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L'histoire ne raconte-t-elle que des "histoires" ?

Publié le 01/01/2004

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histoire

Vous remarquerez que ce sujet joue sur la variation de sens qu'introduit, pour le terme « histoire «, le passage du singulier au pluriel. Mais cet apparent jeu de mots pose le problème primordial de l'historiographie. Comment s'assurer que les historiens ne mentent pas ou ne se trompent pas eux-mêmes?  Vous pouvez commencer par comparer, pour les rapprocher ou pour les distinguer, les oeuvres de fiction (romans, films, épopées...) et les livres d'histoire portant sur le même sujet. Vous trouverez, chez Balzac ou chez Tolstoï par exemple, la conviction que l'artiste est plus fidèle au passé que le « professionnel « toujours trop myope ou trop partisan. Toutefois, une grande différence subsiste entre elles. Comme le remarque Marc Bloch, elle réside dans le fait suivant : on pardonne aisément à un livre d'histoire de n'être pas passionnant, s'il est exact, alors que l'on passe au romancier les déformations et les mensonges les plus caractérisés si son récit nous charme. L'attente du lecteur est donc radicalement différente. Ce peut être un point de départ pour discuter la capacité de l'historiographie à constituer un savoir véritable.

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« lui sont propres. L'impossibilité d'éviter la forme du récit dans la discursivité historique Comment choisir les faits significatifs?Si rigoureuse que soit la méthode, si objective et parfaite que puisse être sa connaissance des faits, l'historien doitcommencer par choisir, parmi tous les faits possibles, ceux qu'il considérera comme significatifs, par opposition àceux qui seront insignifiants.

Un tel choix est nécessaire : il serait impossible de tout retenir, le passé est trop riche.Refuser de choisir, c'est accepter et entériner d'autres choix, ceux que dicte l'époque historique dans laquelles'inscrit l'historien et qui s'imposent à lui éventuellement à son insu, ou encore ces choix qui expliquent l'abondanceet l'«évidence» de certains documents sur certains faits (par exemple les événements politiques) et l'absence, ou larareté et l'obscurité d'autres données, portant sur d'autres faits, dont l'insignifiance peut être et a été discutée (parexemple les mentalités, les faits économiques, etc.).

Le choix des faits significatifs s'appuie sur des critères,explicites ou non, qu'aucune «méthode scientifique» ne peut donner, puisqu'elle les suppose.

On voit qu'il estimpossible d'opposer le savant qui, «dit-on, reconstitue les faits » et le philosophe qui «les apprécie»: l'historienexprime par ses choix une certaine évaluation qui peut être dite philosophique, puisqu'elle n'est pas le constatscientifique, et ne peut l'être.Comme l'écrit encore R.

Aron: «L'historien, selon la formule courante, doit être impartial.

Mais toujours il rattache unacte à ses causes ou à ses conséquences: réponse adaptée ou inadaptée, décision efficace ou inefficace [desacteurs historiques].

En ce sens, il utilise le critère que suggère l'éthique historique: le succès.» On voit qu'il sembleimpossible de tracer la frontière qui séparerait une histoire exposant les faits tels qu'ils se sont passés et unehistoire construisant son objet, un passé jugé significatif. Fonction de la synthèse historiqueOn oppose souvent à l'établissement des faits – qui n'impliqueraient aucune thèse philosophique – l'élaboration d'unesynthèse historique, l'articulation des faits à l'intérieur d'un ensemble qui permet de les interpréter, de définir causeset conséquences, etc.

C'est sur ce plan que l'historien ferait appel à des philosophes ou à des thèsesphilosophiques.

Une telle opposition, cependant, est un peu artificielle: le choix des faits, nous l'avons vu, mais aussileur détermination, requièrent une idée de leur sens, de leur valeur, qui engage déjà une démarche de synthèse.

Parexemple, Lucien Febvre remarque que l'historien ne cherche pas des faits à travers le passé «comme un chiffonnieren quête de trouvailles, mais part avec, en tête, [...] une hypothèse de travail à vérifier».

Car, précise-t-il, «le faiten soi, cet atome prétendu de l'histoire, où le prendrait-on ? L'assassinat d'Henri IV par Ravaillac, un fait ? Qu'onveuille l'analyser, le décomposer en ses éléments, matériels les uns, spirituels les autres, résultat combiné de loisgénérales, de circonstances particulières de temps et de lieux, de circonstances propres enfin à chacun desindividus, connus ou ignorés, qui ont joué un rôle dans la tragédie : comme bien vite on verra se diviser, sedécomposer, se dissocier un complexe enchevêtré...

Du donné ? Mais non [...] de l'inventé et du fabriqué, à l'aided'hypothèses et de conjectures, par un travail délicat et passionnant » (Combats pour l'histoire, A.

Colin, 1965). Conclusion L'historien ne semble décidément pas pouvoir se contenter d'être celui qui raconte simplement les faits, tels qu'ils sesont passés.

Én effet, un tel projet n'est pas réellement praticable.

S'il veut parvenir à une connaissance objective,l'historien est conduit à prendre conscience de prénotions, préjugés et autres théories naïves à travers lesquels ilchoisit et analyse certains faits dans des perspectives discutables.

Son travail serait alors de substituer à cescatégories des hypothèses théoriques qui le conduiraient à re-interroger les documents connus (ou à en chercherd'autres) pour les confirmer ou les infirmer.

Ce faisant, l'historien ne se borne pas à «raconter des histoires», il neraconte pas simplement ce qui s'est passé.

Il cherche à établir et son enquête est interminable.. »

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