Molloy - Beckett Incipit, explication linéaire
Publié le 02/12/2021
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Molloy est le premier roman d’une trilogie composée de Molloy, Malone meurt et L’Innommable, où les protagonistes essaient d’atteindre le néant auquel ils aspirent. Dans le premier roman, le protagoniste principal Molloy part dans une quête qui apparaitra comme une quête de soi à travers l’écriture. L’extrait proposé est l’incipit du roman Molloy, moment clé de l’ouverture du roman. On voit ici qu’il s’agit d’un monologue et on peut s’apercevoir que cet incipit inaugure le monologue Beckettien.
On peut remarquer d’emblée des procédés d’écriture bien spécifiques à Beckett qui mettent notamment en scène une personne dont nous ne connaissons pas l’identité, s’exprimant à la première personne et contant son histoire, comme si cela allait de soi.
Nous pouvons nous demander comment l’incipit réussit à insérer le personnage principal dans le roman et comment il permet réellement au roman de démarrer. Nous verrons pour cela que des lignes 1 à 20, nous avons une présentation du personnage lui-même, âgé, puis une approche de la remémoration liée à la figure maternelle des lignes 21 à 34 et enfin une remémoration de sa vie, qui on le verra se révèle être surtout un moyen de présenter son œuvre.
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Le roman commence d’emblée avec une prise de parole du personnage principal, Molloy, qui se fait à la première personne. Nous pouvons remarquer que le premier mot du roman, « Je «, ne permet pas d’identifier réellement la personne qui parle. Le lecteur ne connaît pas l’identité de cette personne et ne peut qu’émettre des hypothèses quant à son nom. En effet, le lecteur quelque peu connaisseur, sait, en ouvrant le roman, qu’il a à faire à un roman inaugurant le monologue Beckettien et peut donc supposer que le locuteur n’est autre que Molloy, personnage éponyme du roman. Si nous ne savons pas directement de qui il s’agit, nous savons en revanche le lieu de départ du roman grâce à la première phrase, phrase simple au présent de l’indicatif permettant de situer de manière très claire la scène: « Je suis dans la chambre de ma mère «. D’emblée grâce à cette phrase, le sujet est lancé. En effet, on peut comprendre en lisant l’intégralité de Molloy que la quête de Molloy n’est autre que la quête de sa mère. Ici, grâce à la première phrase, nous avons un indice sur l’objet de cette quête. La deuxième phrase « C’est moi qui y vis maintenant «, le « y « reprenant « la chambre de ma mère « nous fait comprendre que la mère n’est plus là et nous fait même supposer qu’elle est morte. On sent donc dès le début un attachement fort à la figure maternelle.
Puis on revient à une centration sur Molloy lui-même, qui « ne sait pas comment [il est] arrivé [dans cette chambre]. Ici apparait un être perdu, en manque certain de la figure maternelle mais également en manque de lucidité et de mémoire. Pour Molloy en effet, tout est flou, avec un fort sémantisme de l’incertitude: « peut-être « lignes 3 et 6, « un véhicule quelconque certainement « ligne 3, « on m’a aidé «. Le pronom personnel « on « va être un fort vecteur d’incertitude, qui sera repris par « cet homme «, comme s’il savait enfin de qui il s’agit, mais nié par « Il dit que non «. Molloy vit dans un flou constant et ne semble avoir aucun repère auquel il puisse se rattacher. Ce flou constant est amplifié par un dédain envers lui-même. C’est ainsi qu’à la ligne 4 il va dire « Seul je ne serais pas arrivé «. On peut dès à présent remarquer que Molloy semble ne pas avoir confiance en lui et se dédaigne comme un modèle au seul comportement qu’on pourrait avoir, et que l’on semble devoir avoir face à lui. Il se justifie par son manque de volonté, à la ligne 15 « Je n’ai plus beaucoup de volonté « et insiste avec le « voyez-vous « pour bien faire comprendre à son interlocuteur son état d’esprit et son manque de ferveur.
