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Libye

Publié le 06/12/2021

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1 PRÉSENTATION

Libye, en arabe Lībyah, pays d’Afrique du Nord, ouvert sur la mer Méditerranée. Sa capitale est Tripoli.

La Libye, l’un des plus grands pays du continent africain, partage ses frontières avec six pays. Les uns font partie des pays arabes : l’Égypte à l’est, l’Algérie à l’ouest et la Tunisie au nord-ouest. Les autres appartiennent à l’Afrique noire : le Soudan au sud-est, le Tchad et le Niger au sud.

2 LE PAYS ET SES RESSOURCES

La libye couvre une superficie de 1 757 000 km². Le territoire est est constitué de trois régions : la Tripolitaine au nord-ouest, la Cyrénaïque à l’est et le Fezzan au sud-ouest. Les 500 km du désert de Syrte séparent les régions côtières de Tripolitaine et de Cyrénaïque, relativement plus arrosées (les précipitations annuelles ne dépassent cependant pas 400 mm). Le reste du pays (neuf dixièmes de la superficie totale) est constitué par des plaines arides et caillouteuses alternant avec des mers de sable. Le désert libyque, à l’est, abrite quelques oasis. La partie occidentale, plus élevée (500 m à 900 m), est traversée d’oueds, le plus souvent à sec. Le massif du Tibesti déborde légèrement sur le territoire tchadien.

Les terres cultivables sont concentrées sur la côte. Des palmiers-dattiers, des oliviers et des orangers poussent dans les oasis. L’accès à l’eau constitue l’une des priorités du pays, dont les autorités ont lancé un gigantesque programme pour la création d’une « rivière artificielle «. Un système de canalisation devrait transporter sur plus de 4 000 km l’eau pompée dans la nappe phréatique du désert libyque jusqu’au nord (Tripoli et Benghazi).

La ressource essentielle de la Libye est le pétrole (11e rang mondial). Le gaz naturel, le gypse, le calcaire, le sel de mer, la potasse et le natron (carbonate de sodium) sont exploités en moindre proportion.

3 POPULATION ET SOCIÉTÉ
3.1 Démographie

La population de la Libye était estimée à 6,17 millions d'habitants en 2008. Les travailleurs étrangers et leurs familles représentent près de 20 p. 100 de la population totale et 50 p. 100 de la population active. Ils viennent principalement d’Égypte, du Soudan et du Sahel (Niger, Tchad, Nigeria). Les Libyens sont, pour la plupart, d’origine berbère. Ils ont été arabisés assez tôt avec l’expansion de l’islam d’est en ouest, portée par les tribus arabes dès le VIIIe siècle.

En 2008, la densité moyenne était de 3,5 habitants au km2. La population est cependant très inégalement répartie ; plus des deux tiers des habitants vivent dans les régions côtières et 87 p. 100 sont citadins. Les ports de Tripoli, la capitale (2 006 260 habitants en 2003 pour l’agglomération), et de Benghazi (650 600 habitants) sont les deux principales zones urbaines. Ces deux villes concentrent plus de la moitié de la population. Le désert est le domaine des tribus nomades ou semi-nomades.

Sur la période 1990-1995, la croissance annuelle de la population s’élevait à 3,1 p. 100. Le taux de mortalité infantile atteignait 22 p. 1 000 et l’espérance de vie était de 77,1 ans en 2008.

3.2 Langue et religion

L’islam est religion d’État et, depuis 1994, la charia, loi islamique, s’applique en matière de droit. La quasi-totalité de la population libyenne est musulmane sunnite. L’islam libyen demeure organisé autour de la confrérie religieuse Senoussiya. L’arabe est la langue officielle, mais le berbère est toujours parlé, notamment dans les oasis et dans les montagnes de Tripolitaine et de Cyrénaïque. L’anglais et l’italien sont utilisés dans le commerce.

3.3 Enseignement et institutions culturelles

Des efforts importants ont été réalisés pour apprendre à lire et à écrire à une population largement analphabète à la veille de l’indépendance. L’enseignement primaire a été rendu gratuit et obligatoire. En 2005, plus de 84,2 p. 100 de la population adulte étaient alphabétisés. Au début des années 1990, près de 80 p. 100 des jeunes de douze à dix-sept ans étaient scolarisés. 18 p. 100 de la classe d’âge concernée poursuivaient leurs études dans le troisième degré.

