"L'opinion a, en droit, toujours tort." Bachelard, La Formation de l'esprit scientifique, 1938. Commentez cette citation.
Publié le 16/05/2020
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« L'opinion pense mal, elle ne pense pas, elle traduit ses besoins en connaissance »
Bachelard Le sens de la citation de Gaston Bachelard « L'opinion pense mal, elle ne pense pas, elle traduit ses besoins en connaissance » ne semble pas évident à la première lecture… De quoi veut-il parler quand il mentionne l'opinion ? Comment l'opinion pourrait « traduire sesbesoins en connaissance » ? Dans le sens ordinaire, l'opinion correspond à un jugement porté sur un sujet, qui ne relève certes pas d'uneconnaissance rationnelle, mais cela suffit-il pour dire que l'opinion ne pense pas ? Il faut tout d'abord commencer par définir dans quel sens Bachelard veut ici parler de l'opinion avant d'étudier le sens obscur decette citation.
L'opinion certes, mais quelle opinion ? La définition que l'on pourrait en donner serait celle d'un jugement sans fondement rigoureux, en effet dans le mot opinion on ressent un petit sens péjoratif qui nous laisse penser que l'opinion ne peut pas être a priori considérée comme un savoir sur lequel onpeut s'appuyer, un savoir fiable.
La citation de Bachelard semble allez elle aussi dans ce sens.
Cette définition pose alors la questionsuivante : en quelle sens une opinion diffère-t-elle d'un savoir ? Comment arrive-t-on à se créer une opinion ou bien à acquérir unsavoir ? La deuxième question qui se pose quant au mot d'opinion est celui des deux utilisations courantes que l'on fait de ce mot, parle-t-il ici de l'opinion d'une personne ou bien de l'opinion publique ? On peut considérer que ces deux opinions sont comparables, l'uneenglobant simplement l'opinion de plusieurs personne.
On peut alors considérer que sa critique peut aussi bien porter sur l'opinion d'uneseule personne comme sur l'opinion publique, c'est-à-dire ce que l'on considère comme une opinion commune à un ensemble depersonne. Doit-on ensuite associer l'opinion à la croyance ? Non pas la croyance religieuse, mais à la croyance dans le sens de ce que la personne pense être vrai.
Ces deux termes semblent être comparable dans le sens où l'un comme l'autre ils se donnent l'apparence,parfois abusive, d'un savoir certain alors que les fondements de ces jugements reste souvent fragiles.
L'opinion pourrait alors en ce sensressembler à une croyance et la critique de Bachelard pourrait sûrement s'adapter aux croyances. Mais nous nous intéresserons ici seulement à ce qu'il reproche ou semble reprocher à l'opinion.
La principale critique qu'il adresse à l'opinion est celle de sa façon de penser que l'on peut assimiler à la façon de se créer une opinion. Bachelard dit « l'opinion traduit ses besoins en connaissance ».
Mais qu'entend-il exactement par traduire ? L'opinion traduit-elle ses besoins dans le sens où elle les prend pour des connaissances ou alors le mot « traduit » est ici utilisé comme transformer ? C'est-à-direque ce dont l'homme à besoin, comme avoir besoin de se rassurer ou ressentir le besoin d'avoir un avis, l'opinion le transforme enconnaissance.
Le sens qui semble être celui qu'utilise Bachelard parait être le deuxième.
En effet on imagine difficilement d'appeler unbesoin connaissance.
Admettons alors que l'opinion transforme un besoin en connaissance, et prenons un exemple pour éclairer le sensde cette phrase : le racisme est souvent associé à une peur de la différence.
On pourrait alors comprendre la citation de Bachelard si unhomme, ayant peur de la différence et ressentant le besoin de se rassurer déclare qu'assurément, les anglais sont des êtres inférieurs.
Sapensée qui parait résolument ridicule peut être décrédibilisée en quelques arguments judicieusement choisis.
Pourtant si sa peur de ladifférence est profonde, il restera accroché à ce qui est pour lui une certitude, à son opinion selon laquelle les anglais sont inférieurs.
