d’attaques on n’eût plus qu’à jouer de la cartouche. Vallon attristé par l’état de son si désiré professeur, alla lui préparer une surprise dont il apprécierait tout du moins l’intention, il en était sûr. Il couru chercher du caoutchouc et s’appliqua toute la nuit pour que le lendemain tout soit prêt pour son maître, dominant par son savoir, son intelligence et non par une règle arbitraire. Foucard n’a pas voulut dîner et s’est couché tout de suite, l’étudiant trop plongé dans son affaire n’avait pas dénié fermer l’œil de la nuit et n’avait pas dénié non plus préparer à manger ou se sustenter de ces nombreuses d’heures. Le matin l’élève avait fini son ouvrage, un masque de caoutchouc maquillé précisément avec moustache fine et cheveux gominés, il l’apporta au chevet de son maître endormi mais préférant au dernier moment le laissait dormir et ne lui présentait qu’au déjeuner, le premier de la journée, il alla le ranger et commença à s’occuper de ladite fin du jeûne, des tranches épaisses de brioches accompagnées de confiture à trois Tonnins le pot. Il avait prit des pots de confitures au marché, à la fraise, la préférée de l’Oncle Foucard, celle de Madame Boussard, la préférée de Tonton Foucard. Quand il réveillât le maître, le génie, le savant, l’érudit qu’était Monsieur Foucard, il se leva d’un pied gauche, presque extrême, presque rouge, presque avec une faucille et un marteau, tous deux jaunes, dessus la peau. Il alla voir les tartines et les mangeât sans faim avec son disciple illuminé, il commençait à prendre des initiatives physique, c’était le début de l’indépendance que prenait son élève, bientôt cela serait des initiatives mentales, il commencerait à penser de lui-même, c’était la plus longue et difficile période, enfin. Il mangeait ses tartines qui avaient goût de carton, molles, sèches, pleines d’eau. Du carton aurait été meilleur, il en était presque à en demander à son disciple, que l’étudiant l’en cuisina car la faim gâtait ses idées. Mais alors que ses lèvres commencèrent à se préparer à énoncer les mots, celles de son élève parlèrent et déclamèrent des mots qui lui firent chaud au cœur, il lui tînt à peu près ce langage :
«-Mon maître, cher maître, écoutez ce que j’ai à vous dire, voyant votre malheur de n’avoir plus beau visage qu’est le vôtre, sur le pan physique de la terre, comme vous le déclamassiez en citant Soldiono et Farandessi alors je vous eusse préparé une surprise toute la nuit durant, oui durant sept heures, il fallu que je travaillasse, mais non que je trimasse, c’était un bonheur, et je vous ai fait donc….Fichtre attendez que je le trouvasse, que je vous le montrasse et que je vous le misse car je vous le veux porter.»
Partant chercher le présent pour son maître, il était sous le soleil qu’était le visage illuminé de Tonton Foucard, et de son incroyable tartine de confiture de fraise de chez Madame Boussard, Vallon s’empressa et il ne manqua guère de choir trois fois d’excitation avant d’arriver. Il arriva derrière l’Oncle Foucard, et lui posa le masque dessus, lui tendant également un miroir de bois, ancien, qu’il avait trouvé au marché, «Voyez votre belle figure désormais» lui dit-il alors. Le moustachu qui portait la moustache mal rasé, en peigne sur la lèvre, était désormais affublé d’une belle moustache fine gominée et remontante jusqu’à sous les yeux, des cheveux d’ordinaires mal peignés, étaient ordonnés vers l’arrière comme se font les grands nobles et qui est un charmant attrait dans tous les milieux, tant recherché, envié et convoité également. Il regarda chaque trait de son visage, chaque morceau de peau si ressemblante à celle d’un véritable homme poudré et maquillé. Il s’admira plusieurs minutes avant de retomber de son état de grâce, il remercia son disciple et lui promit de faire profiter plus que lui de son futur honneur, de ses futurs honneurs. Son disciple eût beau dire que c’était trop, bien trop, il ne ravisa guère et continua de promettre à chaque refus plus, il refusait d’être cité dans son discours de sauvetage des prolétaires ? Il lui promettait qu’il appellerait dedans son texte à un cri de joie en sa faveur. Refusait-il de comparaître devant ses amis, il devenait son plus grand ami et son plus grand soutien, une pièce essentielle. Refusait-il d’être nommé quand il citerait ses sources, il devenait son principal modèle pour trouver chaque précision sur toute sa vie, son œuvre. Après beaucoup d’heures, ils avaient conclu ce qu’il adviendrait en détail de Vallon, de son nom et quels honneurs lui reviendraient lorsque tout ce qui devait être fait, serait, cela va de soi, fait. Sans s’attarder plus sur le sujet, il est important de noter que c’est un bien triste sort que de devoir avoir des honneurs qu’on refuse. Mais c’était le cas, pauvre Vallon qu’on obligeait obligeamment à recevoir honorifiquement des honneurs honorifiques !
Bien entendu un changement de faciès doit nécessairement s’accompagner d’autres changements, on n’appelait pas Aristide Foucard deux hommes au visages distincts ! Quelle drôle d’idée. Il lui fallait donc un nouveau patronyme ou plus exactement un pseudonyme, surtout afin que les gens du hangar de la Banque, travaillant de facto et rendant service aussi par ce fait à la Bourse, ne le reconnussent guère. Alors ce fût un long moment de réflexion sept heures sonnaient à l’horloge de la ville, à l’encontre de l’horloge de la création dont les engrenages vieillis semblaient ne plus vouloir bouger quand il était cas du pseudonyme d’Aristide Foucard. Il fallait manger tout de même ! Midi était passé et bientôt l’heure de la gloire allait sonner, elle aussi. Alors ils mangèrent sans le masque, non pas qu’il ne pût ouvrir la bouche, il était extrêmement bien fait, mais il ne fallait pas que l’on demandât son nom à l’homme au faciès inconnu, ainsi ils repartirent à «La Veuve Joyeuse» et y mangèrent avec célérité, en une demi-heure, le repas était avalé. Puis retournant une ultime fois à leur logis afin qu’ils prissent ledit masque, les deux virent le vieux panneau en bois qu’on avait installé et qui indiquait le nom de la rue dans laquelle vivaient les deux hommes : «Saint Don Cap Tondolli». Ni une, ni deux, les compères se regardassent et comprissent que bientôt, à dix heures précises, Don Tondolli irait à la Bourse déposait Cent mille Tonnins en pièce d’un Tonna dans les actions de l’entreprise «Fidrémond et Fils».
Enfilant son costume avec aisance, Foucard ou plutôt Tondolli avait préparé depuis des années un habit luxueux pour cette affaire, malgré le fait qu’il n’en savait rien qu’il allait porter un masque, il avait eu un pressentiment dans le temps sans doute. Malgré son ignorance des destins auparavant, il semblât avoir été par le passé ainsi que ces vinaigres paysans, devin. Il partît devant en empruntant la charrette du vieux Martin afin qu’ils ne se rompissent le dos et que ces voyages parassent être agréables ainsi qu’une ballade, un soir d’été frais et doux dans la douce fragrance d’une volaille rôtie sortant du four avec l’aide non-négligeable d’un servante au nom suave et plaisant, Marie ou Louise par exemple. Aussi quand ils arrivèrent un employé de Banque cru voir son Saint Supplice, il eût un soubresaut et partît rapidement voir le Banquier, lui en touchait deux mots : «Nous ne voulons plus compter une pièce, un cercle nous fait avoir des visions d’horreur, que nous ne sommes pas soldats pour ne voir que des intestins volants, des camarades découpés, déchirés en morceaux, et n’être tué comme le veut la charte du combattant, que dans d’atroces, longues et interminables souffrances, qu’uniquement dans la misère et l’infamie !» ne sachant que répondre, la Banquier réfléchit et lui répondit que s’il demandait à les mettre en Banque, cela lui serait assuré dans le semaine sinon plus. Alors l’employé, alla le dire aux collègues qu’on ne compterait plus dans des rythmes effrénés et qu’il faudrait une semaine au moins désormais pour compter cent mille pièces minuscules et coupantes, tranchantes et dangereuse, hostile à la survie du prolétaire ! Imaginez donc leur joie.
Mais, coquin de sort, ce n’était guère la Banque qui l’intéressait d’investir, en effet, il avait déjà assez hanté le bâtiment, pour qu’il y entrât encore avec ses sous, non, c’était la Bourse qu’il fallait de ce pas et tout de go pour un laps de temps indéterminé investir, malgré le fiel qui se dégageait de Tondolli dans un tel lieu et envers ce lieu. Vallon et Tondolli arrivèrent devant le Courtier avec la charrette aux cent mille Tonnins vers dix heures et quart, en effet la queue devant le guichet pécuniaire et incertain avait été plus longue que l’on eût cru. Aussi quand ils arrivèrent, le Courtier non mit au courant des accords entre les employés et le Banquier, assura presque en jurant qu’on aurait compté et validé chacune de ses actions avant les douze heures de midi du jour prochain, déposant alors leurs sous dans le hangar, l’employé bancaire qui vît approcher les deux hommes leur dit tout haut et tout fort comme il n’était guère coutume de faire.
«- Hé là ! Où allez-vous par ici, ne savez-vous donc qu’avecque une telle somme, vous risquez d’attendre des mois ?
-Comment cela se fait-il ? Répondit du tac au tac avec tact le Courtier. Vous l’effectuiez en quelques heures hier encor.
-Que ne savez vous ? Monsieur le Banquier Tanque-Prevant nous a promis sur sa foi en or, qu’on aurait une semaine au moins pour le faire.
- Je ne suis pas lui, et vous repartez de ce pas au travail, ces cent mille Tonnins doivent être convertis en actions avant minuit ce soir, sinon ça seront vos salaires qui en pâtiront !
-Cent mille Tonnins comme ceux qu’on a, il n’y a pas deux jours comptés et prêtés à un certain monsieur Fourtard et son valet Vallion ?
