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LITTÉRATURE LATINE

Publié le 21/06/2020

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« indifférent aux remous politiques de l'époque (qu'il ressent d'ailleurs moins à Naples que s'il était resté à Rome). A partir des Géorgiques (commencées en 39-38 av. J.-C.), les idées philosophiques de Virgile se transforment; il abandonne l'épicurisme et son matérialisme, pour un néo-pythagorisme (existence d'une âme distincte du corps, finalité du monde organisé par une providence divine). Pendant vingt ans il va se consacrer, loin des tourments, à la méditation et à son oeuvre poétique. Virgile est mort au cours d'un voyage en Grèce, en 19 av. J.-C. A ce moment l'Énéide était inachevée et il avait demandé qu'elle ne soit pas publiée. Auguste — il faut lui en savoir gré — passa outre et chargea deux écrivains amis de Virgile, Varius et Tucca, de publier cette épopée. L'oeuvre de Virgile comprend, outre les Bucoliques, les Géorgiques et l'Énéide, un ensemble de pièces de jeunesse : épigrammes et récits à la manière alexan-drine (Cu/ex : épopée naïve; Siris: une fable); l'ensemble de ces pièces constitue ce que les critiques appellent l'appendice virgilien. • Les Bucoliques. Il s'agit d'églogues d'inspiration alexandrine (Théocrite). Par la voix de bergers, de bouviers, Virgile chante, allégoriquement, le « jeune dieu » que représente Octave. Le monde chrétien admira particulièrement la IVe églogue dont il interprétait certains vers comme l'annonce de l'arrivée du Messie. • Les Géorgiques, épopée de la vie rustique, sont une oeuvre plus ambitieuse. Virgile prend modèle sur Hésiode, l'auteur de Les Travaux et les Jours (voir 872.1, A, e) qu'admiraient les poètes alexandrins; il songe aussi indiscutablement à exploiter le filon poétique découvert par Lucrèce : l'art de chanter le spectacle du monde. Traditionnellement, on a soutenu que le sujet des Géorgiques aurait été « soufflé» à Virgile par Mécène, désireux de promouvoir — pour le compte d'Octave — une politique agricole en Italie. Il ne semble pas que cette thèse puisse être acceptée. En fait, les quatre chants des Géorgiques font plutôt songer à une méditation poétique sur la nature, derrière laquelle on retrouve la présence divine (cette attitude correspond à la transformation philosophique et religieuse de Virgile, qui passe progressivement de l'épicurisme au néo-pythagorisme). • L'Énéide est unanimement considérée comme le chef-d'oeuvre de la littérature latine. L'idée d'écrire cette épopée nationale, qui devait être pour Rome ce que fut l'Iliade pour la Grèce. semble être venue à Virgile en 30-29 av. J.-C. (peu après la bataille d'Actium). Il renoue ainsi avec une tradition établie par Nævius et Ennius; mais au lieu d'orienter son épopée vers la victoire de Rome sur Carthage (comme c'était le cas chez Nævius), Virgile a en vue la victoire d'Octave Auguste. L'histoire que conte l'Énéide, en 12 chants, est tout à la fois une épopée, un roman d'aventures, une oeuvre politique, une histoire amoureuse, un récit symbolique (voir Annexe, tableau n° 25). Énée, fils d'Anchise, quitte la ville de Troie après la chute de celle-ci, avec son père, son fils Ascagne et quelques compagnons. Porté par la tempête, il aborde sur les côtes d'Afrique où il connaît une aventure amoureuse avec la reine Didon, fondatrice de Carthage, qui tente en vain de le retenir : les dieux en effet lui ont signifié que sa mission était de donner une ville aux Troyens exilés. Énée abandonne donc Didon et, après un bref séjour aux enfers où il voit se dérouler tout l'avenir de Rome jusqu'à Octave Auguste, il parvient à l'embouchure du Tibre, soutient le vieux roi Latinus dans une longue guerre contre ses ennemis, et réalise ainsi les premiers actes victorieux du destin romain. Le personnage d'Énée possède une dimension particulière. Il est, certes, un héros mythique, mais aussi le symbole de l'humaine condition : pour aboutir à la fin à laquelle il est destiné, il doit surmonter les obstacles et les tentations, non pas — comme Ulysse — en pactisant avec eux, en rusant, mais en les affrontant sereinement. Cet idéal, très proche de l'idéal moral de la conscience chrétienne, a été bien compris par Dante qui se sert précisément de Virgile comme guide lors de son voyage fantastique dans l'autre monde (voir 852.2, C). c) Horace. Quintus Horatius Flaccus était le fils d'un affranchi aisé; il fut d'abord mêlé à la guerre civile (qu'il fit dans les rangs de Brutus et de Cassius contre Antoine et Octave). Après la défaite de Philippes, il