Lord Salisbury
Publié le 16/05/2020
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Lord Salisbury
Au milieu du panneau central du réfectoire d'A ll Souls College, à Oxford, trône un majestueux portrait aux teintes sombres d'où émerge un visage méditatif :celui de Salisbury, trois fois Premier ministre (1885-1886 ; 1886-1892 ; 1895-1902), qui au total a dirigé la politique de l'Empire britannique pendantpresque quatorze ans, c'est-à-dire plus longtemps que tout autre chef de gouvernement depuis l'époque de Lord Liverpool et de Pitt.
De ce portrait sedégage une impression de volonté, de ténacité, voire de rudesse, renforcée encore par la pâleur du visage presque blafard ; mais il s'y mêle une teinte demélancolie pensive.
C 'est que l'homme d'État, si déterminé qu'ait été le chef de parti ou le chef de gouvernement, est en même temps un intellectuel et unempiriste.
A coup sûr, la véritable personnalité de Salisbury ne correspond ni à ce conservateur borné et impénitent ni à cet impérialiste provocant dont detrompeuses images d'Épinal ont colporté la légende.
C 'est d'abord et avant tout un représentant éminent de la vieille aristocratie, le dernier à diriger le particonservateur et à gouverner l'Angleterre (si l'on met à part l'éphémère passage au pouvoir de Sir A lec Douglas Home, qui d'ailleurs a renoncé à son titre denoblesse en devenant Premier ministre), un homme recru d'expérience historique par tradition familiale, qui a beaucoup vu et beaucoup lu, mais dont leregard ne dépasse guère le monde raffiné de la culture et de la société dans lequel il est né et auquel il se sent appartenir.
A ttaché à cet univers privilégiépour lui-même et pour son pays, il cherche à en maintenir la suprématie, quitte à accepter les changements nécessaires et à consentir aux concessionsindispensables pour pouvoir le perpétuer le plus longtemps possible.
Porteur de l'un des plus grands noms d'Angleterre, Robert Arthur Talbot Gascoyne Cecil, troisième marquis de Salisbury, est né au milieu des grondementsrévolutionnaires, le 3 février 1830, au château familial de Hatfield une imposante demeure “ jacobienne ” située au nord de Londres.
Il affectionnera toute savie ce cadre splendide et retiré où il passera le plus clair de son existence.
Sa famille est célèbre depuis le XV Ie siècle puisqu'il descend en ligne directe dugrand William Cecil, le fidèle ministre d'Élisabeth, anobli sous le nom de Lord Burghley.
Encore tout jeune, et bien que cadet, Robert C ecil paraît promis àune brillante destinée (c'est seulement en 1865 que la mort de son frère aîné fera de lui l'héritier du titre familial : il adopte alors le nom “ de courtoisie ” deLord Cranborne, à la mort de son père, trois ans plus tard, il lui succède à la pairie et devient Lord Salisbury).
Son éducation s'effectue à Eton d'abord, aucollège de C hrist Church à Oxford ensuite.
Il est nommé fellow d'A ll Souls College en 1853.
La même année, il est élu député conservateur pour la ville deStamford.
A la Chambre des Communes, il se fait remarquer par ses discours, à la fois rigoureux et incisifs, sur le droit de propriété, sur les questionsreligieuses et surtout sur les affaires internationales.
Ces trois sujets vont être les trois centres d'intérêt de son existence.
Le jeune aristocrate se situe alors à la droite du parti conservateur, comme en témoigne l'importante série d'articles de réflexion politique qu'il publie dansla Quarterly Review.
Sa première expérience ministérielle se place en 1866, lorsque après la longue période de prépondérance des whigs, les conservateursreviennent au pouvoir : Lord Derby lui offre le poste de secrétaire d'État à l'Inde.
Salisbury accepte, mais dans la question brûlante du jour, la réformeélectorale, il s'oppose aux concessions que projette Disraeli et il démissionne (il ne s'entendra d'ailleurs jamais bien avec Disraeli, à qui il reproche sonmanque de principes).
A la Chambre des Lords, Salisbury continue de défendre les principes d'un conservatisme intransigeant aussi bien sur le planreligieux que sur le plan politique.
La religion en effet tient une grande place dans sa vie.
M embre fervent de l'Église anglicane, il est profondément attaché àsa foi et à son Église.
Avec le retour au pouvoir des conservateurs en 1874, Salisbury se retrouve au ministère de l'Inde dans le gouvernement Disraeli, mais sa véritablevocation s'affirme lorsqu'en avril 1878 il est porté à la tête du Foreign Office.
On est alors en pleine crise de la question d'Orient.
Face à la menace russesur Constantinople, Salisbury adopte une position moins claironnante que Disraeli, mais tout aussi ferme, comme en témoigne la circulaire fameuseadressée à tous les chefs de mission diplomatique de la Grande-Bretagne (Salisbury Circular).
