Mazarin, Jules
Publié le 06/12/2021
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1 PRÉSENTATION
Mazarin, Jules (1602-1661), cardinal italien et homme d’État au service de la France durant la seconde moitié du XVIIe siècle.
Principal ministre de Louis XIV durant les premières années de son règne, le cardinal Jules Mazarin a, de fait, gouverné le royaume de France de 1643 à sa mort, en 1661. Malgré les années de troubles de la Fronde durant la minorité du roi, il a contribué au renforcement de l’absolutisme.
2 DE LA DIPLOMATIE AU CARDINALAT
2.1 Un émissaire du pape
Né à Pescina, dans les Abbruzes (Italie), Giulio Mazarini — dont le nom est plus tard francisé en Jules Mazarin — est le fils de Pietro Mazarini, intendant au service des princes Colonna, et d’Hortense Buffalini, elle-même issue de la noblesse. Élevé par les jésuites du collège romain, il suit en Espagne l’un des princes Colonna, puis fait une brève carrière dans l’armée.
Vif, parlant correctement l’espagnol et le français, Jules Mazarin entre dans le corps diplomatique pontifical et ne tarde pas à se faire remarquer à l’occasion de plusieurs négociations, notamment celles concernant la succession de Mantoue et du Montferrat : sur ordre secret du pape Urbain VIII, il réussit à faire accepter une trêve entre Espagnols du Milanais et Français, qui s’affrontent devant la ville piémontaise de Casal (octobre 1631).
Peu après, il négocie la paix de Cherasco qui assure à la France une voie d’accès en Italie du Nord, en lui reconnaissant la possession de Pignerol. Désormais compromis par son soutien au parti français — alors qu’il a longtemps été le protégé des milieux favorables à l’Espagne —, Mazarin voit la progression de sa carrière entravée, bien qu’il ait accepté, sur la demande du pape, de recevoir le premier degré de cléricature, dans l’intention d’accéder au cardinalat.
2.2 L’ascension politique en France
2.2.1 Une rencontre : le cardinal de Richelieu
Ayant réussi à se faire envoyer en France comme nonce extraordinaire (août 1634), Jules Mazarin profite de cette période pour approfondir ses liens avec le cardinal de Richelieu, alors ministre principal du roi Louis XIII. En 1636, après l’entrée en guerre de la France contre les Habsbourg d’Espagne (mai 1635, voir guerre de Trente Ans), il doit regagner Rome sur l’insistance de la faction espagnole du Vatican. En 1639, Richelieu, décidé à attacher à la France un si habile diplomate, fait revenir Jules Mazarin à Paris, le charge des négociations de paix avec la Savoie et lui fait accorder ses lettres de naturalisation (1639). Le 16 décembre 1641, le cardinal de Richelieu obtient pour Mazarin le chapeau de cardinal, sans qu’il ait été ordonné prêtre.
2.2.2 Le nouvel homme de confiance
Confident et principal collaborateur de Richelieu depuis la mort du père Joseph en 1638, le cardinal Mazarin est recommandé par le ministre au roi Louis XIII, comme le plus capable de prendre sa propre succession. Le 5 décembre 1642, au lendemain de la mort de son protecteur, celui qui est déjà le parrain du jeune Louis Dieudonné (fils et successeur du souverain) est nommé président du Conseil du roi. Le 14 mai 1643, lorsque Louis XIII meurt à son tour, la reine mère Anne d’Autriche choisit de prendre Mazarin — auquel elle est liée par une grande amitié — comme ministre principal et comme tuteur du nouveau roi Louis XIV, alors âgé de cinq ans.
3 MAZARIN, PRINCIPAL MINISTRE DE LOUIS XIV
3.1 Un ministre contesté durant la régence
3.1.1 La cabale des Importants
Dans la situation peu propice à l’affirmation du pouvoir royal que constitue la période de minorité du monarque, Jules Mazarin, peu aimé de la cour et du peuple en raison de son origine étrangère, est obligé de déjouer de nombreuses cabales, notamment celle des Importants. Cependant, bien décidé à léguer au roi un pouvoir inentamé et tenant de sa formation romaine l’art de louvoyer, Mazarin poursuit la politique absolutiste de Richelieu.
3.1.2 La guerre de Trente Ans en héritage
Mazarin hérite d’une conjoncture extérieure délicate, la France étant engagée depuis 1635 dans la guerre de Trente Ans contre les Habsbourg, présents à la fois en Autriche et en Espagne. Après la victoire française à la bataille de Rocroi (mai 1643), le cardinal Mazarin porte l’offensive du côté de la Bavière. La France enregistre les victoires de Fribourg-en-Brisgau (août 1644), puis de Nördlingen (août 1645) et de Lens (août 1648).
Conclus en octobre 1648, les traités de Westphalie sont perçus par le ministre comme un succès personnel : d’une part, ils apportent au royaume de France la haute et la basse Alsace et, d’autre part, ils consacrent l’affaiblissement des Habsbourg, principaux rivaux de la France.
3.1.3 La Fronde
Cependant, la France ne peut jouir durablement des bénéfices de la paix ; le mécontentement gronde depuis longtemps. La poursuite de la guerre a contraint le gouvernement à lever de nouvelles taxes, provoquant des révoltes populaires en province. De leur côté, les Parlements et la noblesse, titulaires de leurs charges (justice et finance), se sentent menacés par le pouvoir des intendants, investis par le Conseil du roi pour lever les impôts et créer des tribunaux exceptionnels. Née d’une conjonction de facteurs, la Fronde manifeste en fait un refus global des progrès de l’absolutisme et de la centralisation monarchique.
