Maître Eckhartvers 1260-1328Fils de seigneurs thuringiens, né à Hochheim, Eckhart
Publié le 22/05/2020
Extrait du document
«
Maître Eckhart
vers 1260-1328
Fils de seigneurs thuringiens, né à Hochheim, Eckhart présente certains traits d'un
“ noble ” chevalier, et c'est à ce titre que les propagandistes hitlériens, se méprenant sur
des formules dont certaines viennent directement de saint Bernard, l'ont magnifié comme
le pur représentant de la race germanique, comme l'adversaire du légalisme romain et du
littéralisme juif.
En vérité, c'est surtout de Plotin qu'il est proche, souvent aussi de ces
Upanishads, dont il ignorait jusqu'à l'existence.
À la différence pourtant de ses plus
célèbres disciples, Tauler et Seuse, il ne nourrit, à l'égard des écoles, aucune méfiance
systématique.
Jeune dominicain bien doué, on l'envoie à Paris chez ses confrères de la rue
Saint-Jacques ; ayant bien argumenté contre les franciscains, le nouveau docteur retourne
en Allemagne et occupe dans son ordre d'importantes fonctions.
Mais c'est comme
prédicateur qu'il connaîtra un grand succès, en Saxe, puis à Strasbourg et à Cologne.
En
1325, ses ennemis s'émeuvent de telles de ses formules : le monde a existé de toute
éternité ; en toute œ uvre, bonne ou mauvaise, brille également la gloire de Dieu, la prière
de demande est un véritable blasphème ; ce que l'Ecriture dit du Christ vaut pour tout
homme bon et déifié… Après un long procès où les dominicains s'affairent pour épargner
une humiliante condamnation à celui qu'ils considèrent comme la lumière de l'ordre, Jean
XXII déclare en 1329 vingt-huit propositions eckhartiennes “ hérétiques ” ou
“ malsonnantes ”.
Jusqu'au bout, le maître, sans rien renier de sa doctrine, a prétendu
qu'on se méprenait sur le sens de ses formules, mais il semble qu'il soit mort quelques
mois avant la promulgation de la Bulle In agro .
Le “ connaître ” qu'Eckhart oppose, dans ses Questions parisiennes , non seulement au
vouloir et à l'aimer — ce qui lui vaut l'ire franciscaine — mais à l'être même, c'est-à-dire au
mouvement par lequel l'insondable “ Déité ” (correspondant à l'Un plotinien) s'exprime
hors d'elle-même, n'a rien d'un “ secret ”, qui se transmettrait par tradition ésotérique.
C'est par union purement mystique que l'homme dépossédé de soi se fond dans cette
source où il retrouve ce qui en lui est “ incréé ” et même “ incréable ” : cette “ raison ”,
cette “ cime ”, cette “ étincelle ”, ce “ fond ”, dont les relations à la Déité ressemblent fort
aux liens qui unissent dans la tradition védantique, l'Atman au Brahman.
De plus en plus, d'ailleurs, Eckhart appellera unité ce qu'il désignait d'abord, très
paradoxalement, comme raison ou connaissance.
Mais ce qui lui importe plus que toutes
les théories, c'est la très simple leçon de sagesse qu'il répète dans chacun de ses sermons :
devenez parfaitement pauvres, vides et purs, dépouillez-vous de toute image, de tout
concept, et du projet même de ne plus rien projeter.
Retrouvant dans un autre contexte des
formules stoïciennes, chères au Moyen-Âge, Eckhart décrit la parfaite liberté du sage
déifié, qui ne veut rien que ce que veut un Dieu qui, lui-même, transcende tout vouloir.
Au-delà des œ uvres, des formules rituelles, des sacrements, des règles religieuses
(déguisements de tous les pharisaïsmes), le moine dominicain annonce à tous une
béatitude qui peut être celle de chacun, dès l'instant même, et qu'ont pu ignorer ici-bas les
plus grands saints.
Tauler parlera de l'“ angoisse ” des nuits spirituelles, et Seuse décrit le
“ jeu d'amour ” par lequel la Sagesse divine éprouve son noble Serviteur.
Eckhart va droit
au but, il ignore le temps et la finitude.
Personne peut-être de son temps ne l'a vraiment.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Duns Scot ; Maître Eckhart
- L’éducation suppose-t-elle un maître ?
- La Farce de Maître Pathelin (1464)
- Pourquoi le couple du maître et du serviteur est-il tandem privilégié dans le théâtre, depuis sa création jusqu'à nos jours ? Quelles ressources offre-t-il à l'auteur, au metteur en scène et aux acteurs ? Quel intérêt peut-il présenter pour le public ?
- J'y serais parvenu peut-être, si la brutalité de mon maître et la gêne excessive ne m'avaient rebuté du travail. Jean-Jacques Rousseau, les Confessions, ABU, la Bibliothèque universelle