La bibliothèque d’État et les Archives nationales se trouvent à Tripoli, mais la bibliothèque la plus importante, riche de plus de 300 000 volumes, se trouve à Benghazi.

Les ruines romaines spectaculaires qui se situent sur le territoire libyen, sont peu valorisées, l’activité touristique étant elle-même peu importante. Le musée de Leptis Magna à Al-Khums abrite néanmoins d’imposantes ruines romaines. Tripoli possède des musées d’archéologie, d’histoire naturelle, d’épigraphie, de préhistoire et d’ethnographie.

3.4 Institutions et vie politique

Porté au pouvoir par un coup d’État militaire en 1969, Muammar al-Kadhafi instaure une République arabe et socialiste, sur le modèle de l’Égypte dirigée par Gamal Abdel Nasser. Elle est gouvernée par un Conseil révolutionnaire. En 1973 sont formés des comités populaires conçus comme lieux de l’exercice d’une démocratie directe. En 1977, une nouvelle Constitution institue la Jamahiriya (État des masses). Aux termes de la Constitution, le pouvoir exécutif est partagé entre le Guide de la révolution, Muammar al-Kadhafi, seize représentants du Congrès général du peuple (CGP), l’Assemblée nationale et son bureau politique. En fait, dans le texte constitutionnel, il existe une imbrication totale des pouvoirs exécutif, législatif voire judiciaire, dans la mesure où la justice est supposée être assurée par le peuple au sein du Comité du peuple pour la justice. Dans la pratique, le chef de l’État prend les grandes décisions, les comités populaires se chargeant de la gestion des affaires locales.

3.5 Défense

En 2004, la Libye entretenait une armée de terre de 45 000 hommes, une marine de 8 000 hommes et une armée de l’air de 23 000 hommes. Ses forces armées étaient ainsi plus importantes que celles de la Tunisie voisine, pourtant deux fois plus peuplée.

4 ÉCONOMIE

Avant la découverte du pétrole en 1958, l’agriculture constituait le fondement de l’économie libyenne même si les cultures étaient limitées aux régions côtières. L’élevage jouait un rôle important dans cette société de tradition nomade. L’exploitation pétrolière a profondément modifié l’économie : le produit national brut (PNB) est passé de 1,5 milliard de dollars en 1965 à 25,4 milliards en 1985. La chute du cours du pétrole s’est alors conjuguée avec les effets de l’embargo imposé par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) en 1986 et prolongé en 1992. Cet embargo, motivé par les accusations dirigées par la France, le Royaume-Uni et les États-Unis contre le régime de Tripoli, soupçonné d’être impliqué dans différents attentats terroristes, ne concerne pas les exportations pétrolières. Il alimente cependant l’inflation (30 p. 100 en 1994), contribue au développement d’un marché noir et prive le pays d’un accès à la technologie occidentale. En 1994, le PNB, en régression continue depuis 1991, était de 26 milliards de dollars. Les programmes de développement ont dû être revus à la baisse et le PNB par habitant a diminué d’au moins 25 p. 100 en une décennie pour atteindre 5 650 dollars en 1994.

4.1 Agriculture

La majeure partie de la terre arable et des pâturages se trouve en Tripolitaine. Quelque 250 000 ha sont irrigués et le projet de « rivière artificielle «, dont la construction a commencé en 1984, a pour but d’en irriguer 180 000 autres. La première tranche, inaugurée en 1991, fournit moins du cinquième de la quantité d’eau initialement prévue, en raison de défaillances techniques et d’une forte évaporation. 15 p. 100 de la population active travaillent dans le secteur agricole qui réalisait, en 1995, 8 p. 100 du PNB. Les principales productions sont le blé (100 000 t par an), l’orge (100 000 t), les olives (72 000 t) et les dattes (76 000 t). L’élevage nomade tient une place très importante. Le cheptel comprenait, en 1993, 7,2 millions de têtes avec une prédominance des ovins. La pêche est, en revanche, peu développée, avec 8 800 t pêchées en 1993.

4.2 Mines et industrie

Le pétrole est la principale source de revenus de la Libye qui produisait, en 1994, 68 millions de t de pétrole dont 61 millions étaient exportés, ce qui place le pays au quatorzième rang mondial des producteurs. Le gaz naturel, dont la production s’élevait à 6,4 milliards de m3 en 1993, est essentiellement destiné à la consommation intérieure. Les réserves sont très importantes (1 300 milliards de m3).

