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Lycurgue

Publié le 16/05/2020

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« Lycurgue "Te voilà, Lycurgue, en mon temple opulent, toi que chérissent Zeus et tous les habitants de l'Olympe.

J'hésite à proclamer, par la voix demon oracle, que tu es un dieu ou que tu es un homme ; mais je pense plutôt que tu es un dieu, Lycurgue." Si le dieu omniscient deDelphes n'ose se prononcer sur la vraie nature de Lycurgue, les historiens n'en savent pas davantage : Platon voit en lui "une naturehumaine douce d'une faculté divine", mais Plutarque avoue que "l'on ne peut absolument rien dire sur lui qui ne soit douteux".

LesAnciens ont cependant raconté sa vie et, quand leurs récits seraient des tissus de faussetés et quand il n'aurait jamais existé delégislateur spartiate de ce nom, ils comportent néanmoins une vérité essentielle : tous les actes prêtés à Lycurgue sont ceux qu'il devaitaccomplir.

A défaut d'une personnalité contingente et éphémère, ils révèlent la figure du législateur idéal et ce n'est pas un hasard si descombinaisons semblables de mythe et de réalité se retrouvent dans la vie des autres législateurs. Comme celle des héros, l'existence de Lycurgue est impossible à dater : Aristote le situait au début du VIIIe siècle, Eratosthène cent ansplus tôt et Timée essayait de les concilier en supposant deux législateurs du même nom.

Membre d'une des familles royales, ildescendait d'Héraclès à la onzième génération, sans être destiné à devenir roi lui-même.

Cependant, son frère aîné étant mort, il prit saplace, mais l'abandonna quand on s'aperçut que sa belle-soeur était enceinte : il refusa les propositions qu'elle lui fit, de rester roi enfaisant disparaître l'enfant qui devait naître et accepta d'être seulement le tuteur du jeune roi.

En butte à la suspicion et aux calomniespour avoir refusé ces compromissions, il décida de voyager jusqu'au jour où son neveu aurait un fils pour lui succéder.

Il parcourut lemonde, observant les moeurs et les institutions des peuples les mieux policés.

Il visita d'abord la Crète où régnaient les meilleures deslois et d'où il ramena le musicien Thalétas qui produisait par son art le même effet que les plus sages législateurs, exhortant par desrythmes appropriés ses auditeurs à la soumission et à la concorde.

Il connut ensuite les villes grecques d'Asie dont le luxe contrastait avecl'austérité des Crétois et où il découvrit les poèmes homériques qui lui fournirent des préceptes de politique et d'éducation.

Certainsprétendent aussi qu'il rapporta d'Égypte la distinction entre la classe des guerriers et celle des artisans. Comme l'autorité des rois était défaillante et que le peuple devenait indiscipliné, les Lacédémoniens rappelèrent Lycurgue, pensant queson autorité ferait de lui un arbitre.

Persuadé qu'il ne servait de rien de pratiquer des réformes partielles, celui-ci décida de donner àSparte une nouvelle constitution et institua un régime entièrement nouveau.

Hérodote rapporte, pour l'avoir appris à Delphes, que laPythie, après l'avoir salué comme dieu, lui avait dicté la constitution qu'il porta à ses concitoyens ; mais les Spartiates, ajoute-t-il,prétendaient qu'il l'avait rapportée de Crète.

D'après Plutarque, revenu de Delphes après avoir consulté le dieu, il organisa uneconspiration, réunit trente de ses amis choisis parmi les premiers personnages de la cité, et les fit venir à l'aube sur la place publique pouren imposer par la crainte à ceux qui tenteraient d'entraver l'établissement de nouvelles lois.

Le roi Charilaos prit peur et se réfugia dans lesanctuaire d'Athéna au Temple de Bronze ; mais bientôt, rassuré par les serments qui lui furent prêtés, il en sortit et s'associa àl'entreprise.

Lycurgue, semble-t-il, rencontra encore quelque opposition de la part des riches, mais ses lois entrèrent bientôt dans lesmoeurs et sa constitution fut assez solide pour se soutenir d'elle-même.

Il convoqua alors ses concitoyens et leur annonça qu'il allaitconsulter le dieu de Delphes.

Il leur fit jurer d'observer strictement, jusqu'à son retour, les lois établies sans rien y changer.

