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Manon Lescaut, Abbé Prévost (1731) Première rencontre

Publié le 21/06/2024

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« Manon Lescaut, Abbé Prévost (1731) Première rencontre 1 5 10 15 20 25 30 35 J’avais marqué le temps de mon départ d’Amiens. Hélas ! que ne le marquai-je un jour plus tôt ! j’aurais porté chez mon père toute mon innocence.

La veille même de celui que je devais quiter cete ville, étant à me promener avec mon ami, qui s’appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d’Arras, et nous le suivîmes jusqu’à l’hôtellerie où ces voitures descendent. Nous n’avions pas d’autre moif que la curiosité.

Il en sorit quelques femmes qui se reirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui s’arrêta seule dans la cour, pendant qu’un homme d’un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur, s’empressait pour faire irer son équipage des paniers.

Elle me parut si charmante, que moi, qui n’avais jamais pensé à la diférence des sexes, ni regardé une ille avec un peu d’atenion ; moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enlammé tout d’un coup jusqu’au transport.

J’avais le défaut d’être excessivement imide et facile à déconcerter ; mais, loin d’être arrêté alors par cete faiblesse, je m’avançai vers la maîtresse de mon cœur.

Quoiqu’elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée.

Je lui demandai ce qui l’amenait à Amiens, et si elle y avait quelques personnes de connaissance.

Elle me répondit ingénument qu’elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse.

L’amour me rendait déjà si éclairé depuis un moment qu’il était dans mon cœur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs.

Je lui parlai d’une manière qui lui it comprendre mes seniments ; car elle était bien plus expérimentée que moi : c’était malgré elle qu’on l’envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui s’était déjà déclaré, et qui a causé dans la suite tous ses malheurs et les miens.

Je combais la cruelle intenion 40 45 50 55 de ses parents par toutes les raisons que mon amour naissant et mon éloquence scolasique purent me suggérer. Elle n’afecta ni rigueur ni dédain.

Elle me dit, après un moment de silence, qu’elle ne prévoyait que trop qu’elle allait être malheureuse ; mais que c’était apparemment la volonté du ciel, puisqu’il ne lui laissait nul moyen de l’éviter.

La douceur de ses regards, un air charmant de tristesse en prononçant ces paroles, ou plutôt l’ascendant de ma desinée, qui m’entraînait à ma perte, ne me permirent pas de balancer un moment sur ma réponse.

Je l’assurai que si elle voulait faire quelque fond sur mon honneur et sur la tendresse ininie qu’elle m’inspirait déjà, j’emploierais ma vie pour la délivrer de la tyrannie de ses parents et pour la rendre heureuse.

Je me suis étonné mille fois, en y réléchissant, d’où me venait alors tant de hardiesse et de facilité à m’exprimer ; mais on ne ferait pas une divinité de l’amour, s’il n’opérait souvent des prodiges : j’ajoutai mille choses pressantes. Si vous voulez lire le roman en enier : Manon Lescaut Voici le plan de l'explication tel que je l'ai suivi dans la vidéo Lecture analyique Première rencontre Introducion : Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, publiée en 1731 par l’Abbé Prévost.

Narraion à la 1ère personne par le personnage-narrateur, Des Grieux de son histoire. · Dans la lignée des grandes histoires d’amour tradiionnelles (Roméo & Juliete, Princesse de Clèves, Educaion Senimentale…), celle de Manon Lescaut manifeste avec force la puissance et la soudaineté du seniment amoureux. · Elément qui reient la curiosité du lecteur : scène de la 1ère rencontre. 1.

Un événement soudain et inatendu 2.

Un bouleversement intérieur 3.

La marque de la fatalité · 1.

Un événement soudain et inatendu · · · · 3 : DG à la fois narrateur et commentateur de sa propre histoire.

Phrase au condiionnel « j’aurais porté chez mon père… » souligne implicitement la perte de l’ « innocence » événement symbolique et soudain : sorie de l’enfance. 6-9 : Récit factuel dont la foncion est de donner rapidement un cadre à la rencontre. Resserrement du cadre : Le coche, « quelques » femmes (pluriel), « une » (singulier) 13 : Adv intensif « si », la désigne elle, en miroir avec « moi qui… » et « moi dont… », expression de l’innocence du narrateur. 17 : Phrase longue dont le lecteur atend la clôture « tout d’un coup » = soudaineté et « jusqu’au transport » = puissance. 2.