L’industrie libyenne est fondée sur le raffinage du pétrole (40 p. 100 du pétrole brut) et l’industrie pétrochimique. La manne pétrolière et la faible population ont permis de très lourds investissements. Le complexe sidérurgique de Misurata, qui a coûté 12 milliards de dollars, ne fonctionne cependant pas au maximum de ses capacités. Les biens de consommation sont totalement importés.

4.3 Échanges

L’unité monétaire de la Libye est le dinar libyen, divisible en 1 000 dirhams, et s’échangeait officiellement contre 0,54 dollar en février 2001. L’ensemble du système bancaire est contrôlé par l’État (régulation stricte du crédit et restrictions des sorties de devises). Ceci a encouragé le trafic de devises. L’embargo, décidé par le Conseil de sécurité de l’ONU, a gelé les avoirs financiers libyens à l’étranger.

Le pétrole représente la quasi-totalité des exportations de la Libye. Avec la chute des cours, les exportations sont tombées de 21,9 milliards de dollars en 1980 à 7,3 milliards en 1994. Les importations, en 1994, étaient de 6,9 milliards de dollars et consistaient essentiellement en produits manufacturés et alimentaires. Les principaux partenaires économiques de la Libye sont l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne, la France, le Japon et la Grande-Bretagne.

La Libye est dotée d’un réseau autoroutier sur la côte. Des routes relient Tripoli à Tunis, en passant par Benghazi et Tobrouk, à Alexandrie. Une route partant de Sebha, dans l’intérieur du pays, assure la jonction du Sud avec l’autoroute côtière. La compagnie aérienne nationale, Libyan Arab Airlines, est pratiquement paralysée en raison de l’embargo aérien. Pour compléter les installations portuaires de Tripoli, Benghazi et Tobrouk, un nouveau port a été créé à Misurata en 1978.

Malgré la faiblesse quantitative et qualitative des médias libyens, le pays est relativement bien doté en postes de radio et de télévision (environ 1,4 million de radios et 770 000 téléviseurs en 2000). Le quotidien libyen Al-Fajr al-Jadid, publié à Tripoli, était diffusé à 40 000 exemplaires au début des années 1990.

5 HISTOIRE
5.1 L’Antiquité

La Libye doit probablement son nom aux Libou de Cyrénaïque, qui, avec les Mahouach, attaquèrent l’Égypte pharaonique à partir du XIIe siècle avant notre ère. Certains de ces Libyens sont demeurés en Égypte, mercenaires à la solde de la XXIe dynastie. Les deux dynasties suivantes, à partir de 945 av. J.-C., furent libyennes.

Hérodote et, après lui, les géographes grecs désignent par le terme de Libye, tout le nord du continent africain, à l’exclusion de l’Égypte. La côte libyenne, dans cette acception large, a, dans l’Antiquité, une grande importance commerciale. L’or du Soudan y parvient après avoir traversé le Sahara.

Dès le VIIIe siècle avant notre ère, les Phéniciens fondent des comptoirs commerciaux sur la côte de Tripolitaine, parmi lesquels Leptis Magna, Oea (Tripoli) et Sabrata, qui sont ensuite conquises par Carthage au VIe siècle av. J.-C. La Cyrénaïque, à l’ouest, est, quant à elle, colonisée par les Grecs au VIIe siècle av. J.-C. Hérodote décrit au Ve siècle av. J.-C. les Garamantes, peuple du Fezzan, agriculteurs sédentaires qui utilisent, dans les combats, des chars tirés par des chevaux. Durant le Ier siècle avant notre ère, les trois régions qui forment l’actuelle Libye — Tripolitaine, Cyrénaïque et Fezzan — passent sous domination romaine. La Libye, alors riche et fertile, devient l’un des greniers de l’Empire romain.

Le pays entame son déclin après l’envahissement des régions côtières par les Vandales en 455 apr. J.-C. Elles sont reconquises par les Byzantins à partir de 533.

