Manon Lescaut 1 J’avais marqué le temps de mon départ d’Amiens.
Publié le 27/06/2024
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«
Manon Lescaut 1
J’avais marqué le temps de mon départ d’Amiens.
Hélas ! que ne le marquais-je un jour plus tôt ! j’aurais porté chez
mon père toute mon innocence.
La veille même de celui que je devais quitter cette ville, étant à me promener avec
mon ami, qui s’appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d’Arras, et nous le suivîmes jusqu’à l’hôtellerie où ces
voitures descendent.
Nous n’avions pas d’autre motif que la curiosité.
Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent
aussitôt.
Mais il en resta une, fort jeune, qui s’arrêta seule dans la cour pendant qu’un homme d’un âge avancé, qui
paraissait lui servir de conducteur s’empressait pour faire tirer son équipage des paniers 1.
Elle me parut si charmante
que moi, qui n’avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d’attention, moi, dis-je,
dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d’un coup jusqu’au transport.
J’avais le défaut d’être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais loin d’être arrêté alors par cette faiblesse,
je m’avançai vers la maîtresse de mon cœur.
Quoiqu’elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses
sans paraître embarrassée.
Je lui demandai ce qui l’amenait à Amiens et si elle y avait quelques personnes de
connaissance.
Elle me répondit ingénument qu’elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse.
L’amour
me rendait déjà si éclairé, depuis un moment qu’il était dans mon cœur, que je regardai ce dessein comme un coup
mortel pour mes désirs.
Je lui parlai d’une manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus
expérimentée que moi.
C’était malgré elle qu’on l’envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au
plaisir qui s’était déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens.
Je combattis la cruelle
intention de ses parents par toutes les raisons que mon amour naissant et mon éloquence scolastique 2 purent me
suggérer.
Elle n’affecta ni rigueur ni dédain.
Elle me dit, après un moment de silence, qu’elle ne prévoyait que trop
qu’elle allait être malheureuse, mais que c’était apparemment la volonté du Ciel, puisqu’il ne lui laissait nul moyen
de l’éviter.
La douceur de ses regards, un air charmant de tristesse en prononçant ces paroles, ou, plutôt, l’ascendant
de ma destinée qui m’entraînait à ma perte, ne me permirent pas de balancer un moment sur ma réponse.
Je l’assurai
que, si elle voulait faire quelque fond3 sur mon honneur et sur la tendresse infinie qu’elle m’inspirait déjà,
j’emploierais ma vie pour la délivrer de la tyrannie de ses parents, et pour la rendre heureuse.
Je me suis étonné
mille fois, en y réfléchissant, d’où me venait alors tant de hardiesse et de facilité à m’exprimer ; mais on ne ferait
pas une divinité de l’amour, s’il n’opérait souvent des prodiges.
Abbé Prévost, Manon Lescaut, 1731.
1.
Tirer ses bagages des coffres en osier à l’arrière de la voiture.
2.
Propre aux écoles de théologie ; par extension : apprise à l’école où l’art du discours oratoire était enseignée.
3.
Accorder du crédit, faire confiance à.
INTRODUCTION
Accroche:
Vie mouvementée de l’Abbé Prévost
1.
(Né en 1697 à Hesdin, éducation chez les jésuites.
2.
Entre chez les bénédictins à 17 ans.
3.
Quitte le monastère en 1721, s'engage brièvement dans l'armée.
4.
Exil en Angleterre en 1728 pour échapper aux dettes et scandales, écrit des romans pour
survivre.
5.
Voyage fréquemment entre la France, les Pays-Bas et l'Angleterre pour éviter les poursuites
des autorités.
6.
Publie "Manon Lescaut" en 1731 sous le nom de l’"Histoire du Chevalier des Grieux et de
Manon Lescaut".
(Règne Louis XVI) Jugée scandaleux pour son contenu, le roman est
condamnée en 1733 et 1735.
) Avec cette œuvre, il devient un des maitres incontestables des
lumières.
Sous le règne de Louis XV, dans une période de retour à une morale rigoureuse
après les années de La Régence, l’abbé Prévost, exilé en Hollande, publie Manon Lescaut
sous le nom de l’l’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut
en 1731.
