Lire le texte : Pierre Bourdieu, La Domination masculine, 1998.
Publié le 24/05/2024
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Lire le texte :
Pierre Bourdieu, La Domination masculine, 1998.
Une vision pessimiste du Féministe
Le travail de reproduction des processus de domination masculine était assuré,
jusqu’à une
époque récente, par trois instances principales, la famille, l’Eglise et L’Ecole, qui,
objectivement orchestrées, avaient en commun d’agir sur les structures
inconscientes.
C’est sans doute à la famille que revient le rôle principal dans la
reproduction de domination et de la vision masculines ; c’est dans la famille que
s’impose l’expérience précoce de la division sexuelle du travail et de la
représentation légitime de cette division, garantie par le droit et inscrite dans le
langage.
Quant à l’Eglise, habitée par l’antiféminisme profond du clergé prompt à
condamner tous les manquements féminins à la décence, notamment en matière
de vêtement, et reproducteur attiré d’une vision pessimiste des femmes et de la
féminité, elle inculquait explicitement une morale familiariste, entièrement
dominée par des valeurs patriarcales, avec notamment le dogme de l’infériorité
foncière des femmes.
Elle agit en outre de manière plus indirect, sur les
structures historiques de l’inconscient, à travers notamment la symbolique des
textes sacrés, de la liturgie et même de l’espace et du temps religieux.[…]
L’école et l’Etat au service de la domination masculine
L’école enfin, lors même qu’elle est affranchie de l’emprise de l’église, continue
de transmettre les présupposés de la représentation patriarcale fondée sur
l’homologie entre la relation homme/femme et adulte/enfant et surtout, peutêtre ceux qui sont inscrits dans ses propres structures hiérarchiques, toutes
sexuellement connotées, entre les disciplines, entre les spécialités, c’est-à-dire
entre les manières de voir ou de se voir, de se représenter ses aptitudes et ses
inclinations.
Mais elle est en même temps, un des principes les plus décisifs du
changement dans les relations entre les sexes du fait des contradictions dont elle
est le lieu et de celles qu’elle introduit.
Il faudrait, pour parachever le recensement des facteurs institutionnels de la
reproduction de la division des genres, prendre en compte le rôle de l’Etat qui est
venu ratifier et redoubler le patriarcat privé par un patriarcat public, inscrit dans
toutes les institutions chargées de gérer et régler l’existence quotidienne de
l’unité domestique.
[…] L’ambiguïté essentielle de l’Etat tient pour une part
déterminante au fait qu’il reproduit dans sa structure même, avec l’opposition
entre les ministères financiers et les ministères dépensiers, la division
archétypale entre le masculin et le féminin, les femmes ayant partie liée avec
l’Etat social, en tant que responsables et entant que destinataires privilégiées des
ses soins et de ses services.
2)....
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