Marcel AYMÉ,Le Passe-Muraille, « Les Bottes de Sept Lieues »
Publié le 15/05/2020
Extrait du document
«
Antoine Buge f et quelques camarades, après l'école et au lieu de rentrer à la maison, jouent dans les rues.
Ils se sont donné rendez-vous devant une boutique de « bric-à-brac ». Dans la vitrine, parmi les objets bizarres, figurent des bottes désignées comme des « Bottes de Sept Lieues »
Elles étaient étrangement belles, d'une somptuosité qui étonnait, au milieu des autres objets de la vitrine, presque tous misérables et laids.
En cuir verni noir, souple et fin, faites à la mesure d'un enfant de leur âge, elles étaient garnies intérieurement d'une fourrure blanche débordant sur le cuir où elle formait un revers neigeux.
Les bottes avaient une élégance fiére et cambrée qui intimidait un peu, mais cette fourrure blanche leur donnait la grâce d'un tendre caprice.
Buge et Baranquin, arrivés les premiers, s'étaient placés en face des bottes, le nez sur la vitre, et n'échangeant que de rares paroles.
Leur ravissement était à peu prés inexprimable et ressemblait à un rêve heureux dans lequel on reprend, de temps à autre, une conscience un peu douloureuse de la vie qui attend.
Chaussant les bottes de sept lieues, Antoine vivait une aventure confuse et ardente et, songeant à sa mère, à leur mansarde où elle venait de rentrer seule, il reprenait haleine le temps d'un remords, d'un regard sur la vie qui attendait, de ce côté de la vitrine où il se trouvait lui-même, si près d'elle dans la nuit et dans l'hiver, qu'elle soufflait par sa bouche une petite buée sur le carreau.
Par instants, derrière les bottes, les deux enfants apercevaient la silhouette du marchand, détenteur de ces merveilles.
L'intérieur de la boutique, de même que l'étalage, était éclairé par une ampoule suspendue au bout d'un fil, sans abat-jour, et dont la lumière jaune ne permettait pas de distinguer bien sûrement les objets.
Marcel AYMÉ,
Le Passe-Muraille, « Les Bottes de Sept Lieues » (1943)
1.
En référence au conte de Charles Perrault : Le Chat Botté.
Vous étudierez ce texte sous forme de commentaire composé. Vous pourrez vous interroger, en particulier, sur la technique des descriptions, et sur le comportement des personnages en montrant comment l'atmosphère de merveilleux prend appui sur des détails réalistes.
développement
Pour la clarté de l'exposé, ce développement est présenté avec des titres. Sur la copie, la rédaction doit se lier de façon continue.
Première partie : les détails réalistes
On remarque l'extrême précision de la description en ce qui concerne les bottes. a.
La matière : « cuir » et « fourrure » ; l'un « souple et fin », lisse et dépouillé, l'autre plus luxueux, doux et même tendre.Les couleurs : le noir et le blanc.
Chacune d'entre elles met l'autre en valeur.Le « vernis noir» correspond à «élégance fière » que l'on pourrait peut-être interpréter comme une qualité masculine,tandis que le blanc de la fourrure, qui a « la grâce d'un tendre caprice », s'apparente davantage à une séduction féminine.
Transition. Cette précision et cette beauté rompent avec la grisaille du monde environnant.
Le texte date de 1943 et si la guerre n'est pas perceptible dans la nouvelle, la pénurie et la pauvreté se font dramatiquement sentir.
Le monde environnant
Les objets de l'étalage.
Dans ce passage, l'auteur ne décrit pas ces marchandises.
Elles sont simplement évoquées par leur aspect « misérable » et « laid ».
Le premier adjectif comporte une notion de pauvreté, peut-être de faiblesse, qui contraste a^ec la « fière » allure des bottes.
La laideur du cadre, des autres objets met, bien évidemment, en valeur la beauté de l'objet convoité.
A noter, cependant, que Marcel Aymé, dans une page qui précède, fait l'inventaire de la boutique et des « occasions pour connaisseurs » qu'elle recèle.
Citons par exemple :
« une table de cuisine en bois blanc rongée par l'eau de Javel » qui passe pour « le bureau champêtre de la reine Hortense »,
« le moulin à café de la du Barry »,.
»
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