5.2 La conquête arabe

En 641, les Arabes, conduits par Amr Ibn al-As, conquièrent la Cyrénaïque puis la Tripolitaine, progressivement islamisées. Les conquérants musulmans ne parviennent jusqu’au Fezzan qu’en 666. Cette région connaît jusqu’au XIXe siècle une histoire différente. À partir du XIIIe siècle, elle passe sous suzeraineté de l’empire tchadien de Kanem-Bornou. Au XVIe siècle, une dynastie chérifienne y est fondée par des Marocains.

En Cyrénaïque et en Tripolitaine, comme en Algérie, les Berbères s’opposent aux Arabes et rallient massivement le kharijisme, mouvement rigoriste dissident de l’islam. Gouvernées successivement par les Omeyyades, les Aghlabides et les Fatimides, ces régions sont en partie conquises en 1146 par les Normands, qui les abandonnent bientôt aux Almohades.

5.3 La puissance des senoussis

En 1551, après plus d’un siècle durant lequel se sont multipliées les dynasties locales, la Cyrénaïque et la Tripolitaine passent sous suzeraineté ottomane. Tripoli et les ports côtiers deviennent des bases pour les corsaires turcs qui écument la Méditerranée. Les puissances européennes interviennent à plusieurs reprises contre les pachas de Tripoli. De 1711 à 1835, les Qaramanlis gouvernent la région, indépendante de fait. L’Empire ottoman réagit en annexant la Cyrénaïque et la Tripolitaine, qui deviennent des wilayet en 1835. Dès le milieu du siècle cependant, la confrérie des senoussis, dont le fondateur al-Sanusi, originaire de l'oasis de Koufra, a fondé la première zaouïa en Cyrénaïque en 1843, est à la tête d’un véritable État indépendant dans le désert Libyque.

Violemment nationalistes, les senoussis dirigent la résistance contre les Italiens, qui entreprennent de conquérir la Libye en 1911. L’Empire ottoman renonce à ses droits sur la Libye en 1912, mais la conquête italienne, qui concerne également le Fezzan, n’est achevée qu’en 1932. Deux ans plus tard, les colonisateurs fusionnent les trois régions historiques au sein d’une même colonie libyenne, laquelle devient province italienne en 1939.

5.4 Le royaume libyen

Durant la Seconde Guerre mondiale, la Libye, qui contrôle l’accès vers l’Égypte et le canal de Suez, à l’est, et la route terrestre vers l’Afrique du Nord française, à l’ouest, est le théâtre de combats intensifs entre puissances de l’Axe et Alliés. En juillet 1942, le maréchal Rommel, à la tête de l’Afrikakorps, après avoir reconquis la Cyrénaïque, parvient jusqu’à El-Alamein, en territoire égyptien. La VIIIe armée de Montgomery mène la contre-offensive. Le 23 janvier 1943, Tripoli est prise par la VIIIe armée, rejointe par les troupes françaises du général Leclerc, qui ont mené la campagne du Fezzan à partir du Tchad et de l'Afrique centrale. Les troupes de l’Axe repoussées de Libye, la France et la Grande-Bretagne se partagent le contrôle du pays. Des garnisons françaises demeurent dans le Fezzan jusqu’en 1955.

Le 21 novembre 1949, l’Assemblée générale des Nations unies approuve une résolution en faveur de l’indépendance libyenne. Une assemblée nationale, composée d’un nombre égal de délégués de Cyrénaïque, de Tripolitaine et du Fezzan, se réunit à Tripoli en 1950 et désigne comme roi l’émir Muhammad Idris as-Sanusi, chef de la confrérie des senoussis. Le 7 octobre 1951 est promulguée une Constitution, instituant une fédération gouvernée selon un régime monarchique parlementaire. Le 24 décembre, le roi Idris Ier proclame l’indépendance du Royaume de Libye. Des élections parlementaires ont lieu en février 1952 et le Parlement est réuni pour la première fois en mars. La Libye rejoint la Ligue arabe en 1953 et les Nations unies en 1955. En 1963, la Constitution est amendée afin d’accorder aux femmes le droit de vote ; le système fédéral est remplacé par un système centralisé.

Le nouvel État bénéficie de l’aide économique et technique de la France, de la Grande-Bretagne et des États-Unis en contrepartie du maintien d’une base militaire en Tripolitaine. Toutefois, la découverte des gisements pétroliers, en 1958 et 1959, va modifier la position libyenne et des négociations pour le retrait des troupes étrangères débutent en 1964. La Libye a établi des relations diplomatiques avec l’URSS en 1956, mais elle repousse les propositions d’aide économique des Soviétiques.

