MONTESQUIEU
Publié le 15/05/2020
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«
MONTESQUIEU (1689-1755 )
On a voulu voir en Montesquieu le precur-
seur et le maitre a penser des revolutionnaires.
C'est fort inexact :homme de discours, et
non homme d'action, ilalaisse une lecon
d'intelligence politiqueplusqu'une
theorie
politique.
Et, si theorie it y a, elle a ete inter-
Dans la vie pretee et utilisee en des sens tits divers.
Plu tot
que Ia rigueur d'une quelconque doctrine, il
faut souligner les contradictions de Montes-
quieu, dilt-on decouvrir quelques rides sur son
masque romain et quelque incertitude dans sa
demarche.
FIDELITE ET MULTIPLICITE
La vie de Charles-Louis de Secondat, baron
de La Brede et de Montesquieu, n'est pas sans
rappeler celle de Montaigne.
Comme lui, il est
originaire de Guyenne et d'une ancienne famille
de robe.
Sa vie privee a donc pour cadre son
manoir provincial, le chateau de la Brede; sa
vie publique le Parlement de Bordeaux ou son oncle lui cede par testament, en 1716, une charge de
president a mortier.
Cette fidelite n'exclut pourtant ni le gout de la
multiplicite, ni la tentation de l'aventure.
En
cela encore, Montesquieu ressemble a Mon-
taigne.
A cette difference pres que Ia capitale de
la Regence exerce quelque temps sur lui un pou-
voir defascination
qu'ellen'avait pas au
xvie siècle.
Apres avoir beaucoup parle de Paris dans ses Lettres persanes (1721), le seigneur de
la Bride va, en 1722, se demander, sur place,
comment on peut etre parisien :
it frequente les
reunions littoraires de rtiotel Soubise, le Club
de l'Entresol, les « mardis » de Madame de Lam- bert, antichambres de l'Acadernie Francaise ou
il est admis en 1727, bien qu'il en ait dit et ecrit
autrefois beaucoup de mal.
La galanterie elle-
meme ne le laisse pas tout a fait indifferent :
il compose Le temple de Gnide (1725), un ouvrage licencieux pour Mademoiselle de Clermont, « la
muse merdeuse du temps ».
Mais, Montesquieu ne saurait devenir parisien.
Comme Montaigne, il entreprend un tour d'Eu-
rope (1728-1731) qui le conduit en Autriche, en Hongrie, en Italie, en Allemagne, en Suisse,
en Hollande, en Angleterre surtout.
Si l'illustre
Albion est « faite pour y penser », la France est
« faite pour y vivre ».
Paris et La Brede vont done
se partager les jours de celui qui a renonce
a sa charge juridique pour mieux reflechir sur
l'esprit des lois.Les mondains applaudissent
a Ia publication de ses ouvrages les plus austeres
et, quand ils
ne les comprennent pas, s'en
tirent par un mot qu'ils croient bon : Madame
de Tencin salue du nom de « petit Romain »
l'auteur des Considerations sur les causes de la
grandeur des Romains et de leur decadence (1734); Madame du Deffand ne trouve dans De l'esprit
des lois (1747) que « de l'esprit sur les lois ».
Le temps des critiques et des refutations est
proche.
Montesquieu, presque aveugle, s'acharne
a defendre son livre capital, mis a ]'Index, et
aussi a repondre aux sollicitations de ses admira- teurs.
A la demande de d'Alembert, it
ecrit
I'Essai sur le goat qui paraitra dans l'Encyclo-
pedie.
Au debut de rannee 1755, il n'echappe pas a
repidemie de fievre maligne qui s'est declaree a
Paris.
Clercs et philosophes se pressent a son
chevet.
II meurt apres avoir « satisfait a tous ses
devoirs » a regard de « eternel » (1) qui
n'etait pas necessairement le Dieu des chretiens.
Du moins ne s'etait-il pas departi de cette serenite
qui reste letrait dominant de sa personne.
1.
Ces expressions sont empruntees a I'Eloge de Montes-
quieu par d'Alembert.
