masochisme
Publié le 06/12/2021
Extrait du document
masochisme n.m. (angl. Maso-chism ; allem. Masochismus). Recherche de la douleur physique ou, plus généralement, de la souffrance et de la déchéance, qui peut être consciente mais aussi inconsciente, notamment dans le cas du masochisme moral.
Le terme de masochisme vient du nom de Leopold von Sacher-Masoch, écrivain autrichien (1836-1895) qui décrivit dans ses romans une attitude de soumission masculine à la femme
aimée, avec recherche de la souffrance et de l'humiliation.
Pour la psychanalyse, le masochisme constitue une des formes dans lesquelles peut s'engager la libido, et cela bien plus souvent que ne le laisserait penser le nombre assez réduit de masochistes au sens trivial de ce terme, c'est-à-dire d'adultes ne pouvant trouver une satisfaction sexuelle que si on leur inflige une douleur déterminée.
La prise en compte de la sexualité infantile montre que la pulsion sexuelle prend couramment dans l'enfance une dimension sadique ou masochiste. Le masochisme y apparaît plus précisément comme un renversement du sadisme (activité transformée en passivité) et un retournement sur la personne propre. Freud relève par ailleurs qu'originairement le sadisme vise plutôt à l'humiliation ou à la domination de l'autre. C'est dans le renversement masochiste que la sensation de douleur peut se lier à l'excitation sexuelle. Alors seulement le but sadique d'infliger des douleurs à autrui peut aussi apparaître, ce qui veut dire qu'à ce moment-là «on jouit soi-même de façon masochiste dans l'identification avec l'objet souffrant «.
Le masochisme infantile cède généralement au refoulement. Il subsiste
dès lors dans l'inconscient sous forme de fantasmes. Ces fantasmes peuvent faire retour à la conscience, généralement avec une formulation transformée. C'est le cas notamment du fantasme « un enfant est battu «, célèbre parce que Freud lui a consacré un des articles les plus importants en ce qui concerne la théorie psychanalytique du fantasme*.
Cette représentation fantasmatique, indique-t-il, est avouée avec une fréquence étonnante chez les sujets hystériques ou obsessionnels qui ont demandé une analyse. Il s'y rattache des sentiments de plaisir et souvent une satisfaction onanistique, éventuellement rejetée et revenant alors de façon compulsionnelle. Freud démonte, à partir de quatre cas, tous féminins, les différents temps de ce fantasme. Un premier temps où le fantasme se présente sous la forme «le père bat l'enfant haï par moi «, forme témoignant d'une rivalité infantile primitive. Le second, reconstruit par l'analyse, où c'est le sujet lui-même qui est battu: «Je suis battu(e) par le père. « À cette étape, masochiste, le fait d'être battu satisfait la culpabilité oedipienne et permet en même temps l'obtention d'un plaisir sur un mode régressif. Ce n'est que dans une troisième étape que le fustigateur comme l'enfant battu perdent toute identité définie, ce qui permet au fantasme de se maintenir conscient sous cette nouvelle forme, tolérée cette fois par la censure.
Si cet article limite la place du masochisme, dont il fait un des temps du fantasme, et un temps qui n'est que le renversement d'un fantasme sadique, un article ultérieur, «le Problème économique du masochisme «, datant de 1924, c'est-à-dire postérieur à l'hypothèse de la pulsion de mort, lui donne une portée bien plus grande en distinguant un masochisme érogène, un masochisme féminin et un masochisme moral.
En ce qui concerne le masochisme érogène, Freud reprend les thèses antérieures selon lesquelles il y a masochisme érogène dès lors que le plaisir est lié à la douleur. Il continue également à distinguer le fantasme masochiste de sa réalisation perverse. L'idée d'un masochisme spécifiquement féminin a été historiquement controversée. Si des psychanalystes comme H. Deutsch la reprennent et en font une condition indispensable pour assumer «la fonction de reproduction «, nombre d'auteurs, y compris des psychanalystes, l'ont rejetée. Il est d'ailleurs intéressant de noter que Freud décrit surtout ce masochisme «féminin« chez des hommes dont le fantasme masochiste serait d'être castré, de subir le coït ou d'accoucher.
Le masochisme moral est celui de ces sujets qui n'attendent pas leur souffrance d'un partenaire mais qui s'arrangent pour l'obtenir des diverses circonstances de la vie, témoignant ainsi d'une sorte de «sentiment inconscient de culpabilité« ou, si cette expression parait trop paradoxale, d'un «besoin inconscient de punition«. Cette forme de masochisme peut paraître totalement désexualisée et relever par là d'un besoin d'autodestruction, lui-même référable à la pulsion de mort. Mais Freud indique que le besoin de punition, lorsqu'il se révèle comme désir d'être battu par le père, peut renvoyer à celui d'avoir des rapports sexuels passifs avec lui. Ainsi, même cette forme de masochisme relève de l'intrication des pulsions.
Lacan s'est intéressé à la question du masochisme. Il a notamment tenté de démontrer que, en se faisant objet, en se faisant déchet, le masochiste vise à provoquer l'angoisse de l'Autre, un Autre qu'il faut situer au-delà du partenaire du pervers, un Autre qui à la limite se confondrait ici avec Dieu. En fait, ce que l'on peut surtout saisir, c'est qu'il y a une pente de tout sujet vers le
masochisme précisément en ce que l'Autre, où chacun cherche le sens de l'existence, l'Autre auquel nous posons la question de notre être, ne répond pas. Dès lors, curieusement, le sujet suppose le pire et n'est jamais si assuré d'exister aux yeux de l'Autre que lorsqu'il souffre.