Un bouleversement intérieur · · · · · 18-21 : Opposiion entre habitude (imparfait, « j’avais ») et acion entreprise (p. simple, « je m’avançai » 30 : Timidité abolie dans le mouvement, mais aussi dans la parole « Je lui parlai » et parole eicace « d’une manière qui lui it comprendre mes seniments » style allusif. 35 : Parole devient une acion « je combais » 46 : Engagement de la foi « je l’assurai » 51 : Regard rétrospecif étonné du narrateur.

Explicaion divine, Amour allégorisé. 3.

La marque de la fatalité · · · 27 : « L’amour » sujet, « me » COD. 2 : Prolepse due à la diférence de point de vu entre narrateur et personnage, excite la curiosité du lecteur.

Le place en état d’atente. 33-35 : « penchant au plaisir » Explicaion par la passion, le caractère, l’intérieur, autre instrument de la fatalité.

Prolepse car la fatalité lie présent et avenir. · · · 21 : Dès les premiers moments, elle est désignée comme « maîtresse de mon cœur ». Prise de possession. 44 : Explicaions tentées puis remplacées par la véritable, en forme d’acceptaion : « ou plutôt l’ascendant de ma desinée » 55 : Acceptaion de son propre desin et même surenchère « mille choses pressantes » CCL : · Côté tragique et fatal dans cete histoire, même s’il ne se présente pas avec la même pureté que dans une tragédie théâtrale.

Rôle de l’argent, instrument de la nécessité. Je vous joins ici un autre exemple d'explicaion du même extrait.

Atenion toutefois, il n'est pas de moi.

A uiliser pour informaion et avec discernement. Antoine François Prévost (1697-1763) eut une vie aventureuse et rocambolesque, en contradicion avec son itre ecclésiasique d'abbé.

Sa naissance dans une famille aisée de la noblesse de robe lui a permis de suivre une éducaion soignée.

Il fut un érudit à l'incroyable ardeur de vivre, qui s'est lancé à découverte du monde : il s'est engagé plusieurs fois dans l'armée, a efectué plusieurs noviciats chez les jésuites, est devenu bénédicin en 1721, a efectué de nombreux voyages en Europe, notamment en Hollande ou à Londres en Angleterre : il était criblé de detes et vicime d'une letre de cachet.

Il meurt d'apoplexie en 1763. Manon Lescaut, dont le itre original est Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut est le sepième tome des Aventures et Mémoires d'un homme de qualité qui s'est reiré du monde.

Publié une première fois en 1731 puis une deuxième fois en 1753, Manon Lescaut est une œuvre majeure du XVIIIème siècle qui s'inscrit dans le mouvement du retour de la sensibilité après le raionalisme des Lumières.

L'abbé Prévost, metant à proit son art du récit et de la mise en scène, dépeint un « exemple terrible de la force des passions ».

Le personnage de des Grieux, soumis à l'amour irrésisible de Manon, est peu à peu entraîné vers la déchéance. Cet extrait de Manon Lescaut, de l'abbé Prévost, consitue une scène atendue du roman : la rencontre amoureuse.

Dans cete scène inaugurale, le lecteur peut déjà imaginer la desinée de ceux qui ne sont pas encore amants.

Le hasard d’un évènement (la lânerie désœuvrée de Des Grieux qui, en compagnie de son ami Tiberge, atend son départ ixé au lendemain) met en présence Des Grieux et Manon qui débarque du coche d’Arras.

C’est le coup de foudre immédiatement.

Ce récit du premier souvenir est placé tout enier sous l’éclairage des suites fatales de l’aventure.

Deux regards se superposent : celui du jeune chevalier, charmé par Manon et celui d’un narrateur mûri par l’expérience douloureuse de la passion : récit et confession se conjuguent pour poser pour la première fois l’une des quesions fondamentales du roman : Qui est Manon ? La scène est donc l'objet d'un récit rétrospecif : avec le recul du temps, le narrateur se montre capable de porter un jugement criique sur sa vulnérabilité d'alors.

Pour cete raison, le récit nous fait l'analyse psychologique, lucide et ironique de cete rencontre amoureuse. Annonce des axes I.

Une rencontre sous forme de coup de foudre 1.

Un portrait allusif de Manon 2.

La rencontre II.

Le plaidoyer et le travail.... »

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