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L'histoire du droit

Publié le 13/03/2021

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A) Les sources fondatrices du jus sur la République Ces sources qui constituent les fondements du Jus sont de deux sortes : - La « Loi des XII tables » - Les lois royales > La « Loi des XII tables » La Loi des XII tables fut rédigée au milieu du Vème siècle avant JC en deux étapes ; dix furent écrites en -450 et deux en -449. Elle est le résultat d’un compromis qui a mis fin à un conflit qui opposait l’aristocratie (les patriciens) au reste de la population, la plèbe, les plébéiens. Parce que les patriciens occupaient les magistratures et la sanction du Droit, les plébéiens se sont insurgés, groupés en assemblées, des concilia plebis. Ils élisent des représentants, les tribuns, et votent des résolutions, les plebis scita, plébiscites. Par l’intermédiaire des tribuns élus, la plèbe, à partir de 662 avant JC, commence de réclamer tous les ans des lois écrites dont l’objet sera de borner l’arbitraire des magistrats, fixant quand le magistrat sanctionne le jus. En -451 les patriciens cèdent et l’ensemble du peuple de Rome, plèbe et patriciens confondus, élit une Commission de dix membres, les décemvirs (decem viri), chargés de préparer des lois. Ils vont préparer dix tables rédigées en -450 auxquelles s’ajoutent en -449 deux tables supplémentaires. Ces douze tables sont gravées sur des stèles et exposées sur le forum de Rome, la place publique, de sorte que tout citoyen puisse en prendre connaissance. Que contient-elle ? Les historiens parlent de « Code des décemvirs ». Pourtant les romains ont dit que cette « Loi des XII tables » était la source de tout le Droit romain privé et public. En réalité, elle n’est pas très longue et se présente comme un catalogue d’actions en justice qui énumère toutes les voix de Droit qu’un plaideur peut emprunter pour exiger un procès. Elle fixe légalement les actions qui permettront de sanctionner le Jus sans que les magistrats n’aient le loisir de choisir s’ils doivent sanctionner. Elle assure au plaideur d’obtenir un procès quand il emprunte cette voix de Droit. Elles garantissent la sanction du droit de propriété, des principaux droits familiaux (succession), de la responsabilité des crimes capitaux. Elles ne sont pas seulement civiles mais pénales aussi. Les XII tables fondent le droit d’agir en justice sur la loi. Toute sanction de ce droit passe par la Loi des XII tables. Pour les anciens romains, l’action est indissociable du droit matériel. Il existe un lien entre procédure, le droit matériel et les droits subjectifs. L’organisation politique (Constitution) échappe à la Loi des XII tables, ainsi que certaines règles religieuses qui se trouvent dans les lois royales. > Les Pseudo-Lois Royales ou Jus papirianum Selon la tradition des analystes historiens romains de la fin de la République et du début de l’Empire, un certain Papirius aurait constitué un recueil renfermant une série de règles, le « Jus papirianum ». Ces règles auraient été promulguées par les anciens rois étrusques, connaissant des sanctions religieuses liées à des questions cultuelles et religieuses. En réalité ce Jus papirianum est un mythe. Ce sont cependant des règles très anciennes et qui remontent à l’époque des rois étrusques, concernant en effet des questions religieuses et cultuelles. Ces règles, parce que religieuses, n’étaient pas sanctionnées par les actions codifiées dans la Loi des XII tables. Mais en dehors de ces règles qui concernent la violation d’un temple, ce sont les seules à ne pas être sanctionnées par les actions codifiées dans les XII tables. Les romains appellent cela « l’action des XII tables ». Ils ont éprouvé le besoin de promulguer des lois pour compléter les règles du jus. B) Les sources créatrices de Droit sous la République Dès le IVème siècle avant JC, on voit apparaître une série de lois indépendantes de la Loi des XII tables. > Les leges rogatae : des lois votées Les leges rogatae sont des lois votées. Elles sont le résultat de votes accomplis dans les assemblées populaires de la République romaine, qui sont de deux types : - les comices, des assemblées de citoyens par circonscriptions fiscales et géographies - les conciles de la plèbe Dès 287 avant JC, les plébiscites ont été entièrement assimilées aux leges rogatae, lois votées par les assemblées populaires. Elles résultent de projets de lois rédigés par des magistrats qui leur donnent leurs noms. Ces projets vont d’abord recevoir un accord du Sénat qui va mettre sur ce projet de loi son auctoritas, une valeur qui permet ensuite d’être représentée devant les citoyens. Le projet est affiché pendant trois marchés successifs sur la place publique pour que tout le monde en prenne connaissance. Les citoyens vont se réunir dans des petites assemblées informelles (contiones) pour discuter de ces lois, et peuvent proposer aux magistrats des modifications. Le jour du vote, il n’y a plus de discussion possible. Le magistrat lit la loi, et les citoyens votent en déposant leur voix dans une urne ; la loi est votée s’il y a majorité. Le magistrat doit relire la loi devant l’assemblée pour qu’elle entre en application. Cette procédure est la renuntiatio (nunciatio : proclamation). On dépose un exemplaire de la loi dans le temple de Saturne où sont disposés les trésors et les archives, puis la loi sera exposée sur des stèles là où elle doit entrer en vigueur. Parfois la loi prévoit directement la sanction de la règle qu’elle édicte. Ce sont des leges perfetae (lois parfaites). Mais ces lois n’édictent pas toujours la sanction. Elle est souvent laissée à l’appréciation du magistrat qui doit appliquer la loi. > Les leges datae Les leges datae sont octroyées par des magistrats, indépendamment de tout vote. Ce sont des anciennes lois. Sous la République, elles sont des lois octroyées par des généraux après les victoires militaires, elles fixent le statut juridique d’une province que l’on vient de conquérir. Elles