- Non ! Ces messieurs sont Tondolli et Vallon, vous vous méprenez !
- Vallon, lui-même ! s’écria l’homme, reconnaissant l’apprenti et étant déjà en train de le soulever, trois pieds au dessus du sol.
- Hé ho ! On change de maître comme de chemise, vous savez ! Se défendit l’élève.
- Qu’on appelle le Contre-Maître Vichyporion ! » hurla de sa voix tonitruante ce bélître de Courtier Fanant-Bolivar.
Le Contre-Maître arriva et saisit l’ouvrier Mauquéant, qu’il amena dans le bureau du Directeur Fauxbourgeois d’Estanville, on entendit la conversation énervée et suppliante parfois des deux hommes puis comme gêné et reprenant quelques couleurs, Fanant-Bolivar amena ses deux clients au hangar. Là encor, des regards noirs, certains descellèrent dans les yeux de leurs providences, quelque signe qui les inculpassent de leurs malheurs. Et sans qu’on comprît vraiment pourquoi, une voix, celle d’un vieux d’au moins cent cinquante ans, qui avait connu les retraits de quatorze et le comptage de cent quatre-vingts dix millions de Tonnins qui en suivit, s’éleva.
«- Monsieur Foucard, encor vous ?» déclama l’ancien.
Soudain ce fût une vague inarrêtable de plaintes diverses et variées, des revendications, des mots plus hauts que les autres, chacun s’énervait contre ce monsieur, déguisé qui venait de nouveau leur apportait du travail jusqu’à plus soif, mais leur soif aurifère était repue depuis dix ans, leur apportait de nouveaux morts. On criait que l’on n’en voulait guère, qu’il pouvait se les garder, alors il dût dire qu’il fallait qu’ils fassent ce travail, ce labeur aussi dur soit-il car demain, tout changerait, car demain leur misère s’arrêterait nette. Dans ce hangar boursier, gigantesque, on vit des groupes se former à gauche certains lui prêtaient allégeance et avaient foi en ce qu’il disait et promettait, d’autres à droite, non et commençaient à jeter des pièces. Le Courtier fit vite sortir ses clients et revenu parmi les employés, s’employa à les remettre à l’oeuvre «100 Tonnins à ceux qui coopéreront, qui collaboreront, 100 d’ôté sur leur paye aux autres !». Alors la machine se remit en marche, les salariés travaillèrent tous même si une aigre amertume flottait dans la bouche de la plupart de ceux qui trimaient quand d’autres paressassent et ne firent que placer leur argent, leur fortune en les mains de la Banque et la Bourse qui acquissent depuis longtemps une dimension quasi-mythologique, légendaire comme les sauveteuses qui sauvassent tout le monde de la misère la plus totale.
Durant ce temps, chemin faisant, Tondolli et Vallon se dirigeaient, la boule au ventre vers la maison ayant pour adresse, trois rue Saint Don Cap Tondolli, ils regardèrent derrière eux à chaque coin de rue puis quand ils arrivèrent, prirent bien soin avec une attention toute particulière de n’activer aucun piège et de surveiller les alentours. Efforts vain, la Mauquéante les avait suivis.
Alors quand elle reconnût la maison vers laquelle, il y a peu, elle transportât des sacs de Tonnins sur la charrette du Vieux Martin, elle accourût en direction du hangar pour prévenir les gens qui s’étaient rangés à droite. Ils étaient approximativement trois cents quatre-vingts ce qui leur assurait une majorité relative face aux trois cents indécis et aux trois cents dix-sept rangés à gauche. Courant, elle feint de choir sur un vieil objet de métal, Almandiée Mauquéant ramassa l’objet, une faucille sans doute, ou alors un piolet, elle ne savait que lorsqu’elle le déterra ou la déterra totalement. Quand elle finît de le déterrer, elle vit enfin ce que c’était, c’était une faucille. Une faucille au manche turquoise, non ! Rempli de turquoises, belle à l’encontre de celles que l’on croise généralement sur quelque route, rouillées et crasseuses. Une strangulation l’arrêta, elle cru avoir comme devoir de rendre d’abord cette faucille car selon elle il fallait être honnête, surtout si elle appartenait au Vieux Martin, elle semblait très chère, et le vieil homme n’avait que peu d’argent, elle lui apporta alors, passa devant sa ferme, elle vit quelques rangées de carottes, de navets, quelques oignons de çà de là et un poireau solitaire à gauche. L’ironie du sort avait fait que c’était un poivron qu’épluchât le vieil homme travailleur et bon comme l’était la Mauquéante, légume qu’il était assez étrange de trouver en cette saison, mais enfin, elle lui demanda et il lui répondit d’un ton bien loin du ton rogue des contre-maîtres qu’elle ne lui appartenait pas cette faucille au manche de turquoises. Elle insista alors pour qu’il la prenne, il finit par accepter. Elle sortit.
Repartant à la conquête du hangar et de l’opinion ouvrière pécuniaire et financière, elle court, elle court, elle s’emmêle, et s’atterre «Qui l’aimât ?». Qui pourrait bien suivre celle-là ? Elle qui n’avait toujours qu’était la femme d’un remueur de foule, d’un orateur de bistrot, un leader unanime à plus de deux grammes. Elle espérait alors qu’on ne l’embêtât guère car elle était partie, elle avait abandonné l’idée de révéler à ses coreligionnaires sa découverte, elle avait perdu foi en elle. Mais quand le dirait-elle ? Se rappelle t-elle, que tous triment et ne rêvent que d’arrêter et qu’elle possède-là un casus belli suffisant pour tout jeter, rejeter et rentrer se coucher après les vingt heures qu’on leur oblige à travailler. Rien ne se passa cette nuit. Elle n’ouvrit la bouche.
Puis quand il fallût ouvrir la vente de dix heures à la Bourse, ce fut le Courtier Vayllant-Aborge qui s’en occupa emmenant avec lui, l’ouvrier Gobert afin de faire le relais, celui là, il avait le charisme érotique d'un morceau de tranche de lard auquel on aurait collé deux yeux, des poils, ni plus, ni moins. Les dix ouvriers sélectionnés pour mettre à jour le tableau des actions étaient tous plus ou moins à droite mis à part Valentine Boudier, et le jeune Sempach. Parmi eux était la Mauquéante, n’avait pas encore délié sa langue. Alors ils mettaient en place le grand tableau ; «Van Derbilt», deux-cents mille Flozards et un tonnas l’action, «Varbleu et fils illégitimes» cent quatre-vingts dix-sept mille Flozards et dix tonnas l’action, «Fidrémond et fils» cent seize mille et cent douze Flozards et zéro cinq tonnas l’action (hier encor elles étaient à dix Tonnins), «Thane Adelza et fils insupportables» cent dix mille et huit-cents seize Flozards et vingt-quatre Tonnins l’action, «Raljaf et Llorficile» cent sept mille et cent cinquante Flozards et vingt-six Tonnins l’action. Le reste allait à la baisse en Flozards et à la hausse au prix de l’action.
Dessous le tableau, s’entassassent les grands actionnaires qui vissent la baisse net des actions de «Fidrémond et fils» alors l’un d’eux, le premier, se présente au guichet et s’exclame «Je vends tout de suite cent vingt actions de «Fid’ et fils», vite au nom de Joffras Malavil, Angousain de sa mère et Boscanien d’un ami de son père !». Comme c’était une pointure dans le domaine de l’opportunisme, bientôt s’ensuivent des dizaines, des centaines, des vagues d’hommes, de financiers, de crapules, de brigands et de gueux même, qui vendent leurs actions de chez «Fidrémond et fils» qui baissent encor, et encor sans s’arrêter, cette cadence était infernal, elles ne valaient rien, sinon moins. Voilà ce qu’elles valaient moins que rien, c’était cela même, ces six cents serfs sifflants si sensationnels qui eussent achetés mil actions sinon plus au père Fidrémond revoyaient leur choix, et bientôt, les actions valurent un prix immense mais personne n’en sut rien, pour eux c’était une crise immense, ils mettaient tout sur la concurrence, ôtaient tout de Fidrémond mais Fidrémond baissait encore comme les salariés n’eussent pas fini de compter les cent mille Tonnins par contre les autres actions allaient bien vite grâce aux billets, ainsi toutes les actions baissaient en même temps, bientôt Malavil le premier et tous ensuite avant la nouvelle mise à jour retirèrent toutes leurs actions et les Courtiers qu’on appelât en régiments, en bataillons, en armées n’étaient toujours pas assez et le travail s’entassait, le tableau était aussi paralysé, on avait fait appel aux dix dits ouvriers et ils aidaient mais rien n’y fit, c’était inévitable ! La Bourse était vidée, endettée, on ne savait plus ce qu’elle valait et plus que tout, on n’avait pas encor fini de compter ces maudits cent mille Tonnins. Le Contre-Maître Fouconnier-Malzar ordonnait qu’on nettoyât la Grande Salle pleine de papiers d’actions déchirés et qu’on finît de compter ces maudits Tonnins pendant que le soleil et ses tamisés entraient par les grands murs en verres de la Grande Salle, vide, sur un air de champ de bataille, de scène de massacre anéantie. La Bourse avait perdu de l’argent, beaucoup, car même si beaucoup de monde, au moins les deux tiers avaient revendu leurs actions du père Fidrémond à un prix plus bas que le vrai, par la paralysie du tableau, bien plus avaient rachetés ailleurs au prix honnête, rachetés aux prix en baisse et quand les prix remontassent un tant soit peu, ils vendissent tous, rachetassent et revendissent à plein régime. Car le prix choyait quand ils achetassent, puis quelques uns avaient vendus, puis quasiment tous, puis l’entière totalité vers dix heures quarante faisant remonter les prix en flèche et alors tout le monde avait acheté et quand les prix étaient encor à la mise à jour de la première grosse vente des dix heures quarante, qu’ils étaient au plus haut, on avait tout revendu au prix qui aurait été en vigueur s’il personne ne possédait d’actions. Le bilan arriverait vers midi mais déjà on parlait d’une crise majeure, les caisses vides, on avait payé avec celles de la Banque. La Bourse serait endettée ainsi de près de trente-six millions, les entreprises n’avaient plus de fonds d’actions ce sur quoi, elles vivaient pour la plupart, et pis encor, on avait pas fini de compter les cent mille Tonnins.