Les premiers dividendes pétroliers permettent au roi Idris, après la guerre des Six Jours menée, en 1967, contre Israël par les pays arabes et à laquelle la Libye n’a pas participé, d’apporter une aide financière à la Jordanie et à la République arabe unie, alliance égypto-syrienne, pour reconstruire leur économie.

5.5 La république révolutionnaire

Le 1er septembre 1969 s’ouvre une ère nouvelle dans l’histoire de la Libye, lorsqu’un groupe de jeunes officiers renverse la royauté et proclame la république. Le gouvernement révolutionnaire, dirigé par le colonel Muammar al-Kadhafi, affiche d’emblée un nationalisme intransigeant, exigeant l’évacuation immédiate des bases anglo-saxonnes et expulsant, en 1970, la communauté italienne demeurée en Libye après l’indépendance. L’administration, l’éducation et le domaine culturel sont intégralement arabisés. En 1973, les sociétés pétrolières sont nationalisées.

Le nouveau dirigeant libyen affirme également sa détermination à jouer un rôle plus important dans les affaires du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord. Se posant en rassembleur du monde arabe et musulman, il entame des pourparlers pour une union avec l’Égypte et le Soudan. Celle-ci est conclue en 1970, mais demeure lettre morte. L’année suivante, une tentative de fédération de l’Égypte, de la Libye et de la Syrie échoue. L’union avec l’Égypte, décidée en 1972, ne se maintient que deux ans. Les alliances, nouées successivement avec la Tunisie, en 1974, puis avec le Tchad, en 1981, connaîtront le même destin éphémère.

Les interventions de la Libye au Tchad, où Kadhafi revendique la bande d’Aozou, provoquent les premiers heurts avec les pays occidentaux : en 1983, l’armée française arrête les troupes libyennes qui sont venues en renfort de l’armée de Goukouni Oueddeï et menacent Ndjamena. La Libye se maintient cependant dans le nord du territoire tchadien.

En 1977, Kadhafi proclame la Jamahyria, État des masses, sous le couvert duquel il renforce son pouvoir personnel. Le régime libyen se radicalise. La Libye, qui est, aux lendemains de la guerre du Kippour, l’un des plus farouches défenseurs de l’embargo pétrolier décrété par les pays arabes exportateurs de pétrole contre Israël et les pays occidentaux qui soutiennent l’État hébreu, prend la tête, aux côtés de la Syrie, du « Front de la fermeté « rassemblant, à partir de 1978, les États arabes hostiles à toute négociation avec Israël. En 1980, Kadhafi rompt avec l’al-Fatah, branche armée de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), dont il soutient, dès lors, l’aile la plus radicale. D’autres mouvements nationalistes révolutionnaires reçoivent l’aide financière et logistique du régime de Kadhafi, au nom d’un anti-impérialisme qui est dirigé en premier lieu contre les États-Unis.

5.6 L’isolement international

L’affrontement entre la Libye et les États-Unis, dont l’ambassade à Tripoli a été saccagée en 1979, devient plus direct dans les années 1980. En 1981, deux avions de chasse libyens sont abattus par l’armée américaine alors qu’ils survolent le golfe de Syrte, que la Libye considère comme faisant partie de son territoire. L’année suivante, les États-Unis imposent un embargo sur les importations de pétrole libyen. En 1985 et 1986, une série d’actes terroristes (détournement d’un paquebot italien, attentats à Vienne, à Rome et à Paris) est perpétrée en Europe, dont la Libye est tenue pour responsable. Après qu’en mars 1986 le golfe de Syrte eut été le théâtre d’un nouvel affrontement entre armée libyenne et marine américaine, les États-Unis bombardent Tripoli et plusieurs sites militaires que le président Ronald Reagan a désignés comme des « centres terroristes «. La maison de Kadhafi est touchée et sa jeune fille est tuée. Les raids américains, qui provoquent d’importants dégâts et font de nombreuses victimes, ne suscitent que des protestations formelles de la part des pays arabes et de l’Union soviétique, démontrant ainsi l’isolement croissant du régime sur le plan international. L’humiliation, dans le pays, est accrue par l’échec au Tchad, où la Libye doit abandonner la bande d’Aozou en 1987. En 1994, la Cour internationale de justice de La Haye attribue définitivement ce territoire au Tchad.