peuvent être octroyées par le gouverneur de ce nouveau territoire, dans un contexte de colonisation très important. C’est le Droit public, elles interviennent pour le prélèvement des impôts, la justice et l’administration locale. > Les caractères communs à toutes les lois de la République - Ces lois, comme aujourd’hui, ne sont pas rétroactives. Une loi nouvelle ne vaut que pour l’avenir. Elle ne peut pas revenir sur un droit acquis. - Ces lois sont perpétuelles. Seule la promulgation d’un nouveau texte peut abroger un texte plus ancien. - Ces lois sont créatrices de Jus, elles sont votées, proclamées pour compléter le Jus, et le respecter. Les lois ne doivent pas détruire l’ordre juridique existant, elles interviennent à minima, à la marge, le plus souvent pour organiser l’administration. Elles ne touchent qu’assez rarement au fond du Droit, surtout du Droit privé. Sur 800 lois votées, seules 26 touchent le Droit privé. Le Droit dans son ensemble demeure fondé sur l’ancien Jus tel qu’il se trouve sanctionné par les actions codifiées dans la Loi des 12 tables. C’est l’interprétation de ce Jus par les juristes qui permet de l’adapter à de nouvelles situations. Cette interprétation pour adapter le Jus s’est développée durant la période classique. Section 2 : LE DROIT CLASSIQUE ROMAIN (IIÈME SIÈCLE AVANT JC - IIIÈME SIÈCLE APRÈS JC) Ce Droit se développe sur cinq siècles. Rome connaît le moment le plus brillant de son histoire, la cité romaine s’est étendue jusqu’à devenir un Empire qui couvre toute l’Europe occidentale. Il est immense, avec des échanges commerciaux très importants, entraînant une transformation du régime politique romain. On passe de l’oligarchie à un Empire. Ce passage de la République à l’Empire fut progressif. Officiellement, on considère que ce passage s’opère en 27 avant JC avec l’avènement d’Octave, neveu de César, qui devient Auguste (Augustus : revêtu de l’auctoritas, car il est le premier des magistrats de la cité). Progressivement le régime se transforme en une monarchie absolue. Le Droit romain va suivre l’évolution des institutions politiques de la cité ; la « Loi des XII tables » reste la première source du Droit mais ne répond plus aux situations juridiques nouvelles et par ailleurs, la transformation du régime politique va faire que les assemblées populaires ne se réuniront plus et ne voteront plus de lois. Apparaissent de nouvelles sources de Droit pour compléter l’ancien Jus. PARAGRAPHE 1 L’apparition d'édits des magistrats Le Droit classique romain est une des sources de Droit les plus importantes du début de l’Em- pire, c’est la source la plus originale qu’on ne trouve dans aucun autre système juridique. Elle constitue le Droit prétorien. A) Les origines du droit « édictal » ou « prétorien » Pour expliquer l’apparition de ce que les romains appellent le Jus pretorium, il faut savoir qu’à Rome le droit naît toujours de la possibilité d’agir en justice. Il existe un lien indissociable entre les droits matériels et les actions qui les sanctionnent. Si un plaideur devant un juge ne peut pas se référer à une action, alors le juge ne peut ouvrir de procès. Le rôle d’interprétation des juges à Rome est très réduit, ils doivent simplement vérifier que la prétention du plaideur s’inscrit dans le cadre d’une action, puis qu’elle s’inscrit dans des faits matériels. Cette « Loi des XII tables » a codifié une série d’actions des individus d’une cité. Quand cette cité devient un Empire avec le commerce international, ces actions deviennent insuffisantes. À partir du IIIe siècle avant notre ère, certains magistrats se voient octroyer le droit de délivrer aux plaideurs de nouvelles actions. Il existe trois magistrats différents : - le préteur : il administre la justice. Il y en a un pour les citoyens romains et un pour les étrangers. - l’édile : il est chargé de la police sur les marchés, et est appelé édile curule. - le gouverneur : il s’occupe de l’administration d’une province conquise. Ces magistrats ont le droit de proposer au plaideur de nouvelles actions qui n’étaient pas dans la Loi des XII tables. Lorsqu’ils entrent en fonction pour un an (loi d’annalité des magistrats), ils proposent un programme exposant leur administration. Ils énumèrent les actions nouvelles, qui seront inscrites sur un panneau de bois peint en blanc, l’album. Ils sanctionnent de nouveaux droits, ils créent de nouvelles règles juridiques, reconnaissent que telle ou telle situation peut désormais être sanctionnée en justice. On parle de droit « édictal » car le programme que présente le magistrat sur l‘album est qualifié d’edictum, qui signifie « proclamation publique d’un magistrat ». Ces proclamations publiques sont sources d’un droit « édictal » ou droit « prétorien » (du préteur, du gouverneur ou des édiles). Le droit prétorien est créé par un magistrat mais pas par un juge. Aujourd’hui, le droit prétorien correspond à ce qu’on appelle la jurisprudence, le droit créé par les juges. À l’origine, il n’était pas créé par les juges. Ces trois magistrats ont suivi, pour accéder à leur magistrature, le cursus honorum. On parle aussi de droit honoraire pour désigner le droit prétorien, édictal. C’est le droit nouveau. B) Les caractères particuliers de ce droit prétorien Les juristes romains de l’époque classique opposent le Jus praetorium au Jus civile (Jus du civis, prononcé « kiwis » du citoyen). Ce Droit civil est l’ancien Jus qui repose au départ sur la Loi des XII tables et son catalogue d’actions, réservé aux citoyens romains. Le droit nouveau est ouvert aux non citoyens romains, surtout en matière commerciale. —> Les édiles ont inventé le garantie d’éviction et la garantie contre les vices cachés. Les règles sont formulées de façon très claire, avec pour but d’adapter les règles du Droit romain en les perfectionnant, en les corrigeant. —> Il existe deux droits des successions : un civil et un prétorien. Ce droit prétorien est à la base souple mais avec le temps il a fini par se fixer peu à peu. C) La formation de l’édit