Pourcombler le besoin qu'il a de se rassurer, il déclare donc un propos infondé parfaitement absurde. D'après Bachelard, traduire ses besoins en connaissance ne correspond pas à penser, ou si cela correspond, c'est penser mais mal. On se pose alors la question de ce qu'est la bonne façon de penser ? Cette bonne façon semble se trouver dans la connaissance, mais laconnaissance acquise par le savoir et la réflexion et non pas par la traduction de besoins cette fois-ci.
On peut alors tenter de distinguer la« mauvaise » façon de penser qui semble plus reposer sur les sentiments et les volontés et la « bonne » façon de penser qui semble êtreinfiniment plus rigoureuse et tangible.
Dans ce sens on peut donc dire que la citation de Bachelard se place dans une visée anti-empiriquepuisque l'empirisme associe les connaissances aux résultats des expériences sensibles de l'homme.
C'est-à-dire que l'homme naît« tabula rasa » et que ce sont ses expériences qui vont lui permettre de s'approprier un maximum de connaissance.
L'empirisme rejointdonc l'idée de la perfectibilité de l'homme.
Mais le point de vue de Bachelard semble plutôt se placer à l'encontre de cette idée, ainsi quecelle de Popper selon laquelle l'homme pourrait seulement s'approcher de la vérité sans jamais l'atteindre, Bachelard semble plutôtpartisans d'une connaissance que l'on ne peut deviner mais qu'il faut atteindre par des biais différents que ceux des simples expérience.Par le biais de l'étude des sciences par exemple. Le savoir avéré semble donc s'opposer à l'opinion dans la formule de Bachelard.
Le savoir penserait « bien » et l'opinion « mal ». Pour Bachelard, l'action de penser devrait exclusivement porter sur ce qui a été prouvé, démontré, ce qui est indéniable.
Mais sachant quetout système de pensée peut s'effondrer, ou du moins être complété, à la suite de nouvelles découvertes comme celles de Galilée ouencore de Newton, la citation de Bachelard ne parait-elle pas un peu excessive ? Ne peut on imaginer l'existence d'une bonne opinion ? Prenons l'opinion que l'on se fait d'une personne par exemple.
Le jugement qui se fait suite au premier regard est certes totalement subjectif et ne devrait en rien peser dans notre comportement avec cette personne.
Mais cependant doit-on s'empêcher depenser « il a de très beaux yeux » sous prétexte que cette pensée ne dépend que de notre opinion ? Penser de quelqu'un qu'il a de trèsbeaux yeux ne parait pas nécessairement résulter de la traduction d'un besoin en connaissance, alors ne devrait-on pas modérer l'avis deBachelard en distinguant certaines opinions qui sont indéniablement mauvaises et qui ne devraient pas être prises en compte dans notreesprit même si cela parait inenvisageable de ne pas avoir ces opinions, et d'autres opinions qui ne sont certes pas fondées sur des faitsavérés par toutes sortes de sciences, mais qui nous paraissent simplement juste, si évidemment cette apparence n'est pas seulementune illusion? Cette idée dessinerait ainsi l'existence d'une opinion positive, qui viendrait compléter la connaissance sur certain point ne dépendant que de notre propre opinion, de notre propre jugement.
Il existerait ainsi des opinions qui ne se donneraient pas l'apparenceabusive d'un savoir puisqu'elles ne dépendraient d'aucune science rationnelle. En définitive la citation de Gaston Bachelard « L'opinion ne pense pas, elle pense mal, elle traduit ses besoins en connaissance » est une claire critique de l'opinion.
Il dénigre le fait que l'opinion ne soit pas fondée sur un savoir fiable et l'oppose ainsi à laconnaissance issue de l'étude.
Il attaque ainsi la philosophie empirique et défend l'épistémologie, mot venant du grec epistêmê « science » et logos « discours », c'est-à-dire défendant un point de vue prônant la théorie de la connaissance.
Mais cependant son propos parait être un peu trop général car certaines opinions semblent pouvoir exister et être recevables sans s'appuyer sur des connaissancesrationnelles….
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