La Libye est à nouveau accusée, par les États-Unis, par le Royaume-Uni et par la France, d’être impliquée dans deux attentats aériens contre des avions de ligne, l’un américain qui explose en vol, en 1988, au-dessus de Lockerbie, en Écosse, l’autre français qui s’écrase dans le Ténéré en 1989. Des ressortissants libyens sont mis en cause par les institutions judiciaires française et britannique sans que la Libye accepte de les extrader. En 1992, un embargo aérien et militaire est décidé par le Conseil de sécurité des Nations unies, qui élargit ainsi l’embargo décrété unilatéralement par les États-Unis en janvier 1986. La même année, les Américains accusent la Libye de construire une usine de fabrication d’armes chimiques, sous le couvert d’une usine d’engrais.

La menace extérieure, représentée par l’embargo, demeure cependant relative pour le régime de Kadhafi qui s’est rapproché de ses voisins maghrébins, rapprochement concrétisé, en 1989, par la création de l’Union du Maghreb arabe. À l’intérieur, en revanche, le colonel Kadhafi doit faire face à l’opposition des mouvements islamistes, parmi lesquels le plus ancien et le plus puissant est celui des Frères musulmans. La force de ce dernier réside, d’une part, dans ses liens avec son homologue égyptien, toujours puissant malgré la répression dont il fait l’objet et, d’autre part, dans le soutien qu’il pourrait recevoir de la confrérie Senoussiya, encore très présente. En effet, l’islam, tel que le dirigeant de la Jamahiriya l’a théorisé, prête flanc à la critique des fondamentalistes musulmans dans la mesure où il s’agit d’une interprétation qui néglige la référence aux hadiths (ensemble des dires et des gestes du Prophète), éléments constitutifs fondamentaux de la charia, la loi islamique. Pour contrecarrer la montée de l’islamisme, le régime libyen a adopté celle-ci comme fondement du droit libyen, en 1994, tout en menant une sévère répression contre les Frères musulmans.

Le colonel Kadhafi utilise par ailleurs habilement la menace islamiste pour obtenir la coopération des autorités égyptiennes et des pays arabo-musulmans, dont de nombreux ressortissants résident et travaillent en Libye et sont susceptibles d’en être expulsés, comme des dizaines de milliers d'Égyptiens et de Soudanais l’ont été en 1995, dans le contournement de l’embargo imposé à son pays.

5.7 Le retour progressif sur la scène internationale

Poursuivant la répression à l’égard des islamistes, au lendemain des émeutes survenues à Benghazi en 1995, le colonel Kadhafi qui, en 1996, lance également une campagne contre la corruption marquée par une vague d’arrestations dans les milieux d’affaires, s’efforce de rompre l’isolement de son pays. Il s’appuie sur l’hostilité de plusieurs pays européens à l’égard des décisions américaines visant à imposer un embargo contre les investissements dans le domaine pétrolier et des sanctions à l’encontre de toute compagnie investissant annuellement plus de 40 millions de dollars. Kadhafi multiplie aussi les voyages dans les pays de la zone sahélienne (Niger, Nigeria), annonce la reprise des investissements libyens au Soudan et au Mali et renoue avec le Tchad d'Idriss Déby. Surtout, il reçoit l’appui du président sud-africain, Nelson Mandela qui, en visite en Libye, en octobre 1997, critique l’embargo et réclame son arrêt. En juin 1998, l’OUA décide de lever unilatéralement l’embargo aérien imposé à la Libye.

De plus, en 1999, l'extradition vers les Pays-Bas pour jugement de deux Libyens soupçonnés d'être impliqués dans l'attentat de Lockerbie entraîne la levée des sanctions internationales contre le pays. Émaillée de difficultés, la levée des sanctions internationales est effective en septembre 2003, après que la Libye s’est engagée à indemniser les familles des victimes des attentats de 1988-1989. Le pays effectue progressivement un retour sur la scène internationale. Sa politique africaine, orientée vers la médiation dans plusieurs conflits et la diplomatie associative et humanitaire, lui vaut d’obtenir, grâce au soutien des pays africains, la présidence de la Commission des droits de l’homme de l’ONU en janvier 2003. Un nouveau pas est franchi en décembre 2003, lorsque la Libye annonce qu’elle renonce à tout programme d’armes de destruction massive.

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