perpétuel À l’origine, les magistrats qui proposent de nouvelles actions ne sont pas liés par les propositions de leurs prédécesseurs. En pratique, lorsque ces actions ont bien fonctionné, ils éliminent celles qui n’ont pas fonctionné et en ajoutent de nouvelles. Progressivement, l’édit du préteur, du gouverneur et de l’édile se sont en partie fixés, ossifiés dans un fond d’action toujours repris par les nouveaux magistrats. Jusqu’au IIe siècle de notre ère, l’édit continue de se développer. Mais au IIe siècle, l’édit des magistrats se stabilise. On ne crée plus de nouvelles actions. Les créations de leurs prédécesseurs ont déjà comblé les lacunes, et au IIe siècle, le régime politique romain commence à changer très fortement. L’empereur Hadrien, personnage très important, va demander au juriste Julien de codifier l’édit du préteur. À partir du moment où Julien a fait cela, les juristes ont commenté l’édit du préteur de la même façon qu’ils commentent à l’époque la Loi des XII tables. En principe, les magistrats ont encore le droit de les modifier, mais en pratique, ils ne le font plus. L’édit ne bouge plus à partir de la fin du IIe siècle. On parle d’edictum perpetum. Cette stabilisation de l’édit s’explique par l’évolution des institutions politiques. L’empereur tend à se débarrasser des restes de l’ancienne Constitution républicaine. Les magistrats perdent la possibilité de créer de nouvelles actions. La source nouvelle est la législation impériale, mais avant cela, une autre source avait pris le relais du droit prétorien édictal. PARAGRAPHE 2 La formation d’une jurisprudentia La jurisprudentia n’a rien à voir avec la jurisprudence d’aujourd’hui, qui correspond aux décisions rendues par les tribunaux lorsqu’elles acquièrent autorité du précédent. Jurisprudentia signifie aujourd’hui la doctrine. A) Les origines de la jurisprudentia Il existe dans la Rome très ancienne un lien entre religion et Droit. C’est pourquoi les tout premiers interprètes du Droit à Rome sont des prêtres, des membres du Collège des pontifes (collège de prêtres qui s’occupent du calendrier romain). Ils se recrutent parmi les patriciens et forment un Collège sacerdotal qui règle le calendrier judiciaire et détermine les jours fastes et les jours néfastes (où on ne peut pas faire de procès car les dieux l’interdisent). Ils connaissent aussi les formules rituelles pour invoquer les actions pendant les procès. La science du Droit est longtemps restée le domaine des pontifes. À la fin du IVème siècle avant notre ère, en 304, un scribe du nom de Appius Claudius, qui travaillait pour les pontifes, a rédigé un catalogue des formules et l’a publié. Cinquante ans plus tard environ a été élu le premier grand pontife d’origine plébéienne, Tuberius Coruncanius. Ce chef a commencé à faire des consultations, et c’est ainsi que s’est développée une science du Droit, car son exemple a été suivi. Sont alors apparues à Rome les jurisconsulti, les jurisconsultes, jurisprudentes. Ce sont d’abord des consultants ; les interprètes se mettent à écrire des traités de Droit. Naît alors une science du Droit. On commence à les appeler prudentes (savants, connaisseurs) car ils ont la connaissance du Droit. Ce sont des praticiens et des théoriciens. B) Les méthodes et les écoles de pensées des juristes romains Il n’y a pas à Rome d’école de Droit ; elles sont apparues au IIIème siècle de notre ère. On se forme au Droit en allant se placer dans la suite d’un grand juriste, d’un jurisconsultus, un prudent qui va apprendre à ses disciples en le pratiquant devant eux. Cette formation relève d’un apprentissage théorique et pratique marqué par une tradition aristocratique. Les juristes sont tous praticiens et sacerdoces. Se développe l’art de la consultation. Jusqu’au 1er siècle de notre ère existent des groupes qui descendent de ces familles sacerdotales. C’est le cas de Mucii Scaevola, une famille qui a donné plusieurs hauts magistrats, notamment Publius Lucius Scaevola. Au début de l’Empire, on sort de ces cercles aristocrates et le recrutement s’élargit. Lorsque le régime politique se transforme et que l’Empire devient une monarchie, les juristes vont être des fonctionnaires, de hauts fonctionnaires au service de l’Empire. Il y a des écoles de pensée. Au début de l’Empire s’opposent deux écoles de pensées : les sabiniens et les proculiens. Ils doivent leurs noms à deux juristes contemporains de l’empereur Tiber : Sabinius et Proculus. Les sabiniens : ce sont des juristes plutôt conservateurs sur le plan juridique (version traditionnelle), défenseurs d’une interprétation rigoureuse de la règle de Droit, qui laisse peu de place à la liberté de l’interprète Les proculiens : ils se prêtent à une interprétation plus souple de la règle de Droit (version novatrices), laissant davantage de place à l’innovation. Les jurisconsultes romains rédigent des traités qui sont consacrés soit au Droit privé (tel qu’il est appelé aujourd’hui) soit au Droit administratif (également tel qu’il est appelé aujourd’hui). Cependant ces traités sont des traités pratiques partant des cas d’école à partir desquels ils développent une théorie, dont la structure est casuistique. Au IIème siècle, Celce dit : « jus es ars aequi et boni », « le droit est l’art du bon et du juste ». Les juristes romains, notamment Ulpien, du début du IIIème siècle, disent que la justice consiste à « suum cuique tribuere », « rendre à chacun son dû ». C’est l’idée d’une justice distributive. Selon Ulpien, la justice est la volonté constante et perpétuelle de rendre à chacun son dû, et les préceptes du Droit sont : - vivre honnêtement - ne pas léser autrui - rendre à chacun son dû Gaius est l’auteur des Institutes, premier manuel de Droit à l’usage des étudiants. Son ouvrage comprend quatre livres organisés en trois axes. Un premier sur les personnes, un second sur les choses et deux sur les actions. Personae res actiones. C’est aujourd’hui le plan de notre Code civil. Il a été repris et a structuré la pensée juridique occidentale. La question