Quand les employés avaient fini de nettoyer la Grande Salle, que les Tableaux étaient vides, seul Fidrémond avait un prix d’actions d’environ 124 Tonnins par action mais plus personne pour en acheter et qu’une seule pour en vendre. Alors quand les ouvriers apprirent vers onze heures que la fin du contrat était proche, qu’on était si proche de déposer le bilan et de mettre la clé sous la porte, celle-ci s’ouvrit et on vit entrer un homme, habits rouges, moustaches et cheveux gominés, visage sublime, nez cassé, valet à la main, un papier à la main. Le Courtier chancelant arriva, c’était le Courtier Fanant-Bolivar qui arrivait chancelant, la sueur au front.
«-Que voulez-vous donc ?
-Je veux les valeurs de mes actions soit si j’en lis votre tableau….hum...Oui...Un million, deux cents quarante mille Tonnins.
-Mais nous n’avons pas ça et l’entreprise a mis cette valeur en sa caisse chemilbliquaine !
-Alors ça sera tout naturellement que nous rembourserons le trou que fera cette vente par nos soins.»
Pâle Fanant-Bolivar alla sortir des billet de cents et de mil Tonnins, des cents et des mille, et les rapporta au Père Tondolli. Il en ôta les trois cents mille de la dette chemilbliquaine et rapporta cinquante cinq millions, deux cents vingt trois mille, cinquante deux Tonnins et trente sept Tonnas comme quoi l’erreur était possible. Il faillit tomber après avoir donné une valise de billet à l’homme. Les ouvriers de gauche le regardaient avec espoir, loin de cet affreux Foucard, mais la Mauquéante esseulée, debout, au milieu du désastre, sanglotant l’instant auparavant par la suspension de son mari du travail, retrouvait et sa langue et le don d’orateur à deux Tonnas de son mari.
«Voyez l’immonde, voyez l’effroyable, camarades, ce Tondolli, vit sous le même toit que Foucard, c’est un escroc !»
Ni une, ni deux Tondolli et Vallon prirent la fuite sans demander leur reste, quelques instants après, c’était toute la troupe des ouvriers, aux doigts sanglants aux jambes amoindries, atrophiées par leur travail abrutissant, stupide dont il était la cause, ils coururent bien moins vite que les deux autres mais déjà les briques volaient, touchaient des passants, des passantes, nombreux innocents. Les insurgés pourchassassent les hommes jusqu’à leur maison, des bons mètres de retard, trente au moins, cent au plus.
Au hangar, à la Bourse les Courtiers se désespéraient de voir qu’il n’y avait plus que cinq salariés, dont deux morts, ils les amenèrent en haut dans le dernier coffre-fort de la Bourse, ils l’ouvrirent et les salariés qui n’avaient pas couru virent près de cent millions de Tonnins en grosses coupures, le parachute doré des vingts Courtiers, des dix Contre-Maîtres et du Directeur.
«Laissons Cent Mille ici, vous, Ouvriers prenez-en trente mille chacun, vous Contre-Maîtres cinquante et un mille, nous Courtiers en prendrons le reste, soit vingt mille chacun, ça nous suffira, je le crois et je le crains.» Dit en premier le Courtier Fanant-Bolivar avant qu’une seule personne n’en veuille plus qu’un autre et ne veuille ouvrir un débat, son monde venait de s’effondrer, il ne voulait pas parler plus que ça, quand on perd son monde apocalyptiquement, ni la discussion, ni la philanthropie n’est votre fort. En réalité, rien n’est plus votre fort que l’abnégation, l’accord et la passivité quand vous venez de voir s’écrouler le monde en lequel vous croyez, lorsque vous venez de voir s’écrouler votre monde. Alors empathiques, attristés, lors de ce dernier rassemblement entre eux, familles miséricordieuse, hiérarchisée, parfois déchirée mais famille tout de même, ils acceptèrent et partirent sans demander leur reste.
Quelques mètres ou kilomètres plus loin, une révolte faisait rage, le nouveau roi du monde, millionnaire qui avait eu plusieurs centaines, sinon des milliers d’économes et de financiers qui avait gagné des cents et des mille sur le compte de l’ancien monde, était en train d’être assiégé par des employés, deux cents quatre-vingt douze exactement. C’était autant de salariés enragés qui arrivaient vers la rue Saint Don Cap Tondolli. Mais le jeune Tondolli s’écria à ses voisins : «Prenez gare, protégez-vous, voilà des enragés qui nous en veulent, Cent Tonnins à qui les arrêtera !».
Alors l’héroïsme au point mort dans cette petite ruelle, revint à la vie, Madame Trochue, vieille de soixante-dix huit ans joua du pavé comme dans l’ancien temps avec des lancés très exacts. La guerre avait démarré. Tondolli recruta deux ou trois centaines d’hommes les premiers se défendraient et les protégeraient au fusil à baïonnette et les autres tireraient au canon ou organiserait les défenses et les protections de la bourgade. C’était le quartier Saint-Don qui se battait contre les ouvriers, bientôt. On avait barricadé les allées principales des quatre points cardinaux. Les pièces d’artilleries lourdes, c’est cinq gros mortiers seraient posées et prêtes à faire feu à treize heures quatorze. On avait fait feu avec les canons simples de douze heures à cinq heures. Les artères du quartier était pris au prix du sang des salariés sans arme, on avait bouclé tous les passages vers six heures et demi, c’était la bataille de la rue Vodaime qui dura le plus longtemps. La rue Pugnassier à l’Ouest avait été reprise à quinze heures, après la rue Vodaime n’avait pu être libérée par les canons, trop incertaine. Aussi la bataille dura de onze heures et demi à six heures et demi. Le général autodidacte Maurice Pourcenflar avait pris le commandement de la bataille du côté de Tondolli, du côté ouvrier Mauquéant avait pris sous son bras trente ouvrier, Jenbert seize, Phillipiot dix-sept, Sardaime vingt et la Jolivante soixante.
Quand le soleil était au zénith, Pourcenflar était armé de son épée et gigotait sous les pavés qui volaient assez bas pour la saison, les quarante soldats sous le commandement de Pourcenflar suivaient ses gestes, tiraient au fusil sur les autres, numériquement supérieurs. On tira un gros ouvrier à droite de Mauquéant, une vieille compteuse chez Jenbert, et trois jeunots qui ne savaient pas se cacher chez Phillipiot. Déjà le Jolivante avait réussi à pénétrer des immeubles sur la droite et cassant les murs des anciennes bâtisses habitées, son armée de révoltés entrait chez les gens impunément. Leurs armées s’accroissaient, des blanchisseurs, des boulangers, des ramoneurs, des gens du bar, des jeunes étudiants même, des curés, des maraîchers était venus, quelques financiers aussi qui voulaient une part, des opportunistes des quartiers alentours, d’abord les plus proches Saint-Fidéras, Saint-Bolonquier et Saint-Gendéland mais également Sainte-Valendonique, et surtout du quartier très pauvre Casimova. Tous s’étaient ralliés tout azimut pour affronter Tondolli et en face par chauvinisme et par lucre, on aidait celui qui venait de chez nous, quoi qu’il ait pu faire. Pendant que le régiment Jolivante passait dans les maisons et jetait des pavés dès lors sur le côté des soldats, les obligeant à se replier, on sonna trente coups de clairons, là, les locataires des bâtiments sortirent des bâtiments, on laissa également ceux qu’on aurait pu faire otage mais qu’importe, on allait plus vite. Dix minutes après alors qu’ils avançaient inévitablement dans les appartements, les maisons anciennes, trois pièces d’artilleries lourdes tonnèrent et de Jolivante comme de leurs avancées, il ne resta rien. Dès lors cinquante hommes supplémentaires avaient été réquisitionnés pour défendre l’allée, sur l’effet de surprise, on embrocha une vingtaine de belligérants, dont Sardaime et le vieille Phillipiote, son fils s’était également jeté dans les troupes Tondolliennes et on l’avait pris pour otage. On avait également coincé Mauquéant dans une ruelle et à trois on l’avait enchaîné, tant il gigotait encor. Jenbert tomba après une heure quand il essaya de traverser un espace vide entre deux barricades, les hommes n’avaient plus de chefs, on les eût par la stratégie. Pourcenflar ordonna qu’on les encercle en tirant en dehors du quartier par delà l’entrée de la ruelle, prise cette place stratégique leur assurée la victoire.
Vers cinq heures ils l’avaient, alors on discuta, s’ils ne se rendaient pas immédiatement on assassinerait d’abord Phillipiot puis Mauquéant qui lui était condamné par Tondolli, s’étant déclaré Bourgmestre et ayant pris les pleins-pouvoirs vers quatre heures à l’hôtel de ville après un coup d’état contre le Bourgmestre Jovanier. Mais ils refusèrent, alors on exécuta Phillipiot, on garda Mauquéant pour plus tard, soit pour l’exemple soit contre une rançon. Finalement des pavés retombant, on avait chargé les insurgés, baïonnette en avant et on avait embroché les révoltés des deux côtés sans même avoir résistance, ainsi devait être les choses. On compta les morts, six cents au Sud et à l’Est selon Vandrias, nommé Général du Vandéen, la partie du quartier au Sud et à l’Est et huit cents au Nord et à l’Ouest pour Dondirant, Générale de la Ventalaine. Ce n’était qu’une maigre révolte, un mini-siège mais on savait que ça n’en resterait pas là.
À huit heures pour éviter que l’avis et l’Opinion Publique aille voir ailleurs, Tondolli mit fin à son règne temporaire et remit l’élu Jovanier en place. La foule était en liesse. Il était un sauveur pour eux, il venait même de puiser dans ses caisses pour payer les citoyens qui aideraient à débarrasser les cadavres de tout le quartier, c’était quasiment une mission citoyenne sauf qu’elle était rémunérée, ce que n’avait jamais fait Jovanier, Bourgmestre depuis 40 ans, et qui avait des caisses et des aides publiques. Tondolli voyait sa popularité éclater au sein de son quartier.