Jugé scandaleux pour son contenu immorale , le roman est condamné en 1733 et 1735.
Le roman de l'abbé Prévost (1697-1763) constitue le tome VII des Mémoires et aventures d'un
homme de qualité.
Le personnage fictif qui s'en dit l'auteur, M.
de Renoncour, fait une pause après les six premiers
tomes des Mémoires pour raconter la relation amoureuse interdite liant DG, un jeune noble, et
Manon Lescaut, issu d’une famille modeste qui décide de l’envoyer au couvent à cause de son
penchant à la prostitution.
Cette relation leur est interdit au vue des différences de classes
sociales qui les opposent.
Malgré tout, l’intensité de cette passion amoureuse les conduits à de
nombreuses aventures tumultueuses et à des sacrifices tragiques dans le but de rester
ensemble et de préserver leur amour, défiant ainsi les normes sociales.
Situation :
L'extrait se situe au début de "Manon Lescaut", lorsque DG rencontre M à Amiens qui
s’apprêter à être envoyer au couvent et décide de s'enfuir avec elle à Paris.
Ce passage montre leur relation passionnée et impulsive, marquée par la rébellion contre
les normes sociales.
Manon y est présentée comme une figure complexe, à la fois innocente et séductrice.
La description des sentiments de des Grieux est très vive et montre l'intensité de sa passion
naissante.
Comment l’Abbé Prévost fait de ce coup de foudre un moment-clé du roman,
bouleversant la destinée des deux personnages?
1.
Une rencontre bouleversante entre DG et M
2.
Deux personnages ambivalents
3.
Un première échange qui fait basculer leur destin
1.
Une rencontre bouleversante entre DG et M
1.
Un moment-clé :
*Phrase
simple → « J’avais
Interjection → « Hélas ! »
marqué
le
temps
de
mon
départ
d’Amiens.
»
L’interjection négative « Hélas » marque une rupture qui surprend et met en garde le
lecteur.(moment-clé du roman)
*Phrase exclamative et négative → « que ne le marquais-je un jour plus tôt ! »
«Que ne le marquais-je un jour plus tôt ! » signifie "Si seulement j’étais parti plus tôt !".
Cette
formulation exprime les remords de DG parce qu'il regrette de ne pas avoir quitté Amiens
avant de rencontrer Manon.
Cela montre qu'il reconnaît que sa vie aurait pu être différente,
et probablement moins tragique, s'il avait agi autrement.
En exprimant ce regret, il laisse
présager un avenir terrible, suggérant que sa rencontre avec Manon va entraîner des
conséquences négatives et des épreuves difficiles.
*Présentation du contexte spatio-temporel
« vieille » « ville »
Lexique de l’oisiveté, de la curiosité → « étant à me promener », « pas d’autre motif que la
curiosité »
Le narrateur plante le décor.
Ici, sa curiosité entrainée par son oisiveté sera par la suite la
cause de nombreuses tragédies.
Ainsi sa curiosité est présenté comme un vilain défaut.
* Passé simple → « nous le suivîmes »
C’est l’élément déclencheur qui nous fait sortir de cette situation initiale.
Le narrateur exprime un profond regret d'avoir laissé sa curiosité oisive le conduire vers la
rencontre avec Manon précédée par l'expression d'un coup de foudre qui bouleversera sa vie.
Le coup de foudre :
*Antithèse
« il en sortit quelques femmes … Mais il en resta une »
Connecteur d’opposition
«Mais »
Formule impersonnelle
« il en resta une »
DG met en valeur de l’arrivée de Manon avec le connecteur d’opposition « Mais » et
également la formule impersonnelle « il en resta une »: M semble se distinguer des autres
femmes (Mais il en resta une).Ainsi DG semble être ébloui par la beauté de M.
*Adverbe
d’intensité (formule superlative)
« Elle me parut si charmante »
DG ne décrit pas M.
Mais, il souligne le charme qu’elle exerce sur lui.
*Propositions subordonnées relatives
« qui n’avais jamais pensé à la différence des sexes »,
« dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue »
DG souligne la façon dont il s’est longtemps comporté avec les femmes.
Il se....
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