Liberte et connaissance de soi
Publié le 18/01/2024
Extrait du document
«
Liberté et connaissance de soi
Que révèle, à un homme conscient de lui-même, une enquête sur sa propre liberté ?
(Obtient-il une confirmation objective du sentiment de sa liberté, ou découvre-t-il que cette liberté doit
justement être gagnée par une connaissance plus approfondie de lui-même ?)
Plan :
Introduction : « pourquoi chercher à se connaître soi-même ? »
Nietzsche : « nous ne sommes pas pour nous-mêmes des chercheurs de connaissance...
»
Problématique : la conscience de soi, signe de notre liberté originelle, ou prise de conscience de la tâche
qui est la nôtre de nous libérer de ce qui nous détermine ?
Première partie : La liberté humaine, un fait absolument certain.
L'homme comme sujet libre,
transparent à lui-même et souverain
a)La liberté du sujet : le cogito de Descartes, et la liberté de rechercher le bien objectif
b)Créer ses propres règles : l'autonomie et la liberté politique (Rousseau, Montesquieu)
c)La liberté de la conscience, entre néant et infini : comment avoir prise sur le monde ? (Sartre,
Merleau-Ponty)
Transition : remarques critiques sur la définition de l'homme comme sujet substantiel et comme
individu libre (Bourdieu)
Deuxième partie : Mettre en jeu le « je » : la subjectivité en devenir et la libération de l'homme comme
horizon de la connaissance de soi
a)L'homme n'est pas un empire dans un empire : la question du déterminisme (Spinoza)
b)La liberté d'un moi unifié : une fiction dangereuse
c)Le moi, pris dans un jeu de relations, saisi dans un jeu de regards (Montaigne, Platon)
Conclusion : libération et humanisation de notre conscience (Hegel)
Introduction : « Pourquoi chercher à se connaître soi-même ? »
Texte apéritif :
Nietzsche, La généalogie de la morale, Préface
Nous sommes pour nous des inconnus, nous en personne pour nous en personne : il y a à cela une
bonne raison.
Nous ne sommes jamais partis à la recherche de nous-mêmes, - comment pourrait-il se
faire qu’un beau jour nous nous trouvions ? C'est à juste titre que l’on a dit : « Là où se trouve votre
trésor, se trouve aussi votre cœur » ; notre cœur se trouve là où sont les ruches de notre connaissance.
Nous sommes toujours en route vers elles, nous qui sommes nés ailés et collecteurs de miel de l’esprit,
nous n’avons vraiment qu’une seule et unique chose à cœur – rapporter quelque chose « chez nous ».
Quant à la vie, pour le reste, aux soi-disant « expériences vécues », - qui d’entre nous a seulement assez
de sérieux pour cela ? Ou assez de temps ? Pour ce qui est de ces sujets, nous n’avons, je le crains,
jamais été vraiment « captivés par le sujet » : notre cœur n’y est justement pas – et même pas notre
oreille ! Tout au contraire, tel un être en proie à une distraction divine et immergé en lui-même, à
l’oreille de qui la cloche vient de sonner ses douze coups de midi à toute volée, qui se réveille en sursaut
et se demande : « Qu'est-ce qui vient de sonner au juste ? », nous aussi, il nous arrive de nous frotter
les oreilles après coup et de nous demander, totalement stupéfaits, totalement déconcertés :
« Qu’avons-nous vécu là au juste ? », plus encore : « Qui sommes-nous au juste ? », et nous
recomptons, après coup, comme on l’a dit, l’ensemble de ces douze coups de cloches vibrants de notre
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expérience vécue, de notre vie, de notre être – hélas ! et nous comptons de travers… Nous demeurons
justement étrangers à nous-mêmes, de toute nécessité, nous ne nous comprenons pas, il faut que nous
nous méprenions sur notre compte, le principe : « Chacun est pour lui-même le plus lointain (1) »
s’applique à nous à tout jamais, - à notre égard nous ne sommes pas des « hommes de
connaissance »…
(1) Inversion de la formule de Térence : « proximus sum egomet mihi (je suis de moi-même le plus proche »,
l’Andrienne, IV, 1, 12.
Usage du texte : laisser les élèves le lire, et leur demander d'extraire la thèse et l'argument principal.
A partir
de là on extrapole :
thèse : l'homme n'est pas véritablement pour lui-même un objet de connaissance.
Il y a là un
étonnement : certes, l'homme veut connaître, mais il veut tout connaître, sauf, précisément, luimême.
Argument : la preuve : personne n'est suffisamment attentif à lui-même pendant qu'il vit : tout ce
qu'il sait sur lui-même, il ne le sait que rétrospectivement, donc en retard.