Le lendemain tous les journaux régionaux reprenaient l’affaire et l’arrangeait, à Saint-Fidéras, L’Attristé titrait «J’accuse : Don Tondolli», par delà Casimova, Le Nouvel Espoir avait comme une «Un nouveau sauveur arrive», chez Sainte-Valendonique, Le Valendonicien annonçait «Le Coup d’État qui fait sourire et qui fait peur». Mais quelque en soit le but des journaux, critique, dénonciation, calomniation ou simplement révélation, soutien ou dévouement la foule immense n’en vu qu’une seule chose : Ce Monsieur Tondolli était un grand et devait être suivi, on parlait déjà de sa fameuse générosité. De tout ce qu’il avait fait à ce qu’il imaginait faire, c’était sans aucun doute le plus bel homme qu’on ait fait et qui vînt sur Terre pour les gens. Alors vers dix heures, Tondolli qui avait racheté quasiment tout le quartier organisa sa refonte, on s’organisa en «familles», ainsi on organisait les gens mais ça plaisait, on avait de la place, aucun loyer et on suivait le bel homme qu’était Tondolli.
Vers dix-heures et demi, les gens emménageaient selon le Consensus Tondolli, sorte de conseil qui gérait tout ce qui touchait le Tonton Foucard, et Tondolli partit faire le rachat intégral des entreprises en Bourse, il alla à la Bourse de Corronius, une ville proche de la capitale, encor debout bien qu’ayant due aider grassement à rembourser les trous de la Bourse de Sarroma ayant fermé, chaque organe boursier étant indépendant et ayant des caisses indépendantes. Là les entreprises qu’on trouvait à Sarroma étaient en bas du tableau, les nationales survolaient et que dire des guildes internationales ? Avec sa somme, il avait la possibilité sans frais, ayant la veille remboursé la Banque de Sarroma, de faire la même chose qu’à Sarroma sans qu’on ne se doutât de rien, la chute étant passé inaperçu et la ville n’ayant qu’à peine entendu parler de Tondolli, l’habille et extravagant jeune homme sous le masque en caoutchouc demanda un changement d’espèces, il voulait un million de Tonnins en pièce d’un Tonna et que ses pièces soient récupérées par ses amis plus tard, la Bourse de Corronius ayant près d’un millier d’employés alors on lui promît que cela serait fait avant la fermeture de la Bourse à dix heures du soir, foi de vénal, intérêt et principal. Alors revenant il annonça qu’on verrait les choses en grand, dans la ville de Sarroma était une colline paisible du nom de Paulinéa, jamais construction humaine n’y fût faîte, il annonçait qu’on y construirais une ville gigantesque et idéale, en forme de cirque Bomains, comme il s’en faisait dans l’Antiquité, une Cité Merveilleuse, Radieuse, une Tour. Mais qu’avant que cela ne se fût il lui fallait un manoir pour avoir la place de tout engendrer, dix mille personnes s’en occupèrent, maçons, maçonnes, architectes intéressées et éduquées comme simples bénévoles sans formation aucune. On lui promettait de le faire en quelques mois. Il en exigea deux de moins, ce fût promis aussi. Alors on organisa l’opération «Bourse de Corronius», son fidèle Vallon et Vandrias et Dondirant et leurs deux cents hommes iraient à Corronius et feraient selon et sous les ordres de Vallon ce que firent Vallon et Tondolli, il n’y a pas une semaine. Ensuite on prépara les escadrilles Vandrias, Vallon et Dondirant qui irait s’attaquer chacune aux Bourses des provinces du Gouvernorat de Bondarnrille, la région si l’on veut, seconde en terme d’importance, si elles choyaient, c’était toutes les autres qui choieraient avec elle, la capitale Boscaniae serait inévitablement affaiblie et dès lors, elle sera facile à prendre et le pays à gouverner. Tout cela entraînerait inévitablement l’enrichissement de Tondolli et quand on est riche, on n’a plus besoin de rien que d’hommes. Et ça les hommes il les avait, et après….il ferait sa révolution, c’était le dessein de tout ce ménagement, il ne fallait pas l’oublier.
Tout se passa sans plus de soucis de son côté, Corronius tomba le jour d’après comme prévu, puis ce fut comme prévu également les plus grandes du Gouvernorat de Bondarnrille qui emportèrent les plus petites avec elles, Ferroy, Stamboï, Michalinois, San Vos, Mirradois, Vendréand, Maginegeois,...toutes ces communes et bien plus encor avaient perdues leurs Bourses endettées d’avoir remboursé les Bourses endettées de Corronius, Sarroma, Vandervill-Mont et Saint-Prestbourge. Mais la Bourse de Boscaniae ayant dû rembourser des Tonnins aux entreprises de tout le pays car les Bourses du Gouvernorat de Bondarnrille s’endettaient gravement et il ne fallut pas trois mois pour savoir qui en était le responsable légal, c’était ce Don dont on ne faisait que parler dans toutes les presses locales et petit à petit, régionales sinon nationales. Alors ne pouvant laisser les Bourses tombaient les unes après les autres, la Direction prit une solution radicale pour sauver les Nouvelles Bourses de Bondarnrille qui avaient reçu de nombreux financements et qui assuraient à la Banque et à la Bourse d’avoir une représentation même dans ces coins-là, et les autres. Il était désormais interdit de vendre ou d’acheter des actions, de faire des prêts ou de les rembourser avec des pièces de monnaies. Seuls les billets étaient désormais acceptés.
Mais le sixième jour de Varandine, les gens n’avaient pas attendu la Direction pour prendre des mesures contre ce Monsieur sous lequel il fallait se plier pour survivre, dont on ne pouvait plus être indépendant, les soixante pourcents d’électorat de Jovanier et les insurgés de la Capitale se sont rendus à Sarroma pour mettre fin au règne tyrannique mais bref, sans doute, d’Aristide Foucard, dit Don Tondolli.
Quand à huit heures, le soldat Ravarin en compagnie de son sous-soldat Vrazbourg, observa sur son poste d’observation des armées ennemies aux drapeaux rouges, armes et aux intentions assurément mauvaises, approchant il sonna l’alerte, et les dix mille mercenaires, seize mille soldats et quinze mille recrues occasionnelles ont prises les armes afin de repousser l’armée ennemie, déjà on tira sur les grandes places pour diviser l’armée, à huit heures dix et à huit heures quinze. Ses deux coups divisèrent les armées dans la ville, alors on les repoussa à coup de canons, de fusils, des divisions s’en allaient les effrayer et les repousser, les habitants même de Sarroma en étaient rejetés par Don Tondolli, on les avaient ignorés, spoliés, sortis par la force. C’est à neuf heures quand les révoltés fondèrent l’État-Major de la Défense de Sarroma que les choses se gâtèrent, rassemblés, unis, les soldats s’organisèrent. Le commandant Bouchard-Angoulain s’en allait en direction du Nord de Sarroma, reprendre le quartier de Saint-Fidèras, l’ancien chef des armées d’Allamprussie rejeté de son pays depuis le Coup d’État du cousin Vagon-Saptorial, Bourgain-Vaillant irait au Sud reprendre Casimova, ce quartier délabré. Meyssard prendrait l’Est par Richefront et Foluquiez espérait ne pas perdre l’Ouest, et même le prendre par le quartier riche de Sainte-Valendonique.
De l’autre côté, Tondolli s’apprêtait à prendre les pleins-pouvoirs municipaux pour contrer l’armée nationale non-officielle mais on lui demanda de demander de le faire voter par le peuple résidant à Sarroma, soit seuls ses «amis», il les obtînt à 100% d’approbation. Alors il mit ses plus illustres généraux sur le coup, Pourcenflar, Dondirant, Vandrias et Valallal. Chacun dût s’occuper d’un pan de la ville, d’abord attaquer et défendre ensuite, l’occasion de les bombarder n’aurait pas beaucoup de représentation et ne sera pas renouvelée sans doute, ils exhortèrent alors les canonniers de tirer juste, de tirer dans les masses de révoltés, d’hommes, de soldats et non pas de se focaliser sur l’État-Major de la Défense de Sarroma. Neuf heures et demi sonnées, les canons tirèrent, une explosion, un rafale d’obus, cent morts entend t-on. L’armée Bourgain-Vaillant arrivait se confrontait à celle de Dondirant. On était armé de chaque côté, la guerre pour prendre Casimova était féroce. Puis pour la reprendre mais les insurgés embrasaient ce qu’ils perdaient pour qu’ils n’eussent que du charbon. Les généraux avaient pris d’assaut la maison du Bourgmestre, là deux soldats se battaient, n’avaient plus de balles, ni de baïonnette, ils se mordaient, ils se sautaient dessus puis se crispant dans une fatale embrassade mortelle et emplie de désamour, ils roulèrent unis à jamais, l’un mort dans les bras de l’autre et l’autre, mort dans les bras de l’un. Derrière une porte en bois de la maison, un petit soldat de Sarroma, s’était caché, attendant que les armées ennemies arrivèrent, ses coreligionnaires les avaient déjà dehors repoussé et il attendait futilement, il en mourra de faim et de dévotion. Dehors les troupes de Tondolli, de Sarroma, repoussaient sans vraiment de stratégie efficace les insurgés, en infériorité numérique et technologiques, les obus pleuvaient depuis une heure, depuis que le Maire Tondolli avait décrété la propriété publique de tout ce que la ville possédait. Alors on avait pris tous les obus de Frédéric, les canons de Marise et on avait armé, et on avait chargé et on avait repoussé l’ennemi.
