MACHIAVEL (1469-1527)Rarement vit-on oeuvre plus secrète que celle de Machiavel : la résonance de ses écrits semble aller de pair avec leur ambiguïté : Discours sur Tite-Live, le Prince.
Publié le 17/05/2020
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«
MACHIAVEL (1469-1527)
Rarement vit-on œuvre plus secrète que celle de Machiavel : la résonance de ses écrits semble aller de pair avec leur
ambiguïté : Discours sur Tite-Live,
le Prince.
Victime de fluctuations
politiques que toujours il voulut com
prendre, mort dans l'adversité et presque
inconnu, Machiavel n'avait-il pas
cepen dant découvert les règles du jeu politique? Il conçut la politique comme un ordre autonome et prétendit fournir une analyse « scientifique » de la société, théâtre où s'affrontent des forces qui ont leur source en l'homme et dont joue le Prince
nouveau, lequel doit son pouvoir à sa science du maniement des hommes.
Le politique est un technicien qui traite
l'homme en objet.
Un mot pourtant, entre
autres, donne à réfléchir : Machiavel
qualifie de « scélérats » les moyens
dirigés contre le peuple.
Par où l'on
voit que le riJle du Prince s'inscrit dans
la ligne générale de l'histoire, et que ce cynique était, au fond, un républi
cain.
( H.D.)
BOEHME Jacob (1575-1624)
est traditionnellement considéré comme le dernier grand représentant du courant
mystique qui commence en Allemagne avec
Maître Eckhart, vers !afin du xm• siècle.
Il passa toute sa vie à Garlitz, en Lusace, où il naquit, s'établit maître cordonnier
et mourut.
De ses écrits (dont les prin
cipaux sont 1 'Aurora de 1 6 1 2 et la Christosophia de 1624) se dégage une doctrine difficile à caractériser, où 1 'on retrouve tout à la fois la théologie de Jean Eckhart, l'influence de la Bible et du luthéranisme, mais aussi celle, non moins importante, des Alchimistes et de Paracelse.
Une des idées maîtresses de Boehme demeure toutefois 1 'insuffisance de la thèse luthérienne du salut par
intervention de la Grâce seule; le salut
présuppose pour Boehme une régénération
intérieure de 1 'homme que peut seule pro curer une méditation approfondie sur
Dieu et sur la création.
Il est naturel,
dans ces conditions, que l'on aboutisse à une véritable théosophie, d'ailleurs plus
proche du mythe que de la réflexion phi
losophique.
Jacob Boehme, qui croit
fermement
que l'illumination divine vient
habiter l'âme de l'homme désireux de comprendre la volonté de Dieu, trouve son point de départ dans une théologie
négative proche de celle de Maître Eckhart:
au début est Dieu, mais il échappe à
toute qualification, il n'a ni nature, ni penchant, ni nom: au regard de la
créature il semble un néant.
Dès lors, le
problème de Boehme est d'expliquer
comment cet « Abîme infini » a pu se manifester et devenir ce Dieu concret, personnel, qui a créé le monde.
Boehme
voit Dieu comme une violence d'être
absolue qui jaillit de l' « Ungrund » originel; « le oui suppose le non », répètera-t-il inlassablement.
De cette volonté d'être, Boehme déduit symbolique
ment la Trinité (la volonté, le cœur et
l'entendement divins}, et la Nature
(Trinité infinie, Dieu veut se percevoir
dans sa parfaite unité et y parvient en produisant la Nature).
Puis, se fondant
sur Paracelse, Bœhme décrit les sept propriétés
fondamentales qui constituent
la Nature visible dans sa richesse infinie.
Dans le Cosmos ainsi réalisé une double création a eu lieu : d'abord le monde parfait des Esprits détruit après la
révolte de Lucifer, puis le monde actuel où règne l'homme.
Perverti par Lucifer,
l'homme s'est abaissé au rang de la
bête, et seule une vie réglée sur l'exemple du Christ peut lui assurer le salut.
C'est
qu'en l'homme coexistent deux âmes:
une âme sensitive périssable et impure,
et une âme intellectuelle immortelle: cette âme peut retrouver en elle l'image divine,
purifier l'âme sensitive et remonter vers Dieu.
Une puissance inconnaissable,
essentiellement volonté d'être, et d'où
découle la création; la croyance à la chute
et la confiance dans l'Illumination com plétée par la méditation pour ramener la
créature vers Dieu : tels sont les princi
paux thèmes de cette œuvre obscure, mais
dont 1 'influence souterraine s'exercera
longtemps,
jusqu'à Hegel et Schopen
hauer.
( M.C.)
PARACELSE (1493-1541) mena une vie errante.
Médecin qui,
tout en se déclarant disciple d' Hip pocrate, pratiquait volontiers l'alchimie
et la magie, il fut en butte à l'hostilité de ses confrères; mais son œuvre exerça une influence prrifonde sur la mystique
allemande.