Sur nous-mêmes, la
connaissance est toujours en retard sur la vie, elle sera donc toujours inadéquate.
En extrapolant : nous ne pouvons pas savoir qui nous sommes : nous aurons par conséquent du mal à
en déduire si oui ou non nous sommes libres, si cette personne que nous connaissons à peine, et
toujours trop tard, est libre ou non.
Il y a donc une première difficulté :
je me sens libre, en général ;
mais le moindre début de ré-flexion, comme celui que propose Nietzsche, faire retour sur soi, se
regarder soi-même, révèle à ma conscience qu'elle ne sait pas vraiment si elle est libre ou non.
Ma conscience immédiate (moi qui vis, moi qui suis en éveil) me suggère une sensation de liberté.
Mais le moindre examen de ma conscience par elle-même, lorsqu'elle devient réfléchie, contredit cette
sensation de liberté, ou, du moins, la remet en question.
Par conséquent, le problème est le suivant : il ne suffit pas de se sentir exister, d'être conscient de soi, pour
savoir si l'on est libre, et, a fortiori, pour l'être réellement.
Ma conscience, c'est un savoir qui accompagne tous les autres ( cum et scire, scientia), une représentation qui
accompagne toutes mes autres représentations (je me représente toujours qu'il y a un moi qui pense, lorsque
je me représente quelque chose), comme le suggère Kant dans la Critique de la raison pure.
Être conscient,
c'est pouvoir dire « je », et se considérer, par conséquent, comme un « sujet » :
quelqu'un qui peut parler « en première personne »
quelqu'un qui ne se perçoit pas comme une chose, mais comme un être exceptionnel par rapport aux
choses ; un regard ou un point de vue sur les choses, plus qu'une chose elle-même (Kant,
Anthropologie du point de vue pragmatique)
quelqu'un qui a le sentiment ou la sensation d'être bien à l'origine de ce qu'il dit, fait, pense, et non de
se faire dicter ce qu'il dit, veut, pense, fait, par quelqu'un d'autre ou par des causes agissant sur lui
(milieu, société, corps...) : quelqu'un qui a le sentiment d'agir par soi-même, qui se caractérise par
l'aséité (être par soi, agir par soi).
Mais quand on y regarde de plus près, cette simple conscience d'exister, d'être un « moi » ou d'avoir une
« subjectivité », est vague ou incertaine :
[ESSENCE INCONNNUE] Cette conscience n'atteint pas mon « être » même : il ne me suffit pas
de savoir que je suis pour savoir d'emblée qui (ou ce que) je suis : ma nature me demeure inconnue,
mon « essence » ne m'est pas accessible d'emblée ;
[SIMPLES CONNAISSANCES PRATIQUES] la plupart du temps, ce que je sais de moi-même, ce
sont surtout des données utiles pour agir, des données concrètes, des connaissances pratiques, ne
visant à rien d'autre qu'à me maintenir en vie (avoir faim, avoir froid, se sentir malade, avoir peur) ;
mais cela ne prend pas en compte la question : « qui suis-je » : ces connaissances ne satisfont en rien
l'appétit que je peux avoir de me connaître moi-même pour simplement me connaître ;
[PAS D'ASEITE VERITABLE] rien ne me prouve (je n'en ai tout au plus que la sensation,
l'impression, mais que valent ces sensations subjectives? Ne sont-elles pas trop flatteuses pour être
vraies?) que je sois bien l'auteur véritable de mes pensées, de mes désirs.
Je peux avoir été influencé,
déterminé sans m'apercevoir de ces influences extérieures, comme Leibniz le suggérait en retraçant
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la genèse de nos « pensées volantes » par l'accumulation de « petites perceptions ».
Il est plus
vraisemblable, plus proche de ce que nous vivons vraiment au quotidien, de dire qu' « une pensée ne
vient pas quand je veux, mais quand elle veut.
» (Nietzsche, Par-delà bien et mal, §17 : « une pensée
se présente quand « elle » veut, et non pas quand « je » veux »).
Dès lors, que pouvons-nous dire pour le moment ?
L'homme est, ou a, un pouvoir de connaissance réflexif : il est capable de faire retour sur lui-même, et, ce
faisant, de gagner en lucidité par rapport à ses propres sensations, par rapport à ses impressions subjectives.
L'homme peut donc objectiver ses propres sensations, ses propres impressions, et ainsi mener une étude
rigoureuse de lui-même (psychologie, anthropologie, sociologie).
Mais justement, que révèlent les résultats de cette étude, de....
»
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