M. Bloch-Michel : « II faut moins de vertu dans les grandes circonstances que dans les petites ». A quelle sorte de vertu les destinées extraordinaires font-elles appel ? Comment être vertueux dans les petites circonstances ?
Publié le 20/12/2021
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«
INTRODUCTION
L'histoire et la littérature nous présentent un certain nombre de personnages exemplaires
qui se sont illustrés par des actions héroïques dans des situations exceptionnelles.
Ces
êtres nous offrent de l'espèce humaine une image pleine de noblesse.
Mais l'humanité ne
doit-elle susciter notre admiration que dans des cas aussi particuliers ? C'est ce que
contestait M.
Bloch-Michel lorsqu'il écrivait : « II faut moins de vertu dans les grandes
circonstances que dans les petites ».
A quelle sorte de vertu les destinées extraordinaires font-elles appel ? Comment être
vertueux dans les petites circonstances ?
I.
LES GRANDS EXEMPLES DE VERTU
Une humanité au-dessus de la moyenne
II n'est pas donné à tous les hommes de devenir des modèles de grande vertu.
Andromaque, Roland, Jeanne d'Arc ou Rodrigue étaient dotés d'une nature différente de
celle du commun des mortels.
Cela est si vrai que ces personnages appartiennent pour
nous à un autre univers, celui de la légende qui estompe les aspects de leur vie
historique réelle.
Cette remarque s'appliquerait tout aussi bien à des exemples plus
récents — Jean Moulin, héros de la résistance ou John Kennedy nous paraissent bien
appartenir à cette même catégorie d'êtres humains exceptionnels.
Des qualités psychologiques
La vertu mise en oeuvre par ces grands personnages est fondée essentiellement sur une
force de caractère assez peu commune.
C'est ce que Vauvenargues appelait la «
grandeur d'âme ».
Leur courage ne peut se concevoir sans une volonté énergique.
Jeanne d'Arc ou Rodrigue sont des meneurs d'hommes, capables de susciter chez les
autres des élans d'audace.
Nous songeons à ce propos à la contagion qui s'empare des
soldats au début de la fameuse bataille contre les Maures : « Nous nous vîmes trois mille
en arrivant au port
Tant à nous voir marcher avec un tel visage
Les plus épouvantés reprenaient leur courage ! »
Cette ardeur rayonnante est bien ce que les anciens nommaient
la vertu.
Elle suscite l'admiration.
Des circonstances exceptionnelles
Mais une telle force d'âme est le plus souvent commandée par une situation très
particulière.
Celle d'Andromaque ou celle d'Iphigénie ne sont pas banales.
Faut-il être la
veuve d'un héros vaincu ou la fille d'un roi, choisie comme otage par les dieux eux-
mêmes, pour atteindre cette grandeur ? On sait quelle douloureuse nostalgie la période
de la Révolution et celle de l'épopée napoléonienne ont laissée dans les coeurs des
générations romantiques.
Vigny a gardé presque toute sa vie le sentiment de la pauvreté
de son époque sur ce plan ; les héros de Stendhal ont leur esprit sans cesse tourné vers
un passé prestigieux.
La pratique de la vertu dans de telles conditions doit être
considérée comme inaccessible à la plupart des hommes.
II.
LES LIMITES DE CETTE VERTU
Mais la conception de la vertu que nous venons de définir est-elle vraiment méritoire ?
La force d'âme imposée par les grandes circonstances n'engage pas nécessairement une
supériorité morale de l'individu.
Les facultés sur lesquelles elle repose sont
essentiellement, nous l'avons vu, d'ordre psychologique.
Elles semblent exclure bien
souvent la sensibilité.
La vertu d'Horace n'hésitant pas à tuer sa soeur parce que les
circonstances le lui imposent doit-elle garder pour nous une valeur exemplaire ?.
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