L'homme est microcosme,
« extrait de tout ce dont se compose la
machine du monde», nature qui s'éprouve comme telle dans la maladie.
Mais « la connaissance de l'homme s'acquiert
par celle du macrocosme », et « le philosophe doit passer avant le médecin ».
Celui-ci collabore à l'œuvre de Dieu,
participe au travail de la nature.
Il ne doit pas traiter le malade en objet :
l'homme est sa vie même, définie comme temporalité.
Par la maladie, l'homme
entre en rapport avec Dieu, de qui seul
la guérison peut venir.
Ainsi la médecine
ouvre-t-elle sur la religion.
( H.D.)
CARDAN Jérôme (1501-I576) naquit à Paris où il étudia avant de gagner l'Italie.
Célèbre en son temps comme médecin, il s'était pénétré des conceptions naturalistes des Padouans
et inclinait à l'occultisme.
Le philosophe ne cesse de s'étonner devant le spectacle
inépuisable du monde - dont l'unité
profonde ne doit point masquer l'infinie
variété -devant la succession d'événe
ments étonnants dont est faite sa propre
vie : il y a sans doute quelque complai
sance à soi dans le De Vita Propria, autobiographie de cet esprit hâbleur et
malin jusqu'au génie.
Passionné de mathématiques, il pensait que, grâce à
l'analyse, l'esprit humain peut com
prendre
une partie de l'œuvre de Dieu.
Il est difficile de faire, dans le De Arte Magna, la part du plagiat et de l'inven
tion.
Mais Cardan pressentit le riJle des imaginaires dans l'analyse mathé
matique, et Descartes, Fermat, Leibniz
surtout, utilisèrent
ses remarques.
( H.D.)
LA RAMÉE Pierre de (1515-1572) fut nommé « maître ès arts » en 1536; François fer, en 1543, après la parution des Aristotelicre animadversiones, lui interdit
d'enseigner parce
qu'il y « bias
mait des choses bonnes et véritables », mais en 1 55 1, Henri II le releva de cette interdiction et Ramus enseigna pen
dant dix ans au Collège de France.
Converti au calvinisme en I 562, il quitta sa chaire et la reprit après la paix d'Amboise; en 1568, il se rendit en Allemagne (où le ramisme exerça une réelle influence) et en Suisse, où il enseigna deux ans.
Son adversaire,
Jacques Charpentier, farouche péripa
téticien,
fut accusé d'avoir soudoyé les assassins dont il fut la victime deux
jours après la Saint-Barthélemy.
(J.L.)
TÉLÉSIO (1509-1588) un des premiers représentants du pla
tonisme italien de la Renaissance, « le premier des modernes » (novorum hominum primum) selon Bacon, est
adepte d'un animisme universel déjà en honneur chez les Padouans; mais il se distingue de ces derniers par son hostilité à Aristote.
POSTEL Guillaume (1510-158I) philosophe platonicien, né en Normandie,
mort à Paris, fut d'abord domestique au collège Sainte-Barbe.
Il pratiquait le latin, le grec, l'hébreu et l'arabe : il parcourut l'Orient à trois reprises, en 1535, vers 1547 et en 1553; en 1538, il était professeur au Collège
royal, mais, disgracié en 1542 par
François fer pour avoir pris la difense du Chancelier Poyet, il se rendit à
Rome, où il reçut la prêtrise et fut affilié
quelque temps à la Compagnie de Jésus; en I 54 7, il se rangea sous la bannière de la mère Jeanne, visionnaire qu'il pré
tendait inspirée par le Saint-Esprit.
Dans son ouvrage : De arbis terrre concor dia (1542), sa recherche d'une religion
rationnelle l'oppose aux Padouans, qui,
dit-il,
« en sont venus à nier Dieu en le représentant comme contraint à agir ».
Il mourut cloîtré à Saint-Martin-des
Champs où il avait été interné en 1562.
(J.L.)
BODIN Jean (1530-1596) philosophe platonicien, qui réfute Machia
vel dans sa République, fit profession
dans l'ordre des Carmes.
En matière
religieuse, son syncrétisme s'exprime
dans l'Heptadomeres, où il s'efforce de dégager des religions « celle qui n'est
pas autre chose que le regard des purs
esprits vers Dieu ».
CHARRON Pierre (154I-16o3) dans son principal ouvrage, De la Sagesse, utilisa les idées de Montaigne,
dont il fut l'ami, à des fins apologétiques.
Seul le Christianisme rend compte de la
nature contradictoire de l'homme, et satis fait à notre exigence de vérité.
Mais la voie qui, du scepticisme, mène à la foi, passe par le terrain de la morale.
Charron prétendit en effet constituer une morale indépendante de toute philosophie ou religion.
La liberté du jugement,
celle de la volonté, nous affranchit des pas
sions, des erreurs et des vices.
« Sans
paradis et sans enfir », la sagesse qui fut celle de nombreux païens, peut nous procurer la paix.
Sagesse qui témoigne.
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