à se poser est sur la valeur juridique de leurs travaux. C) La valeur de cette jurisprudentia, le jus publice respondendi (le droit de répondre publiquement) Ces écrits ont été dotés d'une valeur spécifique. Ce jus publice respondendi est une création d’Auguste, qui signifie « droit de répondre publiquement ». Auguste a décidé d'octroyer à certains juristes qu'il distinguait des autres le privilège de faire figurer sur les consultations qu'ils rendaient la mention ex auctoritate principis « par autorité du prince ». Ces consultations étaient données avec l'autorité du princeps, le Sénat conférait son autoritas. Cette mention est prestigieuse et distingue certains juristes des autres. Au IIème siècle de notre ère, sous l’empereur Hadrien, ce droit de répondre publiquement va devenir ce que l'on peut appeler un « sceau normatif ». Désormais, les juges seront obligés de considérer que les consultations revêtues de cette mention ont valeur de droit applicable et sont comparables dans leur valeur à celle qu'avaient les lois sous la République. La doctrine devient donc une source de Droit positif reconnue comme telle. Cette évolution révèle deux aspects : - L'empereur reconnaît l'importance juridique de la doctrine, des avis émis par les jurisconsultes - Ce pouvoir politique cherche à contrôler ces mêmes opinions. Il y a les juristes auxquels on confère le jus publice et ceux auxquels on ne le confère pas. Le pouvoir politique romain contrôle donc le développement de la jurisprudentia. Elle continue à connaître une forte évolution jusqu’à la fin du IIIème siècle de notre ère. Cependant, parce que le pouvoir politique la contrôle et que les empereurs ne cessent de chercher à contrôler le Droit, elle va perdre de l'importance au moment où triomphe le pouvoir législatif des empereurs qui va dominer les autres sources du Droit à la période post classique. Section 3 : LE DROIT CLASSIQUE ROMAIN POST CLASSIQUE (IVÈME SIÈCLE - VIÈME SIÈCLE) La cité romaine était au départ une oligarchie. La république est une oligarchie. Entre le Ier et le IIème siècle de notre ère, elle s'est transformée en une véritable monarchie impériale. La cité est devenue un vaste Empire au sein duquel vivent des populations très différentes sous la domination romaine, des populations qui sont arrivées avec leurs usages. Dans cet Empire, cohabitent aussi différentes religions, dont des nouvelles, monothéistes (partie orientale) avec le christianisme, et des mouvements de populations d’Est en Ouest. Cet Empire est devenu très difficile à gouverner. À la fin du IIIème siècle, il finit par se scinder en deux. Officiellement il reste une entité unique mais les empereurs décident de dédoubler leur gouvernement pour mieux gérer cet immense Empire. Ce dédoublement s’installe avec le système de la tétrarchie qui est inaugurée en 285-286 par l'empereur Dioclétien. Il y a alors un empereur à Rome et un autre à Constantinople, ayant chacun un successeur désigné. À partir de la mort de Constantin en 337, ces deux entités deviennent presque autonomes, puis l’Empire d’Occident dure jusqu’en 476 tandis que celui d’Orient dure jusqu'en 1453. Ces bouleversements politiques ne sont pas sans conséquences sur le développement du Droit. La très vaste taille de l'Empire explique qu'à cette époque les juristes vont finir par reconnaitre la coutume comme source de droit. La jurisprudentia va se tarir un peu. Dans un même temps, la législation impériale va submerger toutes les autres sources de Droit. PARAGRAPHE 1 La reconnaissance de la coutume comme source de Droit. A) Les causes Le Droit romain est au départ le droit d’une cité, puis du Latium (région d’Italie) avant de devenir celui d’un Empire. Cette transformation est la première cause de la reconnaissance de la coutume comme source de Droit. > L’extension de l’Empire et l’apparition d’un jus gentium Lorsque les romains colonisent de nouveaux peuples, ceux qu’ils appellent les barbares car ils ne parlent pas le latin, ces peuples ont le statut d’étrangers. Ce sont des pérégrins. La citoyenneté romaine, lors des conquêtes, n’est accordée qu’au compte-goutte à certaines cités qui ont collaboré. Reims a reçu la citoyenneté. La plupart du temps, les peuples conquis conservent leur statut d’étrangers et un droit propre, leur droit d’origine. Les romains les laissent l’appliquer, du moment qu’il ne s’oppose pas à l’ordre public. Néanmoins, il faut entretenir des relations juridiques avec ces étrangers inclus dans l’Empire. C’est pour cette raison qu’au IIe siècle, près du préteur urbain est apparu un préteur pérégrin pour administrer les étrangers. Il délivre de nouvelles actions qui sanctionnent des règles qui s’appliquent à tout le monde, romains et non romains. Les romains appellent ces règles le jus gentium, droit des gens, des peuples (aujourd’hui Droit international). A la fin de la République et au début de l’Empire, il connaît une expansion extraordinaire liée au développement du commerce à l’intérieur de l’Empire. C’est à cette époque que les juristes romains font les contours de grands contrats, comme le contrat de vente, de louage, de société ou de mandat. Ce droit des gens, né de relations d’affaire, se caractérise par son pragmatisme. Il est revêtu de caractéristiques qui s’expliquent par son origine : - droit dégagé de racines religieuses. Il repose sur les notions de bonne foi et d’équité. - droit peu formaliste car tout le monde doit pouvoir en utiliser les règles. Il repose sur le consensualisme. - droit qui va régler toute une série de questions qui se posent dans presque toutes les sociétés humaines, comme le transfert de biens et de personnes. La reconnaissance par le préteur des règles qui ont formé ce droit des gens a été un des facteurs de reconnaissance de la coutume comme source de Droit. Il se forme par l’usage. S’il est reconnu par le préteur, le processus de formation des règles s’apparente à un processus coutumier. > L’édit de Caracalla En 212, l’empereur Caracalla, face à l’extension géographique de