A ses yeux, la vieille politique de Palmerston de soutien à laTurquie contre la Russie a fait son temps en raison de l'affaiblissement irrémédiable de l'Empire ottoman.
Les positions britanniques doivent donc s'appuyersur de nouvelles bases logistiques en Méditerranée orientale : en Égypte, à C hypre et même en Crète.
Au cours de l'été 1878, Salisbury participe au côtéde Disraeli au C ongrès de Berlin, d'où les deux hommes rapportent “ la paix avec l'honneur ”.
Sa popularité croît régulièrement et à la mort de Disraeli en 1881 c'est lui qui lui succède, d'abord comme leader conservateur à la C hambre des Lords,puis, à partir de 1885, comme chef unique du parti.
Son principal rival, Stafford Northcote, est trop effacé, tandis que Lord Randolph Churchill, esprit brillantmais brouillon, échoue dans sa tentative pour rallier la base du parti à sa politique de “ démocratie tory ”.
Face aux menaces de débordement de sonautorité, Salisbury manœuvre habilement.
Il réussit à reprendre le parti en main, tout en consentant à certaines réformes libérales, en particulier laredistribution des sièges électoraux, un chef-d'œuvre de sagacité au profit des conservateurs.
Salisbury occupe désormais une position centre droit dans leparti, avec pour lieutenant un jeune politicien plein d'avenir, son neveu Arthur Balfour.
Le premier ministère qu'il préside (juin 1885 - janvier 1886) brève transition en attendant les élections n'a pas le temps de développer une politiqueoriginale.
Mais après la crise du Home Rule (autonomie), au cours de laquelle Salisbury prend position avec une intransigeance absolue pour le maintien dela domination britannique sur l'Irlande, le leader conservateur revient au pouvoir en juillet 1886, soutenu par une coalition des tories et des libérauxunionistes.
Il ajoute bientôt, dans ce second ministère, la charge des Affaires étrangères aux fonctions de Premier ministre (il en sera de même de 1895 à1902).
A insi, mis à part l'intermède libéral de 1892 à 1895, c'est une longue période de pouvoir, politique et diplomatique, qui s'ouvre pour Salisbury.
Sonaction s'ordonne autour de trois grandes questions : l'Irlande, l'équilibre européen, l'expansion coloniale.
Vis-à-vis de l'Irlande, Salisbury, en condamnant lapolitique de “ capitulation ” des libéraux, avait préconisé “ vingt années de gouvernement énergique ”.
Il met en pratique cette idée et procède à la mise aupas des Irlandais à l'aide d'une législation répressive appliquée sans ménagement.
Mais cette attitude brutale s'accompagne d'une politique agraire qui viseà donner satisfaction à la paysannerie irlandaise en lui facilitant l'accession à la propriété.
En Europe, Salisbury s'en tient à la politique traditionnellebritannique : point d'engagement sur le continent (non commitment).
Cette liberté d'action de l'Angleterre est mise à profit pour rééquilibrer, le cas échéant,par petites touches, la balance des forces.
Un bon exemple de cette tactique de contrepoids est fourni par “ l'accord méditerranéen ” conclu en 1887 avecl'Italie et l'Autriche-Hongrie : petit mouvement de rapprochement avec la Triple A lliance face à la France et à la Russie.
Mais jusqu'au bout Salisbury s'entient à l'axiome qu'il formule encore en 1902 : “ Nos obligations par traité doivent suivre nos penchants nationaux et non les précéder.
” Sur le plan colonial,il encourage les progrès de l'influence britannique, mais il le fait avec prudence et modération.
Il a toujours cru aux vertus des accords négociés etéquilibrés plutôt qu'aux aléas des conquêtes et des solutions de force.
Du côté de l'Afrique, l'expansion se poursuit brillamment.
En A frique orientale, unecharte royale est accordée à la British East Africa Company en 1888, ce qui conduit à la mainmise sur Zanzibar et l'O uganda.
De même, une charte estreconnue en 1889 à la British South Africa Chartered Company de Cecil Rhodes : prélude à la colonisation de la Rhodésie (dont la capitale Salisbury portele nom du Premier ministre).
En même temps, les A nglais barrent résolument la route à la pénétration française vers le Soudan.
La dramatique rencontreKitchener-Marchand à Fachoda en 1898 provoque une vive tension entre les deux pays rivaux.
Salisbury, tout en cherchant à éviter un conflit armé et mêmeune humiliation française, réclame obstinément l'évacuation : “ Oui, oui, répète-t-il à l'ambassadeur de France, vous avez raison, mais il faut que vous vousen alliez.
” Enfin, en Afrique du Sud, si Salisbury est en désaccord avec les attitudes agressives de Chamberlain, il n'en mène pas moins opiniâtrement laguerre contre les Boers de 1899 à 1902, et c'est seulement lorsqu'une paix victorieuse est signée qu'il abandonne le pouvoir et se retire de la vie politiqueaprès une glorieuse carrière qui a illuminé les derniers beaux jours de l'ère victorienne..
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