Montaigne, peintre de lui-même
Publié le 19/12/2021
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«
Introduction : a) Pascal a tiré parti de presque tous les arguments sceptiques de
Montaigne, pour en changer complètement l'intention dans son contexte apologétique (la
Misère de l'Homme sans Dieu).
b) Mais il jugeait sévèrement l'entreprise de son
prédécesseur : « Le sot projet qu'il a eu de se peindre », note-t-il dans ses Pensées.
c)
Si c'est bien en effet sous ce premier aspect que nous apparaissent les Essais, est-ce le
seul ?
I.
— Montaigne, peintre de lui-même :
Impossible, en effet, de mettre en doute les paroles de Montaigne : « Je suis moi-même
la matière de mon livre ».
a) On retrouve dans les Essais la trace des événements de sa
vie; il nous parle de son père, de son éducation, de ses fonctions municipales à la mairie
de Bordeaux, de ses voyages, de sa maison, de ses livres, de son amitié tragique pour La
Boétie.
b) II nous confie ses goûts intellectuels, nous fait part des réflexions que ses
livres lui ont suggérées, de ses préférences (Plutarque).
c) II nous trace son portrait
physique et moral : il a une petite taille et il le regrette, une barbe « brune à écorce de
châtaigne », la haine de tout effort et de tout souci inutiles.
Il ne nous épargne aucun
détail, ni le récit de ses accidents, ni même ses coliques.
d) Enfin nous suivons, étape par
étape, à travers les diverses éditions, les fluctuations et révolution de sa pensée.
Nous
voyons comment il se cherche pour trouver un équilibre dans une période fort troublée.
Son livre devient ainsi le journal de plusieurs expériences philosophiques (stoïcisme,
scepticisme, épicurisme) et chaque fois Montaigne éclaire de son opinion des théories et
des idées, qu'il ne retient que dans la mesure où elles lui paraissent personnellement
acceptables.
II.
— Valeur humaine des Essais :
Mais, en fait, il y a autre chose dans son livre que des réflexions personnelles.
Voltaire,
plus équitable que Pascal, disait de lui « Le charmant projet qu'il a fait de se peindre car,
en se peignant, il a peint la nature humaine ».
a) Les Essais ne ressemblent ni aux Confessions de Rousseau, soucieux de se présenter
comme un être exceptionnel, ni aux Mémoires d'Outre Tombe de Chateaubriand où
l'auteur pose pour la postérité au milieu de splendides évocations.
Les Essais n'offrent de
Montaigne que des images fragmentaires au hasard des circonstances.
b) Montaigne ne s'examine que pour découvrir en lui « la forme de l'humaine condition ».
Il cherche une méthode pour élaborer sans dogmatisme un art personnel de vivre, mais
nous avons intérêt, sinon à le pratiquer, du moins à le méditer.
Il y a ainsi dans les
Essais non un simple portrait, mais une méthode.
c) Enfin Montaigne offre dans son livre l'exemple d'un homme qui ne se contente pas de
se confesser librement, mais d'une âme éprise d'un redressement.
C'est cet effort qui fait
de lui un moraliste et nous pouvons trouver, en le lisant, des conseils et des leçons qui
restent d'actualité (haine du fanatisme — de l'ignorance — de toutes les formes
d'oppression, de la superstition et du despotisme).
Conclusion :
Devant une conception du bonheur tout opposée à la sienne, Pascal ne retenant que le
scepticisme apparent de ces confidences, ne pouvait y voir que péché d'orgueil.
En fait,
au charme d'une1 confidence généreuse et libre, les Essais joignent la sagacité d'une
âme noble éprise de vérité humaine et même de vertu.
Mais de ce fait Pascal aussi s'était
aperçu : il faisait deux parts en Montaigne.
D'abord ce qu'il y avait de profondément
humain et vrai pour tous : « Ce n'est pas dans Montaigne que je trouve ce que je vois,
mais dans moi » et qu'il jugeait excellent.
Puis ce qu'il y avait de propre à Montaigne, de
purement individuel et qu'il jugeait exécrable, car en Pascal, le chrétien rejoignait le
classique.
C'est donc plutôt contre cette seconde part qu'il a jeté son trait !.
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