l’Empire, prit un édit qui marque l’aboutissement de la politique de Rome vis-à-vis des territoires qu’elle a conquis. L’édit de Caracalla constitue l’aboutissement de trois siècles de romanisation. « Je donne à tous les pérégrins qui sont sur la terre le droit de cité romaine, tout genre de cité demeurant, exception faite des déditices. » Le principe général est donc que désormais, tous les pérégrins deviennent des romains. La citoyenneté est accordée à tous les étrangers de l’Empire. Il y a cependant deux exceptions. Les privilèges particuliers accordés à telle ou telle cité lors de la conquête demeurent en vigueur. Les déditices sont certains peuples vaincus qui se sont rendus à Rome en faisant une deditio (capitulation, soumission), ce qui signifie que ces vaincus se trouvent dans une situation juridique particulière ; ils ne sont ni esclaves ni libres. Caracalla a pris cet édit pour unifier la situation juridique des habitants de l’Empire, pour des raisons fiscales. Il augmente le revenu de ses impôts. L’édit marque l’achèvement du processus de romanisation des territoires conquis par Rome. Du point de vue juridique, il ouvre aux pérégrins le bénéfice de l’ancien jus civile romain. Concrètement, ce jus civile, droit très formaliste à la base, est en régression. Il a été supplanté par le jus gentium et au IIIe siècle de notre ère, la législation impériale devient la première source de Droit. Quand l’empereur légifère, il le fait pour tout le monde. Tout ceci aurait du aboutir à une unification parfaite du Droit dans toutes les provinces, mais cela n’a pas été le cas à cause de la diversité des populations qui vivent dans cet Empire, de leurs habitudes et de leurs besoins. Des règles juridiques particulières subsistent. Les praticiens du Droit dans les provinces vont les entretenir, en sorte que les romains vont considérer que ces usages spécifiques peuvent former le Droit de l’ensemble de l’Empire. B) Les manifestations de la reconnaissance de la coutume comme source de Droit > Le développement d’usages locaux et la formation d’un Droit romain vulgaire Un peu partout dans l’Empire romain, des règles particulières existent de longue date qui divergent de celles du Droit romain. Ces règles proviennent d’habitudes qu’ont conservé les peuples qui ont été conquis par les romains. Ils possédaient des règles juridiques différentes de celles des romains. Généralement, ces peuples ne connaissaient que des règles juridiques orales, des règles coutumières. Elles ressemblaient souvent, par leur aspect extérieur, au très ancien Droit romain en ce qu’elles étaient formalistes. Le Droit romain était devenu plus consensualiste, moins formaliste. Il existe ces règles particulières liées à des situations particulières. —> Le Droit romain relatif à la propriété foncière est tout entier construit autour de la question des servitudes de propriété, notamment dues aux questions d’irrigation. Cela n’a pas de raison d’être là où on ne pratique pas ce système d’irrigation. Il s’est alors construit de manière diffé- rente car il ne répond pas au même besoin. Les usages pratiqués dans ces provinces sont admis par les romains et continuent à exister après l’édit de Caracalla. Mais ces usages ont tendance à se mêler aux règles du Droit romain, en sorte que se forme dans les provinces un Droit romain un peu différent de celui que l’on pratique à Rome, un Droit romain influencé par les habitudes locales. Il est appelé « Droit romain vulgaire » par les historiens du Droit romain. Il se caractérise par certaines simplifications des règles appliquées à Rome. Le Droit romain connaît un régime de prescription, simplifié par le Droit des provinces. Ces mutations qui s’opèrent sous l’influence d’habitudes locales ont fait prendre conscience aux juristes de l’importance des coutumes. > Les tentatives de définition de la coutume par les juristes En réalité, dès la fin de la République et le début de l’Empire, certains se sont aperçus que la coutume pouvait revêtir une grande importance, mais au départ ce ne sont pas les juristes. La coutume n’est pas du Droit, selon eux. Cicéron a réfléchi sur la coutume en lui reconnaissant une certaine valeur et en expliquant notamment qu’elle avait la particularité de reposer sur le consensus omnium (le consentement de tous, de l’ensemble du corps social). D’autres intellectuels partagent cette idée, disant que la coutume résulte de l’acceptation spontanée de certaines règles par l’ensemble de la société. Au IIème siècle de notre ère, le juriste Julien, chargé de codifier l’édit du préteur, dans un texte parvenu par l’intervention d’une compilation, reprend cette idée que la coutume repose sur le consentement général. Ce texte de Julien a très probablement été trafiqué, interpellé au bas Empire où l’on commençait à considérer la coutume comme ayant une importance nouvelle. Ce texte dit aussi que la coutume tire sa force obligatoire de son ancienneté. C’est un Droit établi par les mœurs. Un autre texte du début du IVème siècle, une Constitution de Constantin (en 319), donne une autre justification. La coutume tirerait sa force de sa rationalité. Pour les juristes de la fin de l’Empire romain, la coutume a trois fondements : - ancienneté - consentement de tous - rationalité Ils sont cependant divisés sur sa force, et en particulier sur sa force face à la loi. Lorsqu’elle vient combler les lacunes de la loi, lorsque qu’elle est praeter legem (à défaut de loi), la coutume est reconnue par tous comme ayant la même force que la loi. Lorsque qu’elle est contra legem (contre la loi), deux écoles s’affrontent. Certains juristes diront que la loi est l’émanation de l’empereur, donc que la coutume ne peut pas s’y opposer, et d’autres annonceront que parce que cette coutume repose sur le consentement de tous, elle peut bien s’y opposer. Ce débat s’est poursuivi pendant tout le Moyen-Âge. Tandis que les juristes reconnaissent cette valeur de la coutume, la doctrine connaît une certaine sclérose (crise). PARAGRAPHE 2 La sclérose de la science du