Ce manque de ferveur se retrouve d’ailleurs au travail de Molloy et marque même une profonde lassitude. Ainsi, la phrase à la ligne 9 « Oui, je travaille maintenant, un peu comme autrefois, seulement je ne sais plus travailler « marque le début d’une isotopie de la lassitude de soi et de la vie. Nous avons pour cela deux occurrences de la formule « paraît-il « marquant une incertitude de la part de Molloy et un intérêt peu marqué pour ce qui se dit. Puis d’autres verbes insistent sur la lassitude de Molloy pour sa vie: « je ne sais plus travailler « ligne 10, « je n’ai plus beaucoup de volonté « ligne 16, « je ne les relis pas « ligne 19. Mais surtout, il faut noter, dans le milieu de cette première partie, précisément à la ligne 11, une lassitude de la vie si forte qu’il voudrait « faire ses adieux «. C’est ainsi qu’on peut découvrir en quelque sorte l’identité de Molloy et commencer à comprendre le fonctionnement du roman. La phrase « Moi, je voudrais maintenant parler des choses qui me restent, faire mes adieux, finir de mourir « insiste sur le fait que Molloy est un homme d’un certain âge. La gradation de « des choses qui me restent « à « finir de mourir « insiste fortement sur un dégoût de la vie de la part de Molloy. Molloy est las de vivre et ne possède finalement plus beaucoup de choses. Il considère en effet qu’il a déjà commencé à mourir et aimerait bien finir ce dernier acte de sa vie paisiblement. Ce premier moment de sa mort pourrait être rapporté au probable accident qu’il a eu et qui l’a amené à se retrouver dans « une ambulance peut-être «, comme il le dit à la ligne 3. Pourtant, même si selon lui il a déjà commencé à mourir, il ne semble pas si vieux que cela puisque comme il le dit lui-même, il travaille, même s’il « ne sait plus travailler «, ligne 10. On comprend que ce travail consiste en l’écriture, écriture de nouvelles feuilles qu’un certain homme « vient chercher « et « rapporte celles de la semaine précédente «. Cette lassitude de la vie se ressent dans son travail puisque les feuilles, lorsqu’elles sont corrigées, ne sont pas relues pas Molloy, puisque de toute manière il ne semble pas comprendre « les signes « inscrits en guise de correction, et ne semble pas vouloir s’en préoccuper réellement.
Pourtant, l’activité de Molloy n’est pas une activité à simple but lucratif puisqu’il le dit lui-même: « Cependant, je ne travaille pas pour l’argent «. Le connecteur logique « cependant « marquant un effet de cause à conséquence pose bien ici le fruit d’une argumentation de la part de Molloy. Son état de délaissement total de soi semble s’être quelque peu apaisé puisqu’il revient à l’argumentation et semble vouloir justifier ses actes et ses pensées. Mais cet élan retombe bien vite puisqu’il « ne sait pas « pour quoi il travaille. La question oratoire « Pour quoi alors? « à la ligne 22 semble s’inscrire directement dans les pensées de Molloy qui remet en question jusqu’à son activité principale. On est ici dans une focalisation interne qui met le lecteur à la hauteur de Molloy et l’encre dans le plus profond de Molloy. Le lecteur, ainsi, commence réellement à ressentir ce que ressent Molloy et la manière dont il le ressent, et se sent mal. Il se dénigre de nouveau avec une redondance de « Je ne sais pas « ligne 22. Molloy apparait ici comme une personne dénuée de toute mémoire. Il laisse ici tranquille le lecteur qui n’est plus que spectateur de la scène, voyant un personnage se posant de multiples questions à lui-même mais ne sachant pas y répondre, ni par quels moyens le faire.
Ces multiples questions portent sur la mère, personnage semblant une nouvelle fois particulièrement important pour Molloy. Il se demande quand sa mère est morte et finit de nouveau par l’affirmation de son ignorance face à tout ce qui l’entoure: « Je ne sais pas « ligne 26. Tout ce qu’il sait à propos de sa mère, c’est qu’il est dans sa chambre. Finalement, le lecteur peut se rendre compte que Molloy n’est pas totalement dénué de mémoire puisqu’il se rappelle de sa chambre comme ayant été celle de sa mère auparavant. La formule « Quoi qu’il en soit « de la ligne 28 insiste sur le fait qu’il ne se soucie finalement pas trop de savoir comment sa mère est morte et quand, mais plus de savoir qu’il lui reste quelque chose de sa mère. L’attachement à la figure maternelle se fait donc ici par le biais d’un attachement matériel où « le lit «, « le vase « sont dits deux fois, tout comme la phrase en elle-même « Quoi qu’il en soit, c’est moi qui ai sa chambre «. On remarque des lignes 26 à 31 une multiplication du pronom possessif « son « décliné au féminin au besoin: en effet, nous pouvons noter sept pronoms possessifs dans ce court espace. L’attachement à la mère se fait donc très persistant, tant qu’il prononce même cette phrase « Je dois lui ressembler de plus en plus «. Il en vient même à penser qu’il a un fils tellement il veut ressembler à sa mère. Mais il se fait vite à l’idée qu’il est en train d’enjoliver ses quelques souvenirs restants, plaçant tout au niveau de sa mère, qui semble l’unique personne bien importante dans son environnement, puisque les pronoms possessifs et l’appellation « ma mère « de la ligne 23 montre en sa mère une personne réelle et qu’il identifie parfaitement, contrairement à « on « et « cet homme « de la première partie qui n’apparaît pas réel tant on ne sait rien de lui.
Nous pouvons donc voir dans cette deuxième partie un personnage hanté par la figure maternelle, qu’il loue au possible et place sur un piédestal.
