Malebranche (Nicolas): la méditation de la vérité

« Il est vrai que les enfants ne paraissent pas fort propres pour la méditation de la vérité et pour lessciences abstraites et relevées, parce que, les fibres de leur cerveau étant très délicates, elles sont trèsfacilement agitées par les objets même les plus faibles et les moins sensibles ; et leur âme ayantnécessairement des sensations proportionnées à l'agitation de ces fibres, elle laisse là les penséesmétaphysiques de pure intellection, pour s'appliquer uniquement à ses sensations.

Ainsi, il semble que lesenfants ne peuvent pas considérer avec attention les idées pures de la vérité, étant si souvent sifacilement distraits par les idées confuses des sens.

Cependant on peut répondre, premièrement, qu'il estplus facile à un enfant de sept ans de se délivrer des erreurs où les sens le portent, qu'à une personne desoixante qui a suivi toute sa vie les préjugés de l'enfance.

Secondement, que si un enfant n'est pascapable des idées claires de la vérité, il est du moins capable d'être averti que ses sens le trompent entoutes sortes d'occasions ; et si on ne lui apprend pas la vérité, du moins ne doit-on pas l'entretenir ni lefortifier dans ses erreurs.

Malebranche.

Le thème de l'enfant a connu un regain d'attention au 18 ème siècle.

Les lumières, partisans d'une visionprogressiste de l'histoire, mise en effet sur l'éducation de l'enfant pour améliorer le monde et la connaissance del'humanité.

Kant, ainsi un peu plus tard que Malebranche, donnera des règles et des conseils pour éduquer lesenfants.

Pourtant, Malebranche est l'un des premiers à s'intéresser de manière objective à l'enfant.

Dans ce texte, ilréfléchit sur la capacité des enfants d'atteindre la vérité.

Ne sont-ils pas physiologiquement plus portés à ressentirqu'à réfléchir ? Mais n'est—il pas plus facile de les tourner vers la vérité ? Les enfants sont constitués de telle manière qu'ils ne peuvent s'abstraire des sensations- Malebranche semble ici reprendre une opinion commune sur la constitution du cerveau des enfants.Les enfants ne sont pas ouverts aux vérités abstraites pour des raisons semble-t-il d'extrême sensibilité des fibresdu cerveau.

Celles-ci sont tellement sensibles que chaque objet, même très faible, touche les sens et sontrenvoyées jusqu'au cerveau.- De fait, l'enfant éprouve toujours des sensations et est attiré par elles.

Il semble alors impossible de se détacherdu sensible, de s'abstraire.

On retrouve ici une tradition qui n'étudie pas les spécificités de l'enfant, mais qui ledéfinit dans des traits négatifs, c'est un homme à qui il manquerait des capacités et fonctions telle que la raison.L'enfance serait donc décrite comme une faiblesse.- Malebranche parle en effet des pensées de « pure intellection ».

Selon lui, la vérité s'atteindrait donc pas desidées totalement séparées du monde.

Ses idées semblent ne pas pouvoir s'épanouir si elles sont troublées par lessens.

1ère objection : les enfants peuvent se libérer des erreurs - Pourtant, il semble que Malebranche n'accepte cette idée que pour mieux la réfuter par la suite.

Il tente ensuited'expliquer en quoi l'enfant peut se libérer de l'erreur.- L'enfant en effet, n'a pas encore pris de mauvaises habitudes.

Son cerveau et sa manière de penser sont encore« vierges ».

Il peut donc se détourner plus facilement des erreurs des sens.Un homme qui pendant soixante ans durant a cru aux témoignages de ses sens a pris l'habitude psychologique etphysiologique de s'en référer et il sera difficile de lui prouver le contraire.Penser à la difficulté qu'a eu Copernic de prouver que la terre n'était pas au centre de l'univers parce que leshommes ont toujours grandi avec cette idée et ne pouvaient pas s'en détacher.

Penser aussi à la caverne de Platonoù les hommes restaient dans la caverne ne veulent pas admettre que les ombres ne sont pas la vérité.- Un enfant puisqu'il n'a pas vécu longtemps avec la certitude d'une chose, peut se détacher de la vision de sessens.

Si on lui dit très tôt que la terre est ronde, il pourra se détourner des sens puisqu'il n'a pas encore l'habitudede les suivre aveuglément.

2ème objection : l'éducation ne doit pas conforter les erreurs de l'enfant - Malebranche affirme que même si l'enfant n'est pas encore capable d'une vérité et « d'idées claires », du moins,l'éducation a le rôle de les empêcher de rester dans l'erreur.

Malebranche refuse en effet que l'on considère lesenfants comme des enfants et qu'on les laisse dans l'illusion.En se faisant, l'enfant se dirige tout de même vers la vérité, puisqu'il s'éloigne de ses erreurs.- Pourtant, il faut bien comprendre que dans la doctrine de Malebranche détache la naissance de nos idées dusensible.

Les idées vraies sont des idées qui ne sont que rationnelles et divines.- Mais, n'y a t il pas un danger à former des enfants dans le déni des sensations et du réel matériel ?Il s'agit en effet de prendre conscience que nos sens peuvent nous tromper mais apprendre à nous servir d'eux.

Ainsi, Malebranche part d'une opinion commune( que les enfants sont incapables d'atteindre la vérité) pour semble-t-il essayer de la réfuter.

Si les fibres du cerveau des enfants sont très sensibles et l'amènent à ne se consacrerqu'aux sensations, son âme n'a cependant pas pris l'habitude mauvaise de tenir vrai toutes les sensations des sens.Par son âge, son âme n'a pas encore pris un pli, on peut donc le détourner de ses erreurs par l'éducation.

Ici lephilosophe fait apparaître le rôle des adultes dont le rôle est de détourner l'enfant de ses erreurs.

Cependant lephilosophe professe une doctrine qui voit le réel séparé des idées.

La postérité réhabilitera le sensible.. »