Arrivé àDelphes, il demanda au dieu si ses lois étaient bonnes et capables d'assurer le bonheur de la cité : quand le dieu lui eut répondu queSparte connaîtrait la destinée la plus glorieuse tant qu'elle y resterait fidèle, il jugea bon, pour contraindre ses concitoyens à conserverintactes ses lois, conformément à leur serment, de ne pas revenir de Delphes et, au terme d'une longue vie, il se laissa mourir de faim.Ses restes furent rapportés dans sa patrie et les Spartiates fondèrent un sanctuaire où ils lui offraient chaque année des sacrifices commeà un dieu. La tradition attribuait à Lycurgue l'ensemble de la constitution spartiate et Plutarque affirme que Sparte l'observa cinq cents ans et resta lapremière cité de la Grèce jusqu'au jour où la victoire sur Athènes en amena la corruption.

Le principe fondamental du régime était l'égalitéentre les citoyens dont la fortune reposait sur des lots de terre rigoureusement égaux, l'interdiction de pratiquer aucun métier et lasuppression de la monnaie empêchant les échanges qui auraient pu les enrichir.

Les Égaux formaient le corps des hoplites, combattantsd'élite sur lesquels reposait l'hégémonie incontestée de Sparte.

Ils avaient à leur service une masse de travailleurs dont la situationmorale et économique était misérable, les Ilotes, qui descendaient peut-être d'une population vaincue ; les terres fertiles de la Laconieétaient cultivées par les Périèques, hommes libres qui ne jouissaient d'aucun droit politique.

Seuls les Égaux étaient considérés commecitoyens et l'assemblée du peuple, l'Apelle, exerçait en principe le pouvoir suprême.

En fait les décisions soumises à sa ratification étaientélaborées par le Conseil des Vieillards (Gerousia) et cinq magistrats aux pouvoirs très étendus, les éphores.

Les deux rois étaient chargésexclusivement de la conduite de la guerre.

Ce régime qui se disait démocratique était en fait une oligarchie où l'autorité appartenait à unpetit nombre restreint de magistrats.

La politique et l'éducation soumettaient l'individu à l'État d'un bout de sa vie à l'autre.

Le jeunegarçon était retiré à sa famille pour subir une éducation rigoureuse ; il accédait à la classe des adultes en se livrant à des expéditionscruelles (crypties) où il pouvait à loisir massacrer les ilotes qu'il rencontrait ; une fois marié, il n'appartenait pas à sa famille et continuaità prendre ses repas avec ses compagnons (syssities) ; sa femme ne lui appartenait pas davantage et, s'il ne lui avait pas donnéd'enfants, il devait introduire auprès d'elle un homme capable de le remplacer et les enfants, élevés en commun, n'appartenaient pas àleurs parents, mais à l'État. Les lois égalitaires attribuées à Lycurgue furent tenues en grande estime par les adversaires de la démocratie et fournirent auxphilosophes, à Platon, par exemple, les principaux traits de leur cité idéale : Sparte exerça sur certains milieux de la société athénienne,aux Ve et IVe siècles, un véritable mirage Il serait bien étonnant cependant qu'une constitution aussi complexe ait été l'oeuvre d'un seulhomme et un examen critique interdit de l'attribuer à un seul législateur, que ce soit Aigimios, sous le nom duquel Pindare met les loisdes Doriens, ou que ce soit Lycurgue.

Les témoignages de l'histoire et de l'archéologie prouvent que, jusqu'au milieu du VIe siècle, Sparteavait été une ville comme les autres, que les arts y avaient connu le même essor et que la ville ne s'était pas encore repliée sur elle-même.

C'est à ce moment seulement, peut-être à cause des graves difficultés qu'ils rencontraient pour assurer leur autorité sur laMessénie, que les Spartiates donnèrent à leur régime une rigueur qu'ils présentaient comme un retour aux sources.

Plutarque cite, en laprésentant comme l'oracle rapporté de Delphes par Lycurgue, ce qu'il appelle la rhétra , mot qui désigne une loi en pays dorien : mais ilcite aussi une élégie du poète Tyrtée, dont le contenu est analogue à celui de la rhétra, et qui place les mêmes institutions au temps desrois Polydore et Théopompe, contemporains des guerres de Messénie, au VIIe siècle.

Il n'est donc pas invraisemblable de croire que laconstitution dite de Lycurgue se soit élaborée au cours des siècles : pour lui conférer une autorité respectable, les Spartiates l'attribuèrentà un personnage divin, dont le nom, selon les étymologies possibles, désignait soit "le dieu qui crée la lumière", soit "celui qui présideaux orgies des loups", un avatar d'Apollon ou un démon campagnard de la famille du loup-garou, à moins qu'il ne fût plus simplement undieu protecteur des troupeaux, "celui qui écarte les loups".. »

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