Dans la troisième partie, nous pouvons voir que la mémoire de Molloy tente de se faire plus virulente. C’est ainsi qu’à la ligne 34 il parle d’une femme et la décrit sommairement. Il s’avère ici qu’il reprend l’idée de son potentiel fils et fait de cet amour la mère de ce fils. Pour autant, nous pouvons vite nous rendre compte que l’amour pour cette femme n’était pas le plus fort qu’il ait eu pour une femme. Son plus grand amour a porté pour quelqu’un d’autre. Lorsqu’il dit cela, Molloy parait empreint d’une lueur d’espoir face à sa mémoire se dégénérant et semble lancer un cri de victoire au lecteur à la ligne 36 « Vous allez voir «. Mais là encore sa mémoire lui fait défaut puisqu’il lui semble avoir « encore oublié son nom « ligne 37, comme s’il s’en souvenait parfois mais que ce nom se volatilisait d’un seul coup lorsqu’il veut le dire. Cette troisième partie semble se commencer par un développement sur l’état de sa mémoire. C’est ainsi qu’il énumère tout ce qu’il a oublié: « son nom « à la ligne 37 pour désigner la femme aimée, l’éducation qu’il aurait donnée à son potentiel fils, et même l’orthographe. Il se dénigre une nouvelle fois à la ligne 39 en disant « il est impossible que j’aie pu m’occuper de quelqu’un «.
Puis il revient d’un seul coup à l’homme qui vient le voir, qui semble être quelqu’un du genre d’un éditeur puisqu’il vient prendre les feuilles que Molloy écrit pour les lire et les corriger. C’est à la ligne 42 qu’il le réintroduit, grâce à la phrase « Cela n’a pas d’importance, paraît-il , véritable échos à la ligne 10, semblable à un cycle. Nous retrouvons donc l’idée d’un cycle à l’intérieur même de l’incipit, idée maitresse du roman en lui-même. C’est ainsi que dans le résumé, sur la quatrième de couverture, nous pouvons lire que Beckett situe les protagonistes de sa trilogie dans un cercle, « de plus en plus réduit «. Nous voyons que l’idée de ce cercle est repris par Molloy lui-même ainsi que l’homme qui vient le voir et lui donner des conseils à propos de ses écrits. Le lecteur a ici l’impression de lire l’incipit du livre de Molloy lui-même, notamment par l’affirmation « Le voici « de la ligne 51. On voit dans la justification de Molloy à propos du commencement de son roman une grande volonté de clamer son identité et le fait que c’est lui et personne d’autre qui a écrit ce qu’est en train de lire le lecteur, grâce à des processus de redondance de type « mon commencement à moi « ligne 49, répété identiquement à la ligne 56 ainsi que « je me suis donné du mal « et « il m’a donné beaucoup de mal «, lignes 51 et 52. Ce processus des lignes 51 et 52 met tout d’abord le sujet « je « en premier plan, insisté par le pronom personnel « m’ « puis le pronom personnel « il « représentant le travail d’écriture du début du livre et de nouveau le pronom personnel « m’ «. Nous voyons donc que dans cette troisième partie, Molloy se met au centre même du texte. Pour autant, il manque toujours cruellement de confiance en lui et continue à affirmer « je ne sais pas « ligne 54, comme aux lignes 22 et 26, reprenant fortement l’idée d’un cycle. On voit également que le personnage n’a pas de choix quant à son texte: « ça doit signifier quelque chose, puisqu’ils le gardent «, ligne 57. Ainsi, toute la vie de Molloy est réglée par « il «, homme corrigeant ses textes, et plus généralement « ils «, masse dans laquelle l’homme « il « se trouve. On voit que tout se déroule pour que Molloy nous présente finalement son texte comme commencement de son roman, commencement fini sur lequel il ne reviendra plus. Il insiste d’autant plus sur ce fait avec la nouvelle affirmation « Le voici. « ligne 57, reprise de la ligne 51, contenue dans une phrase en elle-même, sans verbe.
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Finalement, nous pouvons voir que tout l’incipit de Molloy est régi autour d’un cycle. Il permet de montrer le personnage principal comme un être à la quête de sa mère, personnage féminin phare dans la vie de Molloy, et permet également de montrer un personnage en continuel doute de lui-même et de ses compétences à faire quelque chose et retenir quelque chose. Il est enfermé dans ce cercle et l’est d’autant plus que le roman commence avec un Molloy plutôt âgé pour continuer vers un Molloy plus jeune. Ce cercle fonctionne donc à l’inverse de ce qu’on peut considérer comme étant la normalité: récit d’une vie depuis la naissance jusqu’à la vieillesse voire la mort. Nous retrouvons ce retournement à l’intérieur même de l’incipit puisque Molloy présente son texte à la fin de l’incipit alors que cette présentation devrait plutôt se trouver au tout début du roman et de l’incipit.
Cet incipit annonce donc le roman comme étant un cercle de la vie de Molloy et un cercle dans sa quête. Nous pouvons essayer de comparer cet incipit à celui de la deuxième partie, concernant Moran et nous pouvons remarquer qu’il fonctionne en quelque sorte de la même manière, commençant par la nuit plutôt que par le jour allant par la suite vers le soir. Par contre, nous pouvons observer une présentation en tant que telle du personnage, alors que Molloy ne se présentera jamais vraiment. Cet incipit plus normatif et plus cadré peut se justifier par le statut de détective de Moran et peut l’aider dans sa quête de Molloy, être particulièrement fuyant face à la norme et face aux responsabilités trop pesantes sur lui.
Cécile Bablon Molloy - incipit
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