Le 26 août 1648, alors que le Parlement de Paris refuse depuis plusieurs mois l’enregistrement de sept nouveaux édits fiscaux, le cardinal décide d’un coup d’éclat : il fait arrêter trois meneurs de la révolte, notamment le très populaire conseiller Pierre Broussel. Immédiatement éclate une insurrection de la bourgeoisie et des couches populaires parisiennes — connu sous le nom de journées des Barricades — qui prend fin trois jours plus tard avec la libération de Broussel. La Fronde continue cependant dans les esprits. Pendant quatre ans, des revendications non structurées et des pamphlets, chansons, libelles satiriques à l'égard de Mazarin (les mazarinades) animent la capitale. Bien décidés à rétablir l’ordre, le cardinal Mazarin, la reine et le jeune roi quittent clandestinement la capitale pour Saint-Germain dans la nuit du 5 au 6 janvier 1649, pendant que le prince de Condé entame le siège de la capitale. Parlement et bourgeois tentent de résister et confient le commandement d'une milice à des nobles ; le prince de Conti et la duchesse de Longueville (frère et sœur de Condé), alliés au cardinal de Retz, sont l’âme de cette résistance parisienne. En accordant des concessions aux Parlements, la paix de Rueil signée le 30 mars prépare le retour au calme en désamorçant la Fronde parlementaire.
Cependant, la paix de Rueil laisse le peuple et les bourgeois insatisfaits du maintien de Mazarin et de la pression fiscale. Lorsqu’en janvier 1650, Mazarin fait arrêter Condé, Conti et Longueville, une nouvelle rébellion enflamme la Normandie, le Poitou, la Bourgogne et l’Aquitaine : à la Fronde parlementaire succède la Fronde des princes. En janvier 1651, le ralliement au parti des princes de Gaston d’Orléans, jusqu’alors resté fidèle, oblige Mazarin à fuir une première fois à Brühl, près de Cologne, d’où il continue de s’occuper des affaires du pays en entretenant une correspondance permanente avec la reine. Rentré en France en décembre 1651, le cardinal Mazarin a l’adresse de s’éloigner une seconde fois, jouant sur l’apaisement de l’opinion qui commence à se lasser de la ruineuse rébellion des princes. Réfugié à Bouillon pendant près d’un an (avril 1652-février 1653), il fait, peu après le roi, une entrée triomphale dans Paris.
3.2 L’homme du gouvernement après la majorité du roi
Déclaré majeur en septembre 1651, sacré en juin 1654, le roi Louis XIV ne se sépare pas pour autant de son ministre, et lui laisse exercer de fait le pouvoir jusqu’à sa mort. Plus puissant que jamais, Mazarin se consacre désormais à l’éducation du roi.
S’appuyant sur des administrateurs de grande valeur — notamment Hugues de Lionne, Michel Le Tellier, Nicolas Fouquet et son intendant particulier Jean-Baptiste Colbert —, Mazarin est en mesure de redresser les finances du royaume tout en travaillant à en assurer la sécurité. S’il échoue à faire élire Louis XIV au trône impérial (Léopold Ier lui est préféré), il organise, en 1658, avec les princes allemands de confession protestante, la ligue du Rhin, visant à isoler l’empereur germanique en Europe.
Le couronnement de sa carrière est le traité des Pyrénées (7 novembre 1659), qui met fin à la guerre avec l’Espagne, donne à la France l’Artois et le Roussillon, et décide du mariage de Louis XIV avec une princesse espagnole, Marie-Thérèse — ce qui doit, ultérieurement, ouvrir la voie aux prétentions françaises sur la couronne d’Espagne. Peu avant sa mort, Mazarin marie le prince Philippe d’Orléans (frère du roi) avec Henriette d’Angleterre (sœur de Charles II) dans l’objectif de renforcer l’alliance de la France avec ce puissant voisin.
4 UN HOMME D’ÉTAT FORTUNÉ ET MÉCÈNE
Mort dans la nuit du 8 au 9 mars 1661 au château de Vincennes, Jules Mazarin laisse une énorme fortune, estimée à 39 millions de livres tournois. Bénéficiaire des revenus de vingt-neuf abbayes, de six gouvernements, actionnaire de plusieurs compagnies de navigation, il a fait bénéficier sa nombreuse famille de ses largesses et lui a assuré des positions brillantes : son neveu a reçu le duché de Nevers, tandis que ses nièces, renommées pour leur beauté, sont respectivement devenues duchesses de Mercœur et de Bouillon, comtesse de Soissons, princesse Colonna ; la préférée du cardinal, Hortense a, quant à elle, épousé Armand de La Meilleraye, créé duc de Mazarin.
Le cardinal Mazarin a également été un collectionneur d’art éclairé et un grand mécène : fondateur du collège des Quatre-Nations (qui abrite aujourd’hui l’Institut de France), il a ouvert au public sa bibliothèque personnelle (l’actuelle bibliothèque Mazarine) et protégé de nombreux artistes, dont l’homme de lettres Gilles Ménage et le compositeur Jean-Baptiste Lully. On lui doit également l’introduction de l’opéra italien en France.
Haï et méprisé des Français, couvert de libelles pendant la Fronde (les célèbres mazarinades), il a pourtant eu à cœur la grandeur de la France, et, s’il a profité de son pouvoir pour s’enrichir, il a toujours privilégié les intérêts de l’État avant les siens.
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