Droit La jurisprudentia s’est développée très fortement sous le Haut Empire et, aux IIème et IIIème siècle de notre ère, a atteint son apogée. De nombreux traités sont écrits à cette époque. À partir du IVème siècle, elle commence à s’étioler et l’ont ne rédige plus de grands traités comparables à ceux qui étaient élaborés à l’époque précédente. Une des raisons est que la législation impériale éclipse les autres sources de Droit. Cependant, il y a des raisons plus techniques. Les IVème et Vème siècles constituent l’âge d’or des abrégés de Droit, à cause d’une petite révolution dans l’histoire du livre : l’apparition du Codex. A) L’apparition du Codex et le succès des abrégés La majorité des livres de Droit rédigés par les juristes romains aux IVème et Vème siècles se présente sous une forme brève. Il s’agit souvent d’abrégés de traités plus anciens, élaborés à la Grande période de la doctrine romaine. Cette situation s’explique par une révolution technique dans l’histoire du livre. Dans la Haute Antiquité, le livre prend la forme d’un rouleau. Le terme grec employé est billion, qui signifie « rouleau ». Il s’agit d’un rouleau de papyrus ou de parchemin, ce qui est une forme matérielle assez peu pratique car on ne peut pas chercher à l’intérieur d’un rouleau. Il faut enrouler d’un côté ce que l’on déroule de l’autre. À la fin du Ier siècle, on invente une première forme de livre, le Codex (qui a donné le mot Code). Ce n’est plus un rouleau mais un ensemble de cahiers. On prend une série de feuilles, on les plie et les coud en cahier. Ces codices ont été popularisés notamment par les premiers chrétiens qui utilisaient cette forme pour évangéliser. Les juristes, très tôt, se sont emparés de cette forme du Codex très commode et ont vu l’intérêt d’utiliser un livre dans lequel on pouvait chercher. Cette apparition, qui a mis deux siècles à se diffuser dans la pratique, fait que les juristes sont désormais enclins à rédiger des petits traités pratiques à l’usage des praticiens. Ce sont des livres de Droit de poche, transportables et utilisables. Souvent, on prend pour base de grands traités d’avant et on les résume, on en fait des abrégés, ou ce que l’on appelle en grec des épitomés. Ainsi au IVe siècle, on rédige un traité, Les Sentences de Paul, qui prétend présenter l’œuvre du jurisconsulte Paul, conseiller de l’empereur Sévère Alexandre au début du IIIe siècle. De la même manière, en Gaule, au Ve siècle, on rédige un abrégé des Institutes de Gaius qui sera largement diffusé sous le nom d’épitomé de Gaius. On est moins novateurs car on résume les pensées des précédents. En Gaule, on rédige également des commentaires sur le Code théodosien. Mais la plupart des ouvrages est plutôt des abrégés destinés aux praticiens du Droit. Apparaît pour la première fois un enseignement scolaire du Droit. B) L’apparition de cet enseignement scolaire du Droit Sous le Haut Empire, l’enseignement scolaire du Droit passe par l’apprentissage que vont faire des jeunes gens auprès d’un juriste qui délivre des consultations. Il n’y a pas d’école de Droit, la première apparaît au IIIème siècle à Rome. Elle connaît un succès immense et on afflue de toutes les provinces de l’Empire pour étudier le Droit à Rome. Son succès est tel qu’au début du IVème siècle, on est obligé d’établir un numerus clausus (nombre limité de personnes) ; Augustin raconte cela dans ses Confessions. Tout le monde ne peut plus étudier le Droit à Rome. Les principales écoles de Droit à la fin de l’Empire se sont développées dans la partie orientale de l’Empire, à Constantinople mais aussi à Beyrouth. On étudie toujours le Droit de la même façon, en suivant l’ordre établi dans le manuel de Gaius, personae res actiones. Ces écoles de Droit au Bas Empire connaissent un grand succès car les juristes commencent à peupler l’administration impériale romaine qui devient une gigantesque bureaucratie. Le développement de la bureaucratie administrative favorise les études de Droit, car on les juge utiles pour une carrière administrative. On étudie ce Droit en général sur la base des Institutes de Gaius, sur les ouvrages des juristes d’avant. Les juristes innocent de moins en moins et leur capacité d’innovation a été encore réduite au début du Vème siècle par l’autorité impériale qui l’encadre assez rigoureusement. C) L’encadrement de l’usage de la doctrine : la loi des citations Au IIème siècle, l’empereur Hadrien a décidé que lorsque deux opinions concordantes émanant de deux juristes ayant obtenu le jus publice respondendi étaient produites devant un juge, ces opinions avaient force de loi. Cette règle a posé quelques difficultés car les jurisconsultes des IIème et IIIème siècles, qui avaient beaucoup écrit, avaient développé de nombreuses opinions contradictoires. Un plaideur peut produire deux opinions allant dans un sens tandis que son adversaire en produisait aussi deux autres allant dans le sens inverse. Les juges étaient dans une situation compliquée car il n’était pas toujours facile de se procurer les ouvrages en question. Les œuvres étaient reproduites sans contrôle. Ces difficultés, jointes au fait que le pouvoir politique impérial souhaitait contrôler le pouvoir normatif de la doctrine, ont fait que le pouvoir impérial a décidé de contrôler les citations de la doctrine en justice. Ce contrôle s’est effectué par l’intermédiaire d’une Constitution en 426 par l’empereur d’Occident Valentinien III. Il s’agit de la loi des citations. Cette Constitution a pour objectif d’encadrer l’utilisation de la doctrine en justice. L’empereur décide que désormais on ne pourra plus citer directement que cinq grands jurisconsultes de l’époque classique : Gaius, Papinien, Paul, Ulpien et Modestin. Il y a deux conditions pour en citer un autre que ces cinq : - il faut que cet autre ait été cité par un de ces cinq dans l’une de ses œuvres. - il faut prouver l’opinion que l’on allègue de ce juriste en produisant un manuscrit de son œuvre. Il se peut que l’opinion de ces différents juristes soit invoquée