Vers onze heures Meyssard attaquait Richefront et dix minutes après, quand les troupes étaient à l’Est on apprenait une attaque à l’Ouest par Foluquiez près du quartier de Sainte-Valendonique. Les soldats ne furent pas pour cela pris au dépourvu, ainsi, les artilleries lourdes frappèrent les armées de l’Ouest tandis que les troupes se réorganisaient et que Pourcenflar et Vandrias prirent le commandement des armées qui écrasèrent celles de Foluquiez. Mais bientôt un siège se forma autour d’eux, on attaquait d’un peu partout, on avait entendu dire que trois soldats étaient dans Sarroma même et qu’on tentait infructueusement de les arrêter, vers quatorze heures, une pièce d’artillerie avait été sabotée et explosa faisant vingt morts dont deux chevaux chez Tondolli. Alors le Maire plébiscité prit des mesures strictes, quiconque serait soupçonné de rébellion ou de trahison serait fusillé sur pour l’exemple aussitôt que la Justice l’arrêtât. La guerre s’annonçait vigoureuse et son incertitude grandissait au fur et à mesure que le jour se passait, les troupes grandissantes de l’ennemi tenant le siège durcissait la tâche des armées à la botte de Tondolli. La Mauquéante, riche depuis peu était rentrée à Sarroma comme repentie avant que le décret de Tondolli ne soit promulgué. Ses vieilles mains sur lesquelles elle avait pleurait la mort de son mari, martyr dans une folie sans fin, ses mains de la quarantaine, qui triassent les pièces aiguisée de Tonton Foucard qui s’écorchassent dessus, qui s’ensanglantassent et se ruinassent à cause de petites pièces, mais combien ! Son dos, ses os ruinés par le poids des sacs pleins de pièces, emplis jusqu’à ras bord, sinon plus. Sa pauvre misère l’avait ruiné aussi bien sur les pans moraux que physiques et aujourd’hui elle était une inactive dans la commune de Tondolli, un paris sur l’avenir, cette ville.
La nuit tombait, on avait cessé le feu depuis deux heures, officieusement et on vérifiait l’état de la barricade de Sarroma, les États-Majors des deux camps, s’occupèrent des tours de garde, les soldats n’avaient qu’un coin à surveiller, la rue de Valencie, dans le quartier de Richefront, seule conquête des insurgés qui déjà dans leur siège, trop hâtif, trop mauvais, n’avaient guère de quoi mourir leur cent mille soldats. L’on ne savait comment faire, on peinait à trouver ne serait-ce qu’une carotte afin de se la mettre sous la dent, la nuit tombait noire et seuls quelques coups de feu se faisaient entendre dans la rue de Valencie, entre Dondirant alliée de Valallal et Meyssard à l’est.
Le jour se levait paisiblement sur le décor guerrier de cette scène, le soleil éclairait petit à petit de ses rayons tamisés par les nuages aux nues, aux cieux, cette scène atroce, humain qui tire sur humain. Sans nul alcade, dès que l’on vît la face crasseuse de l’adversaire, le feu reprit à Richefront. C’était un perpétuel feu, des coups de fusils, des coups de baïonnettes jusqu’à ce qu’on n’en pouvait plus. Mais sur le coeur de Sarroma, un voile de sombreur pesait encor dans les villes et en profitant pour se faufiler dans les moindres recoins de la cité, Ravarin alla voir, celle qu’il avait vu entrer d’une tristesse immense dans le petit hôtel aux murs jaunis de l’Oncle Jasdan. Il était entré prestement par la fenêtre la plus haute, celle qui s’était éteinte en dernière hier, et dont sortait un bruit de pleurs, il avait rencontré la Mauquéante, tout de suite charmée par son visage d’ange, d’enfant soldat qu’on ne devait jamais voir mourir, à la loyauté frivole et au soutient naïf. Alors malgré ses dix ans de plus, elle l’avait accueilli dans sa couche et avait sur l’âme de son défunt qui l’avait fait veuve, son feu Mauquéant, et en son âme et conscience fait le bonheur du jeune soldat, et le sien. Vers midi se réveillant enfin, ils se parlèrent à coeur ouvert, elle revoyait dans son corps frêle d’enfant celui de son fils, mort à six ans d’un mal qui touche un enfant sur mil, ses yeux pleins de vies ne pouvaient guère durer plus, non pas qu’elle avait une envie irrésistible de les crever, loin de là, mais il s’agissait de cette beauté qu’elle avait appris à considérer éphémère, c’était contre ses principes, contre ce qu’elle voulait, contre ses destins désirés, mais c’était ses craintes, inspirées du passé, elle mettait au futur ses plus grands malheurs passés. La mort de son feu mari devenait celle de son vivant amant d’un jour, il avait l’innocence d’un ange dans le visage. Elle aimerait le sauver, mais elle ne savait guère que faire. Lui voyait dans cette brave dame, la tendre qu’il aimât belle fille vigoureuse de trente ans quand il en avait seize, qui refusait qu’on l’appelle madame, qui aimait à bondir de petits bonds gracieux de tarentelle, dans les prés et champs de verdure, devenus champs de bataille. Il ne lui inspirait que cet être fragile qui ne survécût pas à la fièvre qui touchât le pays. Et ne recouvrit jamais la santé, mais malgré ses morts inopportunes, les deux savaient que quelque part, on les attendait, leurs âmes sœurs, impatiente dans l’éternité, connue et reconnue comme chose d’utilité publique et notoirement célèbre pour être assez longue.
Vers une heure, il en sortit en courant, tel un vagabond, surprit uniquement par quelques ouvriers pleins de boues qui remplissaient leur part du marché pour vivre sous la protection de Don Tondollin l’illustre personne s’il en est.
Les combats faisaient rage de plus en plus, on avait repoussé l’envahisseur revenu dans la ville de Sarroma, dans les plaines, tout un ordre s’éteignait avec ses insurgés, tout un temps s’effaçait avec autant de vies stupides et insipides, futiles et qui ne servirent à rien. C’était le temps de l’héroïsme débile, de ce qu’on croyait jusqu’alors comme seule force de combat, capable de déjouer tous les plans même les plus habiles. Tandis qu’un soldat mourrait d’un trou au coeur, un autre auprès d’une rivière reçoit deux trous au dans les côtes en face du coeur, sous le soleil, venant de la montagne, l’herbe s’y accroche, se joint à cette plante morte qui ne peut s’apercevoir de toute la beauté qui l’entoure, les aromates, les splendides fleurs attrayantes, les fragrances subtiles, rien ne fait bouger sa narine frileuse, tout son corps frileux n’en attrape rien, avec ce sourire d’inintelligent mort qui fait unique vie sur son visage blême, poing gauche sur le coeur, futile homme dont on écrirait dessus pas même un sonnet. Les bruits grinçants de lames de métal frottant contre les os, les bruits de chair volant en éclat, les éclaboussures sanglantes, les restes livides et peu ragoûtant des soldats étaient ce qui faisait cet étrange paysage, les coups de canons de Sarroma qui jouaient le tempo, les coups de fusils, une mélodie dramatique et puissante, les cris, les plaintes, et les gémissements hurlant, un chœur chantant, les coups de baïonnettes, les bruits métalliques cassant, autant de cymbales des triangles complétant cet étrange et monstrueux orchestre tout de souffrance composé. Les généraux sur leurs chevaux, inatteignables pour les armes donnaient toujours plus d’ordres, on attaquait de revers, de face, sur les côtés, par devant, par derrière, à l’épée, à la baïonnette, au fusil, au canon ou bien à la terre s’il le fallait et avec ses poings à la grande rigueur. Ainsi était la guerre. Deux gueux venaient de tomber du côté des insurgés, six soldats, vingt ouvriers, treize militaires. On ne les comptait même plus tant il y en avait qui choyaient, qui périssaient, qui mourraient et qu’on ne reverrait jamais au grand jamais, pas même au Paradis ou au Diable Vauvaire. Leurs corps allaient pourrir dans d’atroces souffrances, sans doute. Les armées de réserve avaient finit leur plan, elles se préparaient et chargeaient l’assaut final, elles avançai…
Tant de violence par là-bas, mais bientôt le cheminement de l’histoire en toute logique allait nous démontrer que la bise sur la joue d’une femme, qu’un baiser sur celle d’un homme, qu’un amour plutôt qu’une haine allait mener à la mort également. Comme autant de chauvinisme, de refus de discussion et de totalitarisme. La Mauquéante s’en alla porter sa voix auprès de Tondolli pour qu’on intégrât Ravarin à un poste sur la terre des hommes, loin de celle des militaires, trop jeune, trop beau, trop charmant, trop important pour le renouveau de la ville de Sarroma, elle trouverait forcément quelque chose. Quand elle arriva dans la salle dorée de la Mairie de Sarroma, on l’attendait, c’était le Don qui l’attendait en personne. Il la fît entrer, elle le vit avec une trentaine de garde qui s’occupait d’on-ne-sait-quoi tant leur entassement confus et grossier était épais devant leur besogne. Il ouvrit le dialogue, il lui dit qu’on lui avait certifié qu’elle viendrait. Qu’en effet, on est jamais seul à trahir et qu’on revient toujours sur le bon chemin surtout pour elle qui était repentie, il fit un long discours sur son triomphe et ainsi sa vie qu’elle préserverait à l’encontre de ceux qui complotaient, qui trahissaient leur patrie. Elle, confuse ne sachant guère de quoi il voulait parler le lui fit savoir. Alors les gardes s’ordonnèrent en un claquement de doigts, et attachés sur trois pieux, elle vit trois suspects, deux jeunes soldats aux cernes violettes et Ravarin. Elle s’indigna, comme pouvait-il penser qu’un tel ange était coupable de quelque chose ? N’avait-il point toute l’innocence du monde dans ses yeux et assez dans son coeur pour pardonner tout de tout ce que fût et ce que sera la Grande Histoire de l’Humanité ? Enfin il répondit qu’on l’accusât d’avoir pactisé avec l’ennemi, qu’il rentrât informer une de ses allié, elle-même mais que pour des raisons pécuniaires et de rédemption, on la laissait sans peine, on l’acquittait de souffrir la fusillade. Elle le traita de vilain, d’affreux mais sa peine fut plus forte que la colère, alors elle ne put jurer plus de trois fois. Elle pleura beaucoup alors et deux jours après elle pleura bien plus encor lors de la fusillade durant laquelle on ne distingua guère le tué, elle ne le revit pas sous le sac qu’on lui avait affublé sur la tête, interdit d’avoir un visage, d’être beau, charmant, angélique, innocent, trois jours après elle avait disparu, sa maison brûlée et l’on n’entendit plus jamais parler de sa personne.