déchante. On lui a confisqué son patrimoine et l'avenir lui semble sombre. Il écrit alors quelques pièces de vers sur les malheurs de sa patrie (les Épodes) qui attirent sur lui l'attention de Virgile. C'est sans doute vers le début de l'année 38 que le Mantouan a introduit Horace dans le cercle des amis de Mécène. Les oeuvres d'Horace comprennent : les Satires (deux livres), les Épitres (deux livres), groupées souvent en un seul recueil sous le titre commun de Ser-mones (Conversations), les Épodes, déjà citées, et les quatre livres d'Odes. • Dans les Satires et les Épitres, c'est-à-dire dans ses Conversations, Horace renoue avec la tradition d'Ennius et de Lucilius. Il se moque légèrement des moeurs de son temps, réfléchit sur quelques grands problèmes moraux et littéraires (l'une de ses Épitres est un véritable traité qu'on appelle souvent l'Art poétique). La philosophie morale qu'il développe est un épicurisme de bon ton : vivre rustiquement, avec modération, en cultivant son jardin et en communiant avec ses amis dans le même idéal esthétique. Les vers des Satires et des Épitres sont des hexamètres. • Les Odes inaugurent un genre poétique nouveau (dans la langue latine), à l'imitation des poètes éoliens (voir 872.1, B, c). Les rythmes sont donc nouveaux. mais aussi les thèmes : Horace, toujours épicurien, chante l'ataraxie, la paix intérieure (donnée par le « loisir», ce qu'en latin on appelait otium), le plaisir que l'on a à vivre sa vie au jour le jour. non pas avec indifférence, mais avec un certain enthousiasme quotidien (c'est le sens de la formule carpe diem, qui signifie, mot à mot, « cueille le jour»). Avec les Odes, Horace a adapté merveilleusement le lyrisme des poètes saphiques ou d'Alcée, dont les mètres convenaient mieux que le lyrisme de Pindare (voir 872.1, B, d) au génie de la langue latine. d) Ovide. Ovide est un poète augustéen à part entière (il est né en 43 av. J.-C., il a donc seize ans lorsque Octave devient Auguste; il est mort en 18 apr. J.-C., quatre ans après Octave). Poète extrêmement doué, il ne fut pas à proprement parler un créateur de formes (comme Ennius, Virgile ou Horace); il a touché à tous les genres et en chacun il s'est montré incomparable. • Les Amours (en trois livres) ont pour fil directeur la passion qu'il aurait éprouvée pour une femme qu'il nomme Corinne (on pense à nouveau aux poétesses saphiques : Corinne est le nom d'une poétesse grecque). Mais il ne s'agit pas ici d'une autobiographie amoureuse (comme celles de Catulle ou de Properce). A l'occasion du récit de cette passion (qui semble assez littéraire), Ovide développe mille anecdotes amoureuses : les Amours sont sans doute le premier essai de psychologie érotique systématique dans la littérature latine. Aux Amours, sont reliés trois petits livres, légers, parodiques, un peu cyniques même et qui ont, pour nous. lecteurs modernes, une saveur indiscutable. Il s'agit d'un petit manuel sur l'art de se farder (De la manière de soigner le visage féminin), de L'Art d'aimer, petit traité d'érotisme, et des Remèdes d'amour. • Les Métamorphoses (quinze livres) sont une épopée cosmogonique. Ovide a sans doute été marqué par le néo-pythagorisme et raconte, en termes symboliques, l'histoire du monde, depuis le chaos primitif jusqu'à Octave Auguste, en reprenant — sous le dénominateur commun des métamorphoses, c'est-à-dire des transformations d'un être en un autre — la plupart des légendes mythologiques. • Les autres oeuvres d'Ovide sont : un commentaire du rituel romain (Les Fastes), qui est inachevé, un pastiche, Les Héroides, recueil de lettres qui sont censées être écrites par des femmes à leurs amants, une tragédie (Médée) et de nombreuses lettres en vers écrites pendant son exil à Tomes (actuellement : Constanza, sur la mer Noire) dans lesquelles il se désole de son exil (deux recueils de lettres : les Tristes et Les Pontiques ou Lettres du Pont-Euxin). On ignore exactement les causes de cet exil. Selon Carcopino, Ovide se serait livré à des pratiques divinatoires (illégitimes) pour connaître l'avenir d'Auguste, ce qui aurait motivé la sanction. e) Les élégiaques. La poésie élégiaque était caractérisée, chez les poètes alexandrins, par un distique composé d'un hexamètre épique et d'un pentamètre. Les thèmes des élégies peuvent être soit des sentiments personnels, soit des thèmes mythologiques. Les deux plus grands élégiaques latins dont nous ayons conservé les oeuvres sont Tibulle (v. 60 av. J.-C. -19 av. J.-C.) et Properce (v. 50 av. J.-C. -15 av. J.-C.). Tibulle n'appartenait pas au cercle de Mécène (il ...»