en même temps et qu’elles ne concordent pas. Que doit faire le juge ? Il doit statuer en fonction de l’opinion de la majorité de ces cinq juristes. S’il n’y a pas de majorité, le juge doit choisir l’opinion de Papinien, et si Papinien ne s’est pas prononcé, le juge retrouve toute liberté. Cette loi des citations a été promulguée par l’empereur d’Occident et a été étendue par l’empereur d’Orient, Théodose II, à la partie orientale de l’Empire. Elle montre d’une part que quand on cite la doctrine en justice, on cite les grands ju- risconsultes des IIe et IIIe siècles. D’autre part, elle prouve une prise de contrôle de l’utilisation de la doctrine par le pouvoir impérial. On ne cite plus que des opinions d’auteurs anciens, et on les cite dans un certain ordre, dans des limites circonscrites. La doctrine a perdu la place majeure qu’elle avait acquise aux IIe et IIIe siècles. Il faut attendre le XIIe siècle pour que la doctrine retrouve en Occident une place comparable, voire supérieure à celle qu’elle avait occupée aux IIe et IIIe siècles de notre ère. Cependant, à l’époque du Bas Empire, de l’Antiquité tardive, la source de Droit qui surpasse toutes les autres est la législation impériale. PARAGRAPHE 3 Le développement de la législation impériale La législation impériale est apparue assez tôt, dès le Haut Empire, mais elle n’est devenue une source régulière de Droit qu’à partir du IIIème siècle. Ce triomphe s’explique en réalité par l’évolution progressive du régime politique romain. En 27 avant JC, Octave devient Auguste, et devient princeps. Auguste, parce qu’il est revêtu de l’auctoritas, peut donc agir comme le faisait avant le Sénat, il est le premier des magistrats de la cité. Au départ, il ne s’affirme pas comme un monarque, il porte le titre d’imperator qui n’est au départ que chef des armées, c’est un titre militaire. Jusqu’au IIème siècle, les imperatores romains se présentent comme les premiers magistrats de la cité, gardiens des institutions de la République romaine, jusqu’à Hadrien au IIe siècle, inclusivement. Parce qu’ils veulent sauvegarder les apparences de la Constitution républicaine, lorsqu’ils veulent légiférer, ils le font de façon indirecte en passant par le Sénat. A) Aux origines de la législation impériale, les sénatus-consultes Les sénatus-consultes sont apparus au IIe siècle avant JC et, comme l’indique leur nom, ce sont des décisions prises par le Sénat. À la fin de la République romaine, le Sénat est un collège aristocratique qui a un grand rôle politique car il se présente comme une assemblée de sages. C’est un Conseil de gouvernement dont le premier rôle est d’attribuer l’auctoritas à certains actes juridiques des magistrats de la cité. Il confère l’auctoritas aux projets de loi, avant qu’ils ne soient soumis aux assemblées populaires. Il administre les finances, prépare la guerre, il la décide également, et il décide aussi du statut des pays conquis. À la fin de la République, ce Conseil formule régulièrement des règles sous la forme de résolutions que l’on appelle des sénatus-consultes. Lorsqu’Octave accède au principat, la forme de gouvernement en vigueur dans l'Empire romain de -27 à 285 environ, il met le Sénat à son service, tout comme ses successeurs le feront. Ils ont transformé le Sénat en une Chambre censée leur servir de soutien. Le rôle politique du Sénat va décroitre, mais en même temps, son rôle législatif va se développer car les premiers empereurs n’ont pas le pouvoir de légiférer. Ils utilisent le Sénat pour légiférer. Comment procèdent-ils ? L’empereur va devant le Sénat ou y envoie à sa place un émissaire qui lit pour lui un discours, l’oratio principis (le discours du premier magistrat de la cité). L’empereur demande ensuite au Sénat de prendre une décision sur telle ou telle question, et le Sénat va rendre un sénatus-consulte conforme à la volonté exprimée par l’empereur dans son discours. Ce système permet de ménager l’aristocratie romaine, à la tête de l’oligarchie républicaine. Ce système a atteint son apogée sous Hadrien (117-138). Lorsqu’ensuite les empereurs vont laisser tomber le masque et se présenter comme des monarques, ils légifèreront directement. B) L’empereur législateur Il est arrivé, dès l’avènement d’Auguste, que l’empereur légifère directement. Auguste par exemple a pris un édit pour sanctionner les violations de sépulture ou pour réprimer pénalement l’adultère (échec, comme toutes les règles qui ont essayé de réprimer l’adultère). Jusqu’au règne d’Hadrien, ces interventions directes de l’empereur sont rarissimes ; en réalité, le pouvoir législatif direct de l’empereur se développe sous Marc Aurèle (161-180), connu comme l’empereur philosophe. À partir de cette époque, à la fin du IIème siècle, les jurisconsultes romains vont assimiler les constitutions émises par les empereurs aux anciennes lois votées sous la République. Le princeps est monarque et est le seul à légiférer. Les juristes vont assimiler les décisions de l’empereur à des lois. Gaius dit que les constitutions émises par les empereurs tiennent lieu de loi. Au IIIème siècle, le pouvoir politique romain devient une monarchie militaire qui s’affiche comme telle. Les juristes, au service des empereurs, vont chercher à justifier leur pouvoir législatif en assimilant to- talement leurs décisions à des lois. C’est le cas d’Ulpien, qui est mort en 224 et qui a été le principal conseiller de l’empereur Sévère Alexandre (222-235). Ulpien a forgé une maxime qui a ensuite été beaucoup utilisée : « quod principi placuit legis habet vigorem », « ce qui plaît au prince a force de loi ». Toute opinion émise par l’empereur a vocation à être considérée comme une norme juridique. Les juristes diront que l’empereur est la lex animata, la loi vivante. L’empereur peut voir n’importe laquelle de ses opinions se transformer en loi, mais il n’est lié par aucune autre loi. Ulpien dit : « princeps legibus solutus », « l’empereur est délie des lois ». Il a les pleins pouvoirs pour légiférer comme bon lui semble, il peut