mon rêve familier Verlaine
Publié le 06/05/2024
Extrait du document
«
VERLAINE Mon rêve familier
Explication linéaire
Vers 1 .
trimètre 4 – 4 – 4 ( ou 6 – 6 ) ; accents sur les nasales « souvent ce rêve étrange et pénétrant » qui
viennent voiler d’autres voyelles claires « ai » « é » : le rythme et les sonorités confèrent un caractère intime et
discret à cette phrase qui se glisse, s’insinue, comme une confidence
« souvent » : s’agit il d’un vrai rêve ? ou d’une rêverie ? d’un vœu conforme à l’idéal féminin du poète ?
« étrange » : par tout ce qu’il comporte de mystère
« pénétrant » parce qu’il répond à ses désirs profonds, le caractère obsessionnel est rendu par l’assonance en
« an »
Vers2.
« d’une femme inconnue » : elle ne ressemble à aucune femme connue ; elle est supérieure aux autres, un
peu comme l’était la Sylphide de Chateaubriand, idéal féminin.
« et que j’aime, et qui m’aime
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même,
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
»
Après le rythme ample d’une seule coulée, au flux mélodique et fluide, succède dans le second hémistiche du
vers 2 et le vers 3 la technique toute particulière à Verlaine de la dislocation du vers : les coupes intérieures
disloquent le vers pour le plier au rythme de la phrase, et correspondre à une modulation de la pensée ou du
sentiment.
« et que j’aime, et qui m’aime » : parallèlisme de construction + chiasme* dans le jeu des pronoms sujets :
que
j’aime
COD
Qui
sujet
m’aime
Sujet COD
: impression d’une réciprocité sans ombre, communion apaisante entre les cœurs.
La répétition de « et » montre le caractère heureux de cette situation d’équilibre parfait, d’harmonie complète.
Vers3 et 4, d’autres « et » relancent chaque fois la confidence.
Verlaine approfondit toujours davantage les
motifs de son attachement, et découvre sans cesse des nuances nouvelles, des raisons supplémentaires.
Vers 3.
« chaque fois » rejoint « souvent », « mon rêve familier »
« ni tout à fait la même » : pas d’individualité bien définie
« ni tout à fait une autre » : née des aspirations du poète, elle est accordée aux désirs et aux besoins de son
cœur.
C’est Verlaine qui n’est pas toujours le même, avec son âme complexe, ses élans, ses découragements,
ses joies et ses angoisses
Vers 4.
« et m’aime et me comprend » : Verlaine a davantage besoin d’être aimé que d’aimer ; le JE est
complément d’objet direct du verbe aimer, verbe mis en valeur par un jeu de rimes intérieures « que j’aime –
qui m’aime – la même – et m’aime » : rappel de sons qui contribuent à la musique verlainienne
« comprend » : ce verbe exprime le besoin impérieux pour cette âme instable et tourmentée d’être compris ;
c’est une âme sœur, une présence maternelle, qui est rêvée, plus qu’une présence physique ( lire aussi dans les
Poèmes Saturniens : Lassitude - Vœu – A une femme* )
Vers5.
« car elle me comprend » : = anadiplose ( reprise en début de phrase d’un terme qui se trouvait à la fin
de la précédente) .
cette répétition est comme un cri de victoire ; il a ici la sensation d’échapper à
l’incompréhension, l’accent est mis sur le drame de la solitude..
l’idéal serait la transparence ( voir aussi
Rousseau et Mme de Warens dans les Confessions)
Transparence suggérée ici par l’enjambement sur le vers 6
« mon cœur » : problème pour Verlaine, comme pour tous les romantiques
Vers6.
« pour elle seule » : reprise anaphorique qui crée un rythme plein de ferveur, d’adoration, qui ne monte
toutefois pas dans une exaltation lyrique, mais descend vers l’apaisement et le silence dans la suite de la
strophe.
« hélas » cet idéal ne se réalise qu’avec une femme rêvée..
le poème se situe dans une partie du recueil intitulée
« melancholia », le ton est amer et mélancolique
Vers 7.
« les moiteurs de mon front blême » = expression symbolique des troubles de l’âme
Vers 8.
« elle sait les rafraîchîr » le poète se décharge de son mal de vivre en le partageant
« en pleurant » présence compatissante ( au sens étymologique cum patio : souffrir avec) ; Verlaine a besoin
qu’on se penche sur lui, qu’on partage ses sentiments avec une sollicitude maternelle, c’est un rêve d’enfant qui
se révèle ici dans son idéal de l’amour.
Vers9.
« est elle brune, blonde ou rousse ? – Je l’ignore » : les tercets cherchent à donner des détails physiques ;
la couleur des cheveux importe peu, la ponctuation qui impose une pause forte le souligne.
Vers 10.
« je me souviens » souvenir d’une époque heureuse ? qui revient par la sensation auditive ( parler de
la mémoire affective, par ex Chateaubriand et la grive de Montboissier dans les Mémoires d’outre-tombe),
Proust et la madeleine dans la recherche du temps perdu )
« doux et sonore » oxymore ; qualités en apparence contradictoires qui semblent hanter Verlaine ( voir
« Nevermore » : « sa voix douce et sonore au teint frais angélique »
Vers11.
« ceux des aimés » femmes aimées dont la vie l’a séparé ?
« la Vie exila » la majuscule évoque la brutale injustice du destin , qui sépare les êtres( euphémisme pour la
mort ?)
Vers12 « son regard est pareil au regard des statues » un visage reste, qui est celui de la beauté comme
l’entendaient les Parnassiens et Baudelaire ( pas mal de réminiscences baudelairiennes dans les Poèmes
saturniens)
Il s’agit d’un regard fixe, qui donne une impression de sérénité apaisante, de mystère aussi ; un regard qui la....
»
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