La guerre faisait encor rage dans les plaines de l’Ouest en ce septième jour de Varandine, on voyait les troupes de Tondolli qui couraient sur les insurgés qui fuyaient, faisaient et battaient une retraite tout à fait particulière, consistant à courir dans tous les sens en criant. Sur tous les terrains on voyait des scènes à peu près identiques, partout les rougeoyants fuyaient face aux soldats et aux canonniers, on se demandait combien de temps encor, ils pourraient tenir. Pourtant le soir, dix-sept cannons de l’armée de Tondolli explosèrent tuant de nombreux canonniers. Une pièce d’artillerie lourde fut aussi endommagée et incapable de fonctionner jusqu’à réparation quasi-complète, quasi-intégrale. Les nouvelles arrivaient à Tondolli, qui ne fléchissait guère, inévitablement ses soldats auraient la peau des ennemis. Pourquoi perdraient-ils ? N'avaient-ils pas la supériorité stratégique ainsi que technologique ? Les soldats guerroyaient avec fureur, là-bas, au loin, sur les plaines de l’Ouest, de l’Est, du Sud et du Nord, on assassinait à tour de bras les opposants, ou tout du moins, les supposés et on félicitait ceux qui avaient confié cette information capitale, le lendemain, ils étaient généralement exécutés sur supposition d’un autre…
Au front Est à côté de la ville Richefront, le colonel insurgé Vorchas amenait sa division se battre en face de l’ennemi, cachés derrière un rocher, ils tiraient, Valenkiev était un habile homme, tirait sur des soldats et se cachait avec célérité et discrétion et élégance de surcroît. Il était quatorze heures et on tirait encor, on voyait les obus éclater près de là, il fallait dire que depuis deux heures, tous les canons de Sarroma étaient tournés vers les plaines de l’Est. Vorchas fit marcher Bonnifon et Challanbol pour aller chercher la première division qu’ils trouveraient pour qu’on les remplaçât, ils attendirent deux heures. Vorchas s’impatientait et la troupe avec. Ponssar, fils d’économe ruiné, jouait aux dés avec Fougnassier, philosophe sans doute, érudit assurément et fils de couturier. Les deux étaient inséparables et les deux n’avaient guère de munitions depuis cinq minutes. Il était dix-sept heures et Vorchas hésitait grandement à les envoyer chercher une division ne voyant pas revenir Bonnifon et Challanbol. Dix-neuf heures, les dernières balles avaient été utilisées par Valenkiev. On avait rassemblé les troupes, on ne savait que faire, Vorchas avait décidé qu’on se replierait dès que l’on le pourrait. Les balles fusaient de part et d’autres du plateau de Geandeau, les roches promettaient de les protéger longtemps, aussi longtemps que les troupes de Sarroma n’aurait pas franchi les cent vingt pieds et ne seraient pas du même côté qu’eux. Vorchas parla avec Valenkiev, devant le soleil qui commençait à piquer du nez, il fallait se replier, et monter un camp provisoire dans la montagne à vingt minutes d’ici, les obus se rapprochaient, affinaient leurs tirs, n’étaient plus à mèche mais à sensibilité, touchaient la terre et tuaient, les balles fusaient toujours plus nombreuses du côté de Sarroma comme de l’État-Major de la Défense de Sarroma, toujours plus de morts et aucune nouvelle de Bonnifon et Challanbol. Après encore dix minutes, Vorchas décida d’organiser sa troupe et de tenter l’impossible, maintenant que tout était perdu. Les troupes de Sarroma approchaient à une vitesse folle. Les troupes approchent vite en effet. Vorchas envoie Baudel en premier, il court, il court il s’emmêle, reçoit une balle, deux balles, et s’effondre. On demande à Frédicj de retenter l’expérience : même chose. Alors Vorchas s’écrit :
«-Camarades, il nous faut mieux morts qu’emprisonnés, faibles chez Sarroma, courez dans les bois et si l’Humanité le veut, nous nous reverrons !»
Le vieux colonel d’escouade, s’élança suivi de tous ses disciples, soldats, camarades, Valenkiev reçoit une balle dans l’épaule court, s’en reçoit une dans le mollet et s’effondre à bout de force, Cheminel s’en va l’en défendre, le tire sans se recevoir de balle et le cache derrière un monticule de terre. Ponssar s’arrête au milieu attendant Fougnassier, un obus éclate, et il en perd le nez et un éclat lui tranche l’épaule droite saignant abondamment et ses habits épongeaient la sanguine liqueur et un autre éclat lui avait broyé la jambe et d’abord boitant puis infirme mais sauf, sauvé par la mollesse du philosophe. Blessé à la jambe, ses muscles et sa chair détruites, il tombe, son ami l’aide, il le relève et les deux marchent péniblement. Vorchas rassemble quelques soldats au milieu du champ de bataille, montre aux alliés où aller. Les balles l’effleurent sans le toucher, les obus éclatent tout autour. Srantel s’en sort sans blessure, chanceux, huit autres éclatent avec un obus, Maleot, lui reçoit un éclat dans le ventre, et vomit le sang, trois soldats, le soulèvent, le tire afin qu’il survive, même infirme. L’un d’eux reçoit une balle dans la tête. Un autre dans les poumons. Les deux derniers s’en tirent. Il remercie son sauveur lugubre dans le nuit tombante. Miséreux et égaux, ils s’embrassent sous les feux de la mort. Vorchas fait les comptes, à côté du feu de camp établit un peu à l’arrache, quatre-vingts-deux hommes ont périt dont six gravement, soixante-six sont blessés dont vingt gravement, trente sont capables de soigner, douze en état convenable, six en capacité de se battre. L’armée était en piteux état. Vorchas se posa à côté de Maleot, il regarda son état, fiévreux, sa tête sombre, ses côtes prêtes à lâcher selon ses douleurs, du sang à ne plus savoir qu’en faire. Il détourne le regard. Ne voit plus le champ de bataille. La forêt profonde obombre la totalité de leur minable camp de division armée. Les feuilles bruissent et choient dessus les blessés, s’inquiétant de leur état, dont l’on n’osait le déclaré pitoyable. Ils étaient bons pour remplir les fosses communes. Les vieux arbres millénaires balancent au gré des vents, des autans, assez pour qu’on craignent leur chute, mais au final, cela ne ferait que faire venir la débâcle finale plus tôt, était-ce si mal ? Srantel s’était mit à côté de Maleot et discutait maintenant avec lui. Il fallait que tout cela cesse ! On trouverait bientôt le moyen de les écraser, il suffirait qu’on se fonde dans la foule des soldats de Sarroma et qu’on fasse exploser leur système depuis l’intérieur. Ils voyaient déjà comment ils s’organiseraient afin d’être sûr et certains qu’on écrasât bel et bien l’ennemi. Envoyer des espions, faire exploser les canons, étrangler le souverain et établir une République Nouvelle à la place. Le philosophe Fougnassier, se joignit au groupe, Ponssar venait de tomber dans les pommes, d’avoir vu autant de sang sortir de lui-même. Aussi ils l’invitèrent, ils parlent désormais. Fougnassier ajoute qu’il a déjà fait une chose semblable ou presque dans un petit pays de l’Empire Vlazgrad, qui uni plusieurs pays sous un même empire. Il leur dit alors qu’il fallait se faire bien voir, tuer le souverain ou le faire faire après avoir endoctriné un homme par ses idées et enfin il fallait s’enfuir et déclencher une guerre pour que le pays s’en voit submergé et disparaisse. Srantel ne voulait pas que disparaisse Sarroma comme cité indépendante, ou presque. Il voulait la conquérir, pour le plaisanter, Fougnassier le traita de vicieux, de vilain homme qui envie tout sur son voisin. Maleot s’était tut obsédé de savoir si sa panse s’infectait ou non. Puis le ton redevint plus croquignolet, on plaisantait, on rigolait. Seul dans l’ombre du feu, aux antipodes de la braise, hors de portée des flammes et de leurs rayons, le colonel Vorchas était dos à sa bande et réfléchissait et tentait d’anticiper ces destins qu’il n’avait jamais au grand jamais su dompter, colonel au drapeau rouge, il ne fallait pas que l’emblème ne tombe dans les mains de l’armée de Sarroma. Il fallait aussi dompter les troupes et sauver sa division mal en point, si ce n’est plus. Vers minuit, sur les petits camps des insurgés qui poussaient de çà, de là sur les pentes des collines entourant la petite ville de Sarroma, douze cents mille habitants et cent mille morts au moins. On s’endormait dans des tentes hantées de ces obus, tout droit tirés des canons de Sarroma, on s’endormait la boule au ventre, quand on était soldat dans ces camps militaires des insurgés, simples et non protégés, sans vigiles, sans sécurité, sans arme, sans balle, on s’endormait la boule au ventre, quand on était soldats dans ces camps de la mort. Les feux de camps s’éteignaient.