MONTESQUIEU (1689-1755)
On a voulu voir en Montesquieu le précur
seur et le maître
à penser des révolutionnaires.
C'est fort inexact : homme de discours, et
non homme d'action, il a laissé une leçon
d'intelligence politique plus
qu'une théorie
politique.
Et,
si théorie il y a, elle a été inter- prétée
et utilisée en des sens très divers.
Plutôt
que la rigueur d'une quelconque doctrine, il
faut souligner les contradictions de Montes
quieu, dût-on découvrir quelques rides sur son
masque romain et quelque incertitude dans sa
démarche.
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FIDELITE ET MULTIPLICITE
Dans la vie
La vie de Charles-Louis de Seconda!, baron
de La Brède et de Montesquieu, n'est pas sans
rappeler celle de Montaigne.
Comme lui, il est
originaire de
Guyenne et d'une ancienne famille
de robe.
Sa vie privée a donc pour cadre son
manoir provincial, le château de la Brède; sa
vie
publique le Parlement de Bordeaux où son
oncle lui cède
par testament, en 1716, une charge de
président à mortier.
Cette fidélité
n'exclut pourtant ni le goût de la
multiplicité, ni la tentation de 1 'aventure.
En
cela encore, Montesquieu ressemble à Mon
taigne.
A cette différence près
que la capitale de
la Régence exerce quelque temps sur lui un pou
voir de fascination
qu'elle n'avait pas au
xvie siècle.
Après avoir beaucoup parlé de Paris
dans ses Lettres persanes (1721), le seigneur de
la Brède va, en 1722, se demander, sur place,
comment on peut être parisien : il fréquente les
réunions littéraires de l'hôtel Soubise, le Club
de l'Entresol, les « mardis » de Madame de Lam
bert, antichambres de J'Académie Française où
il est admis en 1727, bien qu'il en ait dit et écrit
autrefois beaucoup de mal.
La gala~terie elle
même ne le laisse pas tout à fait indifférent :
il compose Le temple de Cnide (1725), un ouvrage
licencieux
pour Mademoiselle de Clermont, « la
muse merdeuse
du temps».
Mais, Montesquieu ne saurait devenir parisien.
Comme Montaigne, il entreprend un tour d'Eu
rope (1728-1731) qui Je conduit en Autriche, en
Hongrie, en Italie, en Allemagne,
en Suisse,
en Hollande, en Angleterre surtout.
Si 1 'illustre
Albion est
« faite pour y penser », la France est
«faite pour y vivre».
Paris et LaBrède vont donc
se partager les jours de celui qui a renoncé
à sa charge juridique
pour mieux réfléchir sur
1 'esprit des lois.
Les mondains applaudissent
à la publication de ses ouvrages les plus austères
et,
quand ils ne les comprennent pas, s'en
tirent par un mot qu'ils croient bon : Madame
de Tencin salue du nom de « petit Romain »
J'auteur des Considérations sur les causes de la
grandeur des Romains et de leur décadence (1734);
Madame du Deffand ne trouve
dans De l'esprit
des lois (1747)
que« de l'esprit sur les lois».
Le temps des critiques et des réfutations est
proche.
Montesquieu, presque aveugle,
s'acharne
à défendre son livre capital, mis à 1 'Index, et
aussi à répondre aux sollicitations de ses admira
teurs.
A la demande de d'Alembert, il écrit
1 'Essai sur le goût qui paraîtra dans l' Encyclo
pédie.
Au début de
l'année 1755, il n'échappe pas à
l'épidémie de fièvre maligne qui s'est déclarée à
Paris.
Clercs et philosophes se pressent à son
chevet.
Il meurt après avoir « satisfait à tous ses
devoirs
» à l'égard de « l'Être éternel » (1 ) qui
n'était pas nécessairement le Dieu des chrétiens.
Du moins ne s'était-il pas départi de cette sérénité
qui reste
le trait dominant de sa personne.
1.
Ces expressions sont empruntées à !'Éloge de Montes quieu par d'Alembert..
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