promulguer et supprimer des lois. C’est la première théorisation de ce qu’on appelle plus tard la monarchie absolue (pouvoir législatif absolu, il est délié des lois). Les empereurs ne légifèrent pas seuls, mais grâce à un groupe de juristes qui forment le Conseil impérial. Dès Hadrien, il est formé des meilleurs juristes de l’Empire. Ce sont ces conseillers qui vont préparer les lois émises par le prince, appelées constitutions. Comme les anciennes lois de la République, les constitutions font l’objet d’un affichage public dans le lieu où elles sont émises, à Rome, mais aussi plus tard à Trèves, et là où elles s’appliquent, sur des tables de pierre ou de bronze. Ces constitutions impériales sont diverses, il y en plusieurs sortes. C) Les différentes sortes de constitutions impériales On distingue cinq sortes de constitutions impériales : > Les édits impériaux Les édits des empereurs sont des prescriptions générales, des lois qui, dès leur promulgation, sont applicables à tout l’Empire. Elles s’assimilent complètement aux anciennes lois votées par les assemblées à l’époque républicaine. On parle d’édit car l’empereur est princeps, il est le premier magistrat de la cité, or l’édit est la proclamation d’un magistrat. Il ne faut pas les confondre avec les édits des magistrats comme le préteur. Ces édits des empereurs peuvent être promulgués pendant tout leur règne et ils ne se contentent pas de de promettre des actions au plaideur comme deux des magistrats. Ils éditent des règles du Droit matériel. Ils ne sont pas limités à la durée de fonction de l’empereur comme ceux des magistrats, ils sont perpétuels et ne peuvent disparaître que s’ils sont expressément abrogés. Ces édits, jusqu’à la fin du IIIe siècle, ne sont pas très nombreux, mais ils le deviennent au début du IVème siècle. Aux IVème et Vème siècles, la législation impériale supplante toutes les autres sources de Droit. Cela s’explique par le développement de l’administration impériale qui est du aux difficultés à gouverner un Empire devenu très vaste et qui connait des difficultés économiques. Auparavant, jusqu’au IVème siècle, la plupart des Constitutions des empereurs est plutôt constituée de rescrits. > Les rescrits et pragmatiques sanctions Les rescrits sont des réponses à des fonctionnaires de l’Empire qui se sont adressés à l’empereur car ils devaient résoudre un litige et n’avaient pas en main la règle applicable. Ils écrivent donc à l’empereur et lui demandent de formuler la règle à appliquer. L’empereur ne va pas du tout vérifier les faits de l’affaire qui lui est exposée, il va se contenter, en examinant cet exposé, de formuler la règle applicable. Ce sont en réalité les conseillers de l’entourage de l’empereur qui en traitent. Ce sont de grands juristes avec des réponses d’une grande qualité technique. Le fonctionnaire devra régler l’affaire conformément à la règle formulée si les faits allégués sont vérifiés. L’empereur ne les vérifie pas. Il ne tranche pas le litige, il se contente de formuler la règle applicable à l’espèce qui lui a été soumise. Dans son fonctionnement, ce rescrit correspond à un arrêt de la Cour de Cassation aujourd’hui, qui dit le Droit mais ne tranche pas le litige. La solution formulée à propos de l’espèce soumise à l’empereur a vocation à s’appliquer aux espèces semblables, puisque cette solution a été rédigée par les meilleurs juristes de l’Empire et donnée officiellement par la chancellerie impériale. Le rescrit fait jurisprudence. Il concerne des espèces particulières, et les règles de Droit sont formées à propos. Il arrive que l’empereur rende un rescrit dont la portée ne sera plus particulière mais générale. Lorsque l’empereur rend un rescrit à portée générale, il est appelé une pragmatique sanction. Cela signifie décision pratique. Ces pragmatiques sanctions sont applicables à tout l’Empire. Ces rescrits ont été la catégorie la plus fournie de constitutions impériales. Il existe à coté des rescrits et des édits une autre catégorie. > Les décrets Décret vient du latin decretum qui signifie « décision ». On emploie ce terme dans le latin clas- sique pour désigner des décisions de type judiciaire. Ce que l’on appelle décrets de l’empereur sont des décisions que rendent les empereurs lorsque des particuliers, des justiciables, se sont portés en appel devant eux. En effet, le système de l’appel au départ n’existait pas à Rome, il est apparu tardivement sous le Haut Empire, et s’est développé ensuite au Bas Empire. Lorsque l’on est insatisfait d’une décision rendue par un juge, on peut aller devant le Conseil de l’empereur. Le Conseil impérial va rendre un décret qui règle le litige, comme le ferait aujourd’hui une Cour d’appel. Cependant, la décision est rendue par le Conseil impérial. Ces décrets, parce qu’ils sont rendus par le Conseil de l’empereur et rédigés par les meilleurs, ont une valeur supérieure. Ils vont faire jurisprudence, on appliquera à des espèces semblables les solutions formulées dans ces décrets. Les juges, qui ont à traiter d’affaires semblables et qui connaissent le contenu de la décision rendue par le Conseil impérial, vont appliquer la même solution. > Les mandats Les mandats sont des instructions administratives qui sont adressées par l’empereur à ses fonctionnaires. L’empereur donne mandat, au sens propre, à tel ou tel fonctionnaire d’agir en son nom. Très souvent, ces mandats sont adressés aux gouverneurs des provinces, qui vont agir au nom de l’empereur. A la différence des édits et rescrits, ils interviennent pour traiter de questions administratives et de fiscalité. Ils ne contiennent des dispositions de Droit privé qu’à titre accessoire. Les mandats n’ont vocation à s’appliquer que durant la législature de l’empereur. En pratique, les empereurs, pour assurer la continuité de l’administration, prorogent généralement les mandats octroyés par leurs prédécesseurs. Ces mandats, qui sont des instructions données aux fonctionnaires, ne sont pas des lois. Cependant, parce qu’elles émanent de l’empereur, elles sont