Huitième jour de Varandine, le matin, Tondolli a décidé que le cercle de fer qu’essayaient de mettre en place autour de Sarroma, les insurgés allait se détruire, ça allait dans l’ordre des choses, alors on demanda à chaque habitant de se fier au Maire Tondolli, de perdre sa raison de le suivre aveuglément dans cette destruction de l’opposition, à huit heures, deux cent mille nouveaux soldats avaient été recrutés, la propagande était d’une efficacité exemplaire en ce pays. Alors que pourraient bien faire les insurgés qui perdaient de plus en plus d’hommes et dont les recrutements faiblissaient, faisant ainsi que les effectifs s’amoindrissaient ? Nul ne le savait et c’était bien cela qui motivait les troupes de Sarroma à devenir ennemi des rouges. L’assaut final, celui de la débâcle aurait lieu à midi pile. Quoiqu’il aurait pu être retardé, peut-être par les trente explosions de la matinée qui débouchèrent sur cent vingt arrestations, dont quatre-vingts dix exécutions, ou alors par l’information donnée que l’État-Major de la Défense de Sarroma s’était dissolu et que les troupes étaient sans chef suprême, ou bien encor que tous allaient quitter les lieux. Mais non, Tondolli avait choisi de continuer l’assaut, Foucard était mort, les autres mourraient, cela semblait une évidence. Alors il ordonna le massacre de chaque homme qui n’a pas une effigie de Tondolli chez lui, parmi les insurgés en dehors de la cité. Dix heures sonnaient et par ce beau temps si on appelait cela comme cela, Vorchas avait décidé que seuls les volontaires combattraient une ultime fois contre les troupes de Sarroma, lui se battrait après avoir cédé le drapeau à un de ses soldats, qu’il cache le drapeau rouge. Maleot était rescapé et comptait bien le rester, à l’encontre de Ponssar mort d’une hémorragie externe, il avait perdu trop de sang, et avait fini exsangue à cause de l’obus qui lui avait emporté le nez, détruit la jambe et broyé la chair de l’épaule droite, Fougnassier était dans une tristesse immense de voir son compagnon de toujours, le brave Ponssar, mourir ainsi, pour une histoire de saignement de nez, mais avait choisi de quitter la brigade des insurgés pour convertir par la paix et les écrits les hommes à la doctrine «Commune» pour que lors de la prochaine bataille, ça soit la Sarromane qui échoue. Srantel quant à lui, avait décidé de se battre jusqu’au bout, qu’il vivrait ou mourrait pour son idée, une fanatique dans toute la beauté du terme, ayant conçu avec tant d’autres gens la définition de cette doctrine, il voulait la voir triompher ou succomber. Quelle qu’en soit l’issue de cette bataille, Srantel serait heureux d’avoir suivit le projet de l’idéologie qu’il estimait la meilleure, Ponssar reposerait honorifiquement comme combattant valeureux pour ses amis tout du moins, et ça devait lui suffire, sans doute, Fougnassier partirait éduquer la population à propos de son idéologie miracle, de celle qui guérit tous les maux, la pauvreté, la richesse, l’égoïsme, la paresse, le cancer et le rhume et la colique si prise en gélule, Maleot finirait sa vie on-ne-sais-où paisiblement, loin de la guerre et des batailles, assuré d’être amnistié de son armée dans chaque contrée où il y ira et où bon lui semblera, et enfin Vorchas mourra du haut de ses soixante ans sans drapeau, sauvant l’honneur de toute une vie de militaire, de vieux philosophe et de gentil grand-père et Valenkiev se battrait encor, blessé et Bonnifon et Challanbol reposeraient au fond de la terre, en morceaux, on avait eu vent de leur aventure, rentrés trop tard, touchés par les feux ennemis, éparpillés au vent des quatres vents, des mistrales et des autans, explosés par quelque obus qui touchât les deux compères mais aussi la division qu’ils trouvassent. Vers onze heures, les uns étaient partis en direction de la capitale, les autres avaient rassemblés toutes les armes, on s’approchait du champ de bataille, là-bas des soldats de Sarroma préparaient les armes, aussi les autres divisions restantes s’assemblaient pour former un fort front. On entendait dire que l’État-Major s’était en réalité rendu à l’ennemi et qu’en cette circonstance, on l’avait destitué et on avait formé le Consensus Commun où chacun avait son rôle à jouer. Quand midi sonnât, aucun répit, les canons tonnèrent, les balles fusèrent comme la veille, les morts tombèrent comme cela arriva encor «hier», Crochaf, colonel, arriva à peu près au niveau des fusiliers ennemis quand les balles le transpercèrent et qu’il chût dans un incroyable trou noir où l’on n’est plus vivant autrement. Srantel vif et énervé partait d’un pas furieux vers les lignes ennemies. Il tirait sans se faire toucher, sa rageuse audace aurait bouté toutes troupes mais pas elles. Avec fureur il tuait, il tuait d’abord un soldat à gauche, trois à droite et vingt au centre. Il arriva sur les troupes, au milieu entre elles et son point de départ, un soldat du nom de Vrazbourg, voyant un homme se déchaînait avec tant de fureur, de sang en dessein et de rage de vaincre, lui tira dessus, une fois, il invita son collègue Borgnio à faire de même, encor, encor et encor. Ils le touchèrent, la cible se mouvait, choyait, se relevait, criait, priait, implorait, agonisait, s’agitait dans un frêle et frivole désir de survivre et de massacrer ceux qui devaient vaincre. Puis il tomba dans de colériques spasmes, encore agité de divers mouvements indistincts et obscurs mais dont le sens était tout à fait explicite, il voulait à tout prix tuer ces deux soldats qui l’avaient repéré et descendu plus bas que terre, trois pieds sous les pissenlits. Vorchas, héroïque tuait, tranchait, décapitait avec son sabre face à ceux qui dans les montagnes attaquaient, contrairement à Srantel, attaquant les plaines, lui défendait la montagne. Quand plus aucun légionnaire n’osa s’approcha plus de la montagne, il fut treize heures, l’heure de la débâcle, les canons se tourneraient bientôt sur les montagnes, les maquis des insurgés et ils seraient bombardés avec les blessés pas encor partis, disparus vers d’autres lieux. Optant pour le sacrifice, Vorchas et quelques dizaines de soldats, suivis d’un millier tout autour de la ville contre cinq cents mille au moins dedans la ville formèrent un cercle autour de Sarroma. Ils étaient quasiment sûrs de mourir, quoiqu’une victoire était peut-être à attendre. L’assaut commença, les combattants évitaient les balles, on courait des deux camps, on tirait parfois sur son ami, les Sarromans tiraient sur leurs frères, les obus volaient et éclataient sans toucher personne ou alors les Sarromans, on venait de faire une grave erreur, quand entendant la débâcle, les soldats de Sarroma s’étaient réjouis trop fortement et avaient cru à un massacre sans règle. On en connaissait le prix de cette information, ce fond de vérité, on tirait partout et on espérait avoir un semblant de gloire en tuant un ennemi. Vorchas était de ceux qui résistaient, il avait reçu un fusil avec une baïonnette qu’un gosse dans la nuit avait ramassé sur un soldat sarroman et qu’il apportait aux soldats de la Commune afin qu’ils gagnassent, des centaines de gamins de rue étaient apparus ainsi que des anges sur cette plaine tout autour de la ville, on les entendait dire que les troupes arrivaient, les troupes de l’État-Major Boscan. Angevin, un jeune garçon s’était accordé à aider le vieil homme valeureux et sympathique qu’était Vorchas, l’humain colonel qui jurait avec amusement, il apprit que le jeune homme était orphelin, né Angevin Ravarin, d’un père dont il ne savait rien et une mère morte d’un coup de fusil lors d’une répression aux grèves des couturières d’Assedan. Le vieil homme lui donna cent tonnins car il n’avait que ça et lui promit de revenir en un seul morceau, l’enfant resta caché derrière les pierres, le colonel parti à son immonde labeur, et courant le sabre en l’air, le fusil tenu droit, il s’arrêta comme tous les autres soldats en un instant. En un instant le temps semblait s’être arrêté, oui, en un instant le temps s’était arrêter, des bruits de roues lourdes se faisaient entendre, des sons puissants venant des montagnes par de-là Sarroma. Puis ce fut un coup de feu énorme, et un obus de cent kilogrammes vint s’écraser dans les troupes sarromanes et exploser en emportant dans sa tornade de feu, de bruits, de vacarme et de poudre associée au métal, corps et âmes. «-Les Boscans, on vous l’avait bien dit !» s’écrièrent tous en coeur les enfants des rues aux côtés des insurgés, en effet des montagnes descendirent alors trois cent mille soldats qui vinrent grossir les rangs des rescapés en les protégeant, les canons Boscans tiraient sur Sarroma et le Dictateur avait peur pour sa réussite. Il décida d’envoyer la grosse artillerie, la Grosse Gertyrde, canon expérimental de plusieurs tonnes qui devait être capable d’exploser un canon tout entier. Cela ne s’était jamais vu. Les troupes alliés s’étaient mise au commandement des insurgés et déjà les plus petits soldats insurgés devenaient à la charge de mille soldats. Vorchas fonçait soutenu vers les armées de Sarroma, fuyante, mais toujours tirant, touchant à chaque coup des soldats Boscans, trop étendus, trop nombreux. Les canons tirèrent, trois cents Sarromans explosèrent. Les boscans arrivaient à toute vitesse, se multipliaient véritablement alors saisissant son Conseil, Tondolli commença à leur demander de régir bien mais surtout de suivre les ordres, car il fallait la jouer fine afin que l’on réussît à gagner non plus guerre, c’était fichu mais qu’on gagne au moins la partie.
«-Diplomates, stratèges, écrivains, poètes, politiques, aucun n’a réussi à gagner cette guerre, c’est qu’elle est impossible à gagner. Mais rien n’est encor perdu, camarades. Ne l’êtes-vous pas ? Si, vous en êtes. Vous faîtes partie de notre Camaraderie Sarromane. Alors nous allons gagner. Nous tirerons trois coups de notre arme expérimentale, de toute manière, nous n’avons que trois boulets de Gertyrde. Et quand ils auront vu nous hisserons le drapeau blanc et leur proposerons la paix «afin de ne pas tuer toute la vie sur Terre», effrayés ils accepterons que nous organisions des élections, mon parti gagnera évidemment à Sarroma et j’aurais été plébiscité en bonne et due forme à leurs yeux.»
Alors on applaudit le très intelligent Tondolli, tout son Conseil le quitta, lui retourna voir Vallon et ils se mirent sur la plus inaccessible des tours de Sarroma afin de voir ce que la guerre adviendrait. Ils échangeaient de moins en moins avec cette fichue guerre.
Le colonel Vorchas faisait entrer ses soldats dans l’arène, les combats étaient magnifiques, on se battait désormais au sabre plus qu’au fusil, à la bombe plus qu’au poing. Un obus éclata dans les troupes sarromanes, et encor, ces explosions se renouvelaient sans cesse, des morceaux carnés humains, sans vie, triste et dégoûtants volaient par endroit. Soudain un canon gigantesque éleva son fût, et au dessus des bâtisses de la ville, la pièce d’artillerie fit feu des quatre mèches, et tout soudain un obus de la taille d’une voiture à vapeur, s’en alla exploser par de-là les montagnes, une détention retentit en même temps sur les troupes boscanes et dans tous les coeurs des troupes de la même origine. Puis plus aucun obus boscan. Les cris se ragaillardissaient, s’élevaient de plus en plus devant cet obus monstrueux, titanesque, on vit derrière les murs de la ville, un second obus qui vint se placer en position dans le canon d’une taille affolante de Sarroma. La bravoure des boscans augmentait considérablement, Vorchas en retrait rentra dans la bataille, sa maîtrise du sabre proche d’un absolutisme sinon plus, faisait qu’il rentrait dans les rangs de Sarroma comme on rentre dans un café, si celui-ci n’est bien entendu pas trop chaud. Il coupait tout sur son passage ainsi que de vulgaires feuillages, des nez, des mains, des pieds, des têtes, il était toute la chose devant laquelle toute chair, se déchire ou succombe. Avec mépris presque, il tranchait, son sabre fendant l’air et le crâne de ses adversaires, il rentrait de çà, de là, dans les tripes trop peu volumineuses des ennemies de la Boscanie. Mais un fusil est chargé, un fusil est paré, le coup va partir, les troupes sont en sang, les coup est parti, les troupes sont sauvés. Le Père Vorchas, tombe et se relève se fait tailler le bras mais continue avec moins de hardiesse, moins de force encor. Il se fait couper le bras inutile, le bras gauche, son moignon ne lui fait pas peur, ne le fait pas frémir, il garde son geste souple, précis comme avant mais avec moins de hardiesse, moins de force encor et de célérité toujours, s’aggravant. Une baïonnette atteint son genoux, vieilli, pauvre, un regard douloureux s’effectue alors en direction de l’orphelin Angevin Ravarin, il n’y pense plus se tourne encor vers cet enfant en pleurs, il n’y pense pas regardant toujours le tendre et généreux gamin miséreux issu de la rue pour partir en guerre, il n’y prête pas attention employant son acuité à observer chaque détail du petiot, il l’oublie presque renvoyant au gosse un sourire heureux, un sourire désolé, il n’y pense même plus mais pourtant la lame fait son office et la tête tombe en un panier. La sortant le soldat Casasque, s’écrit alors «On a eu le vieux bougre !». Au loin, un enfant est désespéré, vient de voir s’écrouler un monde tout entier, dont il s’était imprégné en quelques heures seulement, peut-être moins, ainsi qu’un banquier, un Courtier de bourse, en une décennie au service de son patron, voit son monde s’écrouler quand la faillit guette et qu’au de-là d’un licenciement et sa tragédie, c’est un meurtre, un espricide qui advient.
Trois coups tirés, le drapeau blanc avait été hissé sans tenir compte des victoires et des défaites de l’armée, une délégation arriva et convoqua une réunion entre les deux parties. Elle eu lieu vers dix-huit heures, déjà les deux armées s’aidaient à ramasser et à brûler le corps, des gens pleuraient, des adultes sur le corps de leurs amis, des enfants sur ceux de leurs écornifleurs, ayant vécu grâce à eux, pendant quelques minutes, qui ne succombassent guère grâce à eux quelques temps, ceux pour qui le tant d’une chanson ils fussent la providence.
Vers dix-neuf heures, on venait dire qu’un accord avait été trouvé, équitable qu’on le disait. Le Dictateur Tondolli était destitué gracieusement, de sa demande, de sa propre initiative, Jovanier reprenait son flambeau, et des élections auraient lieu dans quelques vingt-quatre jours, ni plus, ni moins, cela avait été ainsi décidé. Sarroma payerait Cinq mille tonnins à la Boscanie afin de rembourser les familles de soldats entières et on ferait des élections. Voilà la déclaration que fissent les deux ennemies réconciliées, Sarroma et le Gouvernement Boscan. Tondolli avait sorti la somme de sa fortune personnelle pour ne pas déranger les gens dans son humilité spectaculaire, ça va de soi. La fin de la guerre déclarée, les troupes redevinrent citoyens mais ne perdirent pas leur entichement propre à l’ancien Foucard, et gardèrent leur assouvissement et leur soumission la plus totale envers Don Tondolli. L’élection aurait lieu le trente du mois de Varandine. Avant cela, on avait vingt-quatre jours pour se préparer. Tondolli ayant été à l’initiative de la paix, il avait réussi à dicter des conditions, comme il en avait désormais l’habitude de dicter des choses, il dictait tout ce qu’il pouvait et même ce qu’il ne pouvait guère. Enfin l’affaire fut réglée, Tondolli avait eu le désarmement obligatoire, les armes offertes également à la Boscanie et à Sarroma, une dette et une reddition. Mais son initiative avait empêché qu’on le poursuivît en justice, qu’on lui donnât une amende ou bien même qu’on lui pose une inéligibilité lors de la prochaine élection. Quand il faut se rendre, il faut le faire dans les bonnes et dues règles et se rendre en emportant le plus possible, grâce à des fumisteries géniales, et autres mises en scène. Celle-là avait marché et si on voyait de prime abord le Don comme un homme pacifiste, se battant pour son peuple et sacrifiant fortune et privilèges afin que le peuple ne succombât. Mais bien vite les journaux révélèrent l’affaire véritable, l’usage de tout l’arsenal quand on en avait pas gaspillé la moitié du côté adverse, une puissance qui semblât inarrêtable, monstrueuse au plus haut point, et les boscans, attendris avaient abandonnés bien des charges malgré une revanche vilaine et humaine, un besoin nécessaire d’être supérieur en jouant sur le populisme et la philanthropie du Don, et en en usant à de fins profitables pour la Boscanie. Mais ce ne fut guère assez, quelle stupide empathie fût-elle celle dont ils fissent preuve, entourloupés par l’adresse dudit Commandant Tondolli, Maire autodidacte et écrivain de génie.
En effet désormais la ville de Sarroma tout entière et même d’autres, se procuraient les livres de Don Tondolli, non pas ceux de Foucard, pacifistes et philanthropiques, amusants et instructifs, humanistes et empathiques, mais bien ceux de Don Tondolli, «Ma Bataille» qui fait l’apologie de la guerre et de la violence ‘nécessaire’ dit-il, ou encor «Ma nouvelle organisation» faisant l’apologie de l’encadrement autoritaire et arbitraire de la vie de l’individu, ou alors «Tiers livre» dans lequel il exprimé un point de vue international et donner une seconde approche de la vie avec des libertés mais des régulations de populations, un système éducatif sélectif et meurtrier. Les idées plaisaient, en effet quoi de plus normal que de tuer les handicapés à la naissance afin qu’on éradiquât les maladies génétiques handicapantes ? Quoi de plus évolué que d’assassiner ceux qui se morfondent, s’attristent et font des œuvres qui en dépriment d’autres afin que le bonheur vive ?
On était le dixième jour du mois de Varandine, Don Tondolli avait réservé le Théâtre de Sarroma afin d’annoncer à ses multiples partisans, endoctrinés par sa littérature ou bien par son action, il allait leur dévoiler le nouveau parti qui vaincrait celui de Marstanine, de Vursinier, de Jovanier et de Palsoman aux élections municipales selon ses dires, la Camaraderie de Sarroma.
Ce parti nouveau et novateur serait grandiose, il s’organisait entre camarades, tous égaux et lui le Commandant, qui reçoit tous les messages des camarades, les écoute et choisit. Des camarades seraient ses élèves afin qu’au fil du temps, la Camaraderie ait une hiérarchie basée sur le savoir et sur le rôle personnel qu’on peut attribuer à quelqu’un plutôt qu’un rôle générique et défini. Tout serait personnalisé. Le Commandant serait tout-puissant quand ça serait lui, un autre en aurait moins car forcément il n’aurait pas été lui. Chacun aura son grade avec un nom propre et choisit par ce dernier lorsqu’il aura réussi son épreuve auprès du Commandant Tondolli. Voilà ce qu’était ce parti qui bientôt gagnerait tout, sans doute. Assurément son programme était inconnu, enfin il était déductible que ça serait celui qui fut écrit par le Commandant dans ses dix-sept livres en trente volumes de dix mille mots chacun. Le Parti Prolétaire de Marstanine, le Parti de la Raison de Jovanier, le Parti Uni pour la Richesse de Vuresinier, et le Parti Démocratiquement Engagé de Palsoman n’avaient qu’à bien se tenir. Ce fut une ovation après le discours, le Don se frottait les mains devant l’assemblée qui l’accueillait. Il conclut en donnant rendez-vous à ses fidèles, le lendemain chez lui pour qu’on s’organisât pour la campagne électorale à la fin de laquelle, il espérait sortit vainqueur, et conquérant unique de la mairie, il lui fallait pour cela également des collaborateurs, des bourgmestres, un conseil municipal, bref des camarades qu’il fallait former, ils seraient tirés au sort le lendemain donc. Le jour J, on avait réussi à faire entrer tous les prétendants et on avait tiré au sort, cinq élèves pour Vallon, et trente pour Tondolli, car il ne pouvait former des cents et des mille. Les cours commençaient le jour même, on avait organisé la classe et le premier cours était sur la Théorico-magico-politico-spoliatio-légalo-économilogie, science essentielle en politique, et surtout dans la maigre ville de Sarroma, proche de la capitale de la Boscanie. Au bout de quelques dizaines de jour, des cours de Parolo-oratorio-démagogo-fantabuslistologie et autres Candidato-mégalogo-physicogolo-éogo-égogo-gothicologogie