Marcel PAGNOL (Un ancien professeur, Topaze, explique à son ami Tamise, encore enseignant, l'importance de l'argent.)

« Marcel PAGNOL (Un ancien professeur, Topaze, explique à son ami Tamise, encore enseignant, l'importance del'argent.) TOPAZE.

— Ah! l'argent...

Tu n'en connais pas la valeur...

Mais ouvre les yeux, regarde la vie, regarde tescontemporains...

L'argent peut tout, il permet tout, il donne tout...

Si je veux une maison moderne, une fausse dentinvisible, la permission de faire gras le vendredi, mon éloge dans les journaux ou une femme dans mon lit,l'obtiendrai-je par des prières, le dévouement, ou la vertu? Il ne faut qu'entrouvrir ce coffre et dire un petit mot : « combien? » (Il a pris dans le coffre une liasse de billets.)Regarde ces billets de banque, ils peuvent tenir dans ma poche, mais ils prendront la forme et la couleur de mondésir.

Confort, beauté, santé, amour, honneur, puissance, je tiens tout cela dans ma main...

Tu t'effares, monpauvre Tamise, mais je vais te dire un secret : malgré les rêveurs, malgré les poètes et peut-être malgré mon cœur,j'ai appris la grande leçon; Tamise, les hommes ne sont pas bons.

C'est la force qui gouverne le monde, et cespetits rectangles de papier bruissant, voilà la forme moderne de la force. Tamise.

— Il est heureux que tu aies quitté l'enseignement, car si tu redevenais professeur de morale...

Topaze.

—Sais-tu ce que je dirais à mes élèves? (Il s'adresse soudain à sa classe du premier acte) «Mes enfants, lesproverbes que vous voyez au mur de cette classe correspondaient peut-être jadis à une réalité disparue.Aujourd'hui on dirait qu'ils ne servent qu'à lancer la foule sur une fausse piste, pendant que les malins se partagentla proie; si bien qu'à notre époque le mépris des proverbes, c'est le commencement de la fortune...

» Si tesprofesseurs avaient eu la moindre idée des réalités, voilà ce qu'ils t'auraient enseigné, et tu ne serais pasmaintenant un pauvre bougre. Tamise.

— Mon cher, je suis peut-être bougre, mais je ne suis pas pauvre. Topaze.

— Toi? tu es pauvre au point de ne pas le savoir. Marcel PAGNOL sujets au choix 1) Topaze propose à Tamise de venir travailler avec lui; rentré chez lui, Tamise en discute avec son épouse.Imaginez.2) Développez, à votre gré, l'un des thèmes fournis par ce texte.3) Présentez, en les ordonnant, les impressions que ce texte produit en vous et les réflexions qu 'il vous suggère.conseils Sujet 1 • Vous disposez de très peu d'éléments pour caractériser Tamise.

On vous dit qu'il est «enseignant».

Vous noterezqu'il semble attaché aux leçons de morale (qui ont été pendant très longtemps l'un des moments importants de laclasse) et qu'il proteste contre le qualificatif de «pauvre» qui lui est décerné par Topaze.

A sa manière, il révèredonc l'argent : le cynisme de son ancien collègue le heurte, mais il ne veut pas qu'il soit dit que sa condition estcelle d'un pauvre, quand bien même on le traiterait de bougre...

c'est-à-dire d'idiot! • Il serait habile de jouer sur cette ambiguïté dans votre dialogue : De toute évidence, l'argent est un dieu que l'on respecte.

C'est moins la richesse que la malhonnêteté quecondamne Tamise.

S'il lui était donné de devenir riche sans se salir les mains, ses préventions tomberaient sansdoute facilement.

Gageons que son épouse ne raisonnera pas autrement. Nous l'imaginons volontiers disant à son «pauvre bougre» : «Avec tes grands principes, tu nous laisses stagner dans la médiocrité.

Topaze est moins sot; lui au moins a suréussir! On ne se nourrit pas de discours vertueux!» • Libre à vous cependant d'imaginer une Madame Tamise plus intègre encore que son mari et pleine de mépris pourcette «crapule» de Topaze. • En toute hypothèse, la discussion sera vive.

Elle met en jeu beaucoup d'éléments passionnels : la réussite, lebonheur, l'honnêteté, la jalousie, l'envie, la tentation...

On discutera ferme chez les Tamise! Sujet 2 • Les thèmes fournis par ce texte sont autant de rayons qui gravitent autour d'un même centre : l'argent. Zola en a fait le titre d'un de ses romans.

Balzac l'a placé au cœur de sa Comédie humaine.

Vous n'êtes pas enterrain vierge, attention aux banalités!. »