MONTAIGNE: «JE SUIS MOI-MÊME LA MATIÈRE DE MON LIVRE»
Publié le 21/12/2021
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MONTAIGNE: «JE SUIS MOI-MÊME LA MATIÈRE DE MON LIVRE»
Introduction : Dès le début de ses Essais, Michel Eyquem s'adresse au lecteur pour lui
exposer nettement son propos : « C'est ici un livre de bonne foi, lecteur...
Je suis moi-
même la matière de mon livre ».
Dès lors, nous sommes prévenus : c'est dans
Montaigne qu'il convient de chercher Montaigne.
Mais comme « à chaque pied son soulier
», à chacun sa façon de s'étudier.
Quant à lui, Montaigne a placé son analyse sous le
double signe du mouvement et de la liberté.
Aussi devons-nous suivre son « allure
poétique à sauts et à gambades » pour découvrir l'homme, le penseur et l'écrivain.
I.
Un art de vivre.
Dans un temps où la guerre civile déchire la France, les Essais offrent l'exemple d'une vie
sage quoique mouvementée, adaptée aux exigences d'un tempérament.
1.
Une personnalité fortement contrastée. Sur la personne même de Montaigne, les
Essais nous apprennent :
* qu'au physique, il était de complexion plutôt nonchalante, inapte aux exercices et
pourtant capable d'endurance ; qu'il avait bon estomac, mais des reins sujets aux
coliques, et autres contrastes qu'il prend, semble-t-il, plaisir à faire ressortir ;
* qu'au moral, on trouvait en lui des contrastes analogues : de la nervosité et un courage
flegmatique ; du goût pour les plaisirs vulgaires (dés, cartes, etc.), mais du
désintéressement ; de l'indifférence à l'endroit de son ménage (femme et enfants
compris), mais en revanche la passion des livres et des voyages.
2.
Sauvegarder son indépendance. Ainsi convaincu de ses propres faiblesses,
Montaigne s'applique à jouir de la vie en toute indépendance, mais sans entraver la
liberté d'autrui :
* en goûtant au plaisir de la communication (cf.
son amitié avec La Boétie : attachement
profond qui ne ressemble guère aux « accointances et familiarités nouées pour quelque
occasion ») ; % en s'adaptant aux circonstances (fortune, politique, maladie) ;
* en s'en tenant au présent : « Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors...) ;
* en suivant ses « humeurs plaisantes » et en se conformant à ses « inclinations
naturelles » sans les contrôler de trop près puisque « nature nous a mis au monde libres
et déliés » ;
* en s'efforçant d'éviter la douleur : « fût-ce sous la peau d'un veau » et en s'acclimatant
à l'idée de la mort car...
«qui craint de souffrir, souffre déjà de ce qu'il craint ».
Transition : Mais l'intérêt des Essais dépasse de beaucoup celui d'un simple « journal
intime ».
Montaigne, premier en date des grands essayistes modernes, rend compte de
ses idées philosophiques et son art de vivre se double d'un art de penser.
II- Un art de penser.
La vie privée et publique de Montaigne le conduit à réfléchir sur la vanité des
connaissances humaines.
De là une lucidité sans cesse accrue qui s'appuie sur les leçons
de l'expérience.
1· Le scepticisme.
Sur les idées de Montaigne, Les Essais nous
apprennent qu'à ses yeux :
les hommes, tels qu'il les a connus par les livres, la conversation et les voyages, sont
comme lui-même un sujet merveilleusement « ondoyant et divers » et que, sur les
questions de tout ordre (politiques, philosophiques, morales, etc.), il leur est impossible
de se mettre d'accord, non seulement entre eux, mais avec eux-mêmes.
Cette amère
constatation conduit Montaigne au « Que sais-je ? », aveu de scepticisme universel ;
que, d'autre part, au point de vue pratique, ce scepticisme doit nous porter à la
tolérance, car c'est mettre ses idées à bien haut prix que « d'en faire cuire un homme ».
Voilà ce qui explique le long plaidoyer sur le voyage.
En effet, le « voyager » favorise
notre « ouverture » sur le monde extérieur, vers tant « d'autres vies, fantaisies et.
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