« Virgile fut admiré par tout le Moyen Age chrétien.

Aussi _ son œuvre _a- �-elle moins souffert que celle d'autres écrivains « païens JJ et nous a-t-elle été transmise presque mtegralement (ms.

du VIe s.).

871 871.1 -GÉNÉRALITÉS.

A -La langue latine.

Voir le n• 424 (Linguistique) où sont étudiées.

outre la langue latine, !"ensemble des langues romanes.

Voir aussi le n° 936 sur l'histoire de Rome.

B -L'évolution générale de la littérature latine.

a) Le cadre historique.

• La littérature romaine débute sous la Répu­ blique, au Ill• siècle av.

J.-C., c'est-à-dire 500 ans environ .

après la fondation de Rome.

Cette éclosion n'est pas le fait d'une génération spontanée; elle a été précédée d'une formation « artistique» des Romains, au contact des Étrusques puis des Grecs (installés à Marseille, en Sicile et en Italie du Sud), dans le courant du V• et du IV• siècle av.

J.-C.

Pendant cette période, les Romains se sont éduqués, un art figuré s'est déve­ loppé (statuaire, art plastique), il s'est peut-être formé des épopées orales populaires et l'influence grecque (ou plus précisément : hellénistique, et même alexan­ drine depuis qu'Alexandrie a détrôné Athènes comme capitale du monée intellectuel méditerranéen) s'est exercée.

• La croissance de Rome l'a conduite à dominer toute la péninsule italienne et à conquérir la Sicile, c'est-à-dire à s'affirmer comme une puissance de première grandeur dans le monde méditerranéen occi-LITTÉRATURE LATINE dental.

Cette expansion l'oppose à la puissance cartha­ ginoise (Carthage est une colonie phénicienne fondée en Afrique du Nord, à proximité de l'actuelle Tunis); de cette rivalité sont issues les guerres carthaginoises ou guerres puniques dont Rome sort victorieuse (la pre­ mière se termine en 241 av.

J.-C.

et place la Sicile sous la domination romaine; la seconde se termine en 201 av.

J.-C.

et place l'Espagne et les îles méridionales sous la domination romaine).

C'est à la fin de la première guerre punique que naît la littérature romaine, à lïmitation de la littérature grecque (Livius Andronicus, voir ci-dessous 871.2, �~* • La Grèce est conquise en 146 av.

J.-C.

C'est l'époque où les deux frères Tiberius et Caïus Gracchus (les Gracques), indignés par les injustices sociales, provoquent la première grande crise politique de la République romaine.

Les temps sont propices à l'élo­ quence et c'est dans cette ambiance passionnée que naît la prose latine (discours, ouvrages historiques).

Ici aussi, les maîtres sont helléniques et c'est à Rhodes, république marchande alliée de Rome, mais autonome, qu'ils enseignent.

Deux philosophes stoïciens (voir 191.3, � tous deux Rhodiens, auront ainsi une influence considérable sur les jeunes Romains aisés qui viennent écouter leurs cours : Panetius (ou Panai­ tios, Il• s.

av.

J.-C.) et son disciple Posidonius (ou Posidonios, fin du Il• s.

av.

J.-C.).

C'est à Rhodes que Cicéron recevra sa formation d'orateur.

• Après quelques remous tragiques (dictature de Sylla en 82-79 av.

J.-C., agissements de Pompée après 80, consulat héroïque de Cicéron en 63, triumvirat Pompée-César-Crassus, en 60, dictature de César en 44, meurtre de César la même année, deuxième trium­ virat d' Antoine-Lépid11-0ctave, rivalité entre Antoine et Oi:tave, à partir de 36 et victoire d'Octave en 31 à Actium sur Antoine, prisonnier des charmes de Cléo­ pâtre), la République s'écroule.

Elle est remplacée par un régime impérial (Octave prend le titre d'Auguste en 27 av.

J.-C.

: voir sur tout cela le n° 936.6, Histoire romaine).

• Du point de �Y.

qui nous occupe, !"histoire de la littérature latine a été particulièrement brillante sous le principat d'Auguste, entre 27 av.

J.-C.

et 14 apr.

J.-C.; c'est à cette période que s'est constitué le classicisme augustéen (on parle du « siècle d"Au­ guste », qui a connu les œuvres de Virgile, Horace, Tibulle, Properce, Ovide, Tive-Live; ce « siècle » n'a duré en réalité qu'une cinquantaine d'années).

Après Auguste, l'histoire de l'Empire romain peut se diviser en deux périodes : une phase d'expansion à l'extérieur et de problèmes politiques à l'intérieur (les empereurs julio-claudiens, les empereurs flaviens, les premiers empereurs antonins); elle se termine en 117 apr.

J.-C., à la mort de Trajan.

Une deuxième phase correspond à la décadence progressive de l'Empire romain (déca­ dence qui n'a pas été continue, et qui a été interrompue par des sursauts à différentes époques; voir pour cela le n ° 936.3, C).

Au cours de cette période qui s'étend du Il• au V• siècle apr.

J.-C., on voit apparaître les in­ fluences orientales et chrétiennes dans le monde romain, les « Barbares » s'infiltrer peu à peu dans l'empire (invasions de 270-275), la puissance romaine se dis­ loquer (création du tétrarchat par Dioclétien en 285, accentuation des différences entre un empire d'Orient et un empire d'Occident), le culte chrétien devenir semi-officiel (édit de Milan, 313, instaurant la liberté du culte chrétien), Rome perdre la prépondérance au profit de Constantinople, fondée en 326, le christia­ nisme devenir religion d'État en 380 et les cultes « païens » interdits dans tout l'empire par une loi de. »

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