Molière a plusieurs fois protesté contre les critiques qui lui reprochaient de manquer aux règles. Il pensait, comme La Fontaine, comme Racine, que la première des règles était de plaire au public. Mais il affirmait en même temps que ces critiques se trompaient et qu'il écrivait des comédies « régulières ». Que pensez-vous de cette défense de Molière ?
Publié le 09/12/2021
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Molière a plusieurs fois protesté contre les critiques qui lui reprochaient de manquer aux règles.
Il pensait, comme LaFontaine, comme Racine, que la première des règles était de plaire au public.
Mais il affirmait en même temps queces critiques se trompaient et qu'il écrivait des comédies « régulières ».
Que pensez-vous de cette défense deMolière?
Il n'est pas indispensable, mais il est fort utile de connaître tout d'abord, non le détail des critiques faites à Molière(il est infini, ennuyeux et le plus souvent absurde), mais les principes généraux de ces critiques, qu'elles viennent dede Visé, de Boursault ou de Montfleury.
L'argument essentiel est que Molière est immoral et que l'on ne peutrecevoir de ses pièces que les conseils les plus dangereux : mépris de la religion, mépris de l'autorité légitime desparents, mépris de l'honnêteté dans l'amour.
C'est en effet une règle classique qu'il ne faut parler, il ne faut écrire,comme dit La Bruyère, que pour « l'instruction », entendons l'instruction morale.
Même si l'œuvre de Molière n'étaitpas immorale, elle manquerait aux « bienséances », en ayant constamment recours à des plaisanteries basses, à uncomique grossier indigne de l'art; c'est le reproche sur lequel Boileau, Fénelon, La Bruyère s'accordent avec lesadversaires médiocres et partiaux qui ne voient dans Molière que des sottises.
Les mêmes manquements auxbienséances sont fréquemment relevés dans le détail du style.
Les autres critiques sont presque toutes deschicanes de détail qui relèvent une invraisemblance de situation, de la peinture des caractères, un manque decorrection ou de justesse dans l'expression.
Il est à remarquer qu'on a très rarement blâmé ce qui nous paraît le vraidéfaut de beaucoup de comédies de Molière, la faiblesse des dénouements.Molière a tenté de démontrer qu'il n'avait pas manqué à la règle de moralité et qu'on ne pouvait tirer de ses piècesque des leçons honnêtes.
Nous serions d'accord avec lui, en convenant seulement qu'il ne se faisait pas de lamorale la même idée qu'un Bossuet.
Il y avait nécessairement divergence entre sa philosophie de la nature et lamorale austère des dévots.
Il avait seulement raison de dire que l'austérité de ses adversaires directs était toute defaçade et que leur vertu intransigeante n'était qu'une arme de polémique.
Ni de Visé, ni Boursault, ni Montfleury nepouvaient opposer la dignité de leur vie à l'indignité des pièces de Molière.
Sur le point des bienséances, la défensede Molière était plus difficile.
D'une part, les exigences de la doctrine classique étaient à cet égard devenues trèsstrictes ; d'autre part, Molière savait bien qu'il puisait à pleines mains dans la tradition des farces et qu'il mêlait aucomique « bienséant » des caractères et des mœurs toutes sortes de facéties pittoresques, mais populaires.
Iln'avait pas honte « à Térence d'allier Tabarin ».
Il s'est tiré d'affaire en se débarrassant (sans le dire) de la règledes bienséances et en affirmant simplement qu'il avait raison d'écrire ses pièces, puisqu'elles plaisaient, puisqu'on lesapplaudissait.
En fait, la raison était bonne.
Nous avons vu que les farces, les comédies-ballets, réussissaientautant et plus que les comédies les plus sérieuses et aussi bien à la cour qu'à la ville.Il n'en reste pas moins que Molière manque constamment à une des règles essentielles de la doctrine classique.
Abeaucoup d'égards, il reste « peuple »; nous dirions aujourd'hui : heureusement.
Molière, dans une assez largemesure, a été un indépendant, un irrégulier, soit par la facilité de sa philosophie morale, soit par son indifférence auxexigences du «bon goût».
Cette indépendance s'explique non seulement par la forme de son génie, mais par leslibertés d'une vie qui l'a placé hors des cadres de la société.
Il est enfin fort instructif de constater que cetteindépendance a plu; et ce succès peut montrer, avec d'autres choses, que la doctrine classique trop rigide gêne,même entre 1660 et 1680, bien des esprits et qu'on n'hésite pas, dans certaines œuvres, à s'en dégager..
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