Nana, le personnage de Zola, éprouvait « une répugnance indignée contre cette littérature immonde dont la prétention était de rendre la nature ; comme si l'on pouvait tout montrer ! En matière de livres et de drames, Nana avait des opinions très arrêtées : elle voulait des oeuvres tendres et nobles, des choses pour la faire rêver et lui grandir l'âme. »Vous discuterez cette conception de la littérature en vous appuyant sur le roman naturaliste que vous avez étudié.
Publié le 15/05/2020
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Nana, le personnage de Zola, éprouvait « une répugnance indignée contre cette littérature immonde dontla prétention était de rendre la nature ; comme si l'on pouvait tout montrer ! En matière de livres et dedrames, Nana avait des opinions très arrêtées : elle voulait des oeuvres tendres et nobles, des chosespour la faire rêver et lui grandir l'âme.
» Vous discuterez cette conception de la littérature en vousappuyant sur le roman naturaliste que vous avez étudié.
Le sujet proposé demande avant tout que vous repériez l'ironie de Zola, qui fait d'une prostituée le porte-parole descritiques habituellement adressées à son propre mouvement littéraire, le naturalisme.
Vous pourrez ainsi dégagerdeux conceptions opposées de la littérature : l'une qui fait rêver, c'est-à-dire qui trompe et endort, afin des'éloigner d'une réalité jugée vulgaire et indigne d'elle, qui se fige dans des poses mièvres et ridicules ; l'autre quifait penser, en donnant à voir toute la réalité d'un monde moderne en pleine transformation dont il s'agit dediscerner les enjeux.Quel que soit le roman naturaliste que vous avez étudié, vous pourrez y puiser des exemples illustrant cetteperspective.
Rien ne vous interdit de proposer des exemples tirés de vos lectures, ou d'un groupement de textesconsacré au naturalisme.
Toutefois, il faudra éviter le saupoudrage de citations non exploitées.
Dans un soucid'élargissement, vous sont proposées de nombreuses références à Zola et Maupassant, dans un plan semi rédigé.
Sivous le pouvez, lisez les romans concernés.À lire aussi sur le sujet : La Confession d'un enfant du siècle (Musset, 1834) ; Madame Bovary (Flaubert, 1857),L'Éducation sentimentale (Flaubert, 1869) et Le Roman expérimental (Zola, 1880).
Introduction
Zola s'amuse à mettre dans la bouche de Nana, une prostituée, les critiques dont le naturalisme, l'école littérairedont il est le chef, a fréquemment fait l'objet.
Qui avoue « une répugnance indignée contre cette littératureimmonde dont la prétention était de rendre la nature », si ce n'est le public bourgeois, choqué qu'on veuille « toutmontrer » dans la littérature, alors que lui se précipite parce que Nana, dans des spectacles douteux, n'hésite pas à« tout montrer » d'une chair superbe qui fait frissonner ses admirateurs libidineux ?
Il y a de quoi rire à écouter Nana parler de ses goûts littéraires pour « des oeuvres tendres et nobles, des chosespour la faire rêver et lui grandir l'âme » ! On ne peut plus habilement manier le sarcasme et l'ironie afin de dénoncerles pièges d'une littérature mièvre et trompeuse, avatar insipide d'un romantisme à bout de souffle en cette fin duXIXe siècle.
Nous verrons comment le naturalisme exécute cette déformation du romantisme et s'attache aucontraire à tout montrer, avec une rigueur presque scientifique, puis nous envisagerons ce qui est par-delà lenaturalisme, ce qui lui permet de se dépasser, et d'atteindre au souffle épique d'une poésie de la modernité.
PLAN DÉTAILLÉ
I.
Le naturalisme : une mise à mort du romantisme
I.
L'héritage de Flaubert
a.
La caricature des poses romantiques
Madame Arnoux, « apparition » dans la vie de Frédéric Moreau, est l'incarnation de la femme idéale quiprovoque en lui une sorte d'abattement, de contemplation muette et stupide qui ne débouchera que surl'échec.
La relation platonique de Frédéric reprend de manière destructrice une oeuvre de jeunesse de Flaubert, Les Mémoires d'un fou (1838), où le jeune héros éprouve les tourments de l'amour romantique qui fait fureur à cette époque : « J'étais immobile de stupeur, comme si la Vénus fût descendue de son piédestal, et s'étaitmise à marcher.
C'est que, pour la première fois alors, je sentais mon coeur, je sentais quelque chose demystique, d'étrange comme un sens nouveau.
J'étais baigné de sentiments infinis, tendres ; j'étais bercéd'images vaporeuses, vagues ; j'étais plus grand et plus fier tout à la fois.
» C'est ce type de relation qui faitrêver Nana ; c'est dans ce genre de romans qu'elle se plonge avec délices.
L'Éducation sentimentale (1869) exécute l'amour romantique.
Flaubert met également à mort le romantisme politique, sorte d'idéalisme vague qui fait passer à côté del'Histoire.
Il condamne les illusions de toute une génération éprise d'idéal, et qui n'a pas vu s'installer l'égoïsmeet la médiocrité de la bourgeoisie.
b.
La rupture réaliste
Madame Bovary, elle aussi, voit la vie à travers le filtre trompeur des romans d'amour : « Emma cherchait àsavoir ce que l'on entendait au juste dans la vie par les mots de félicité, de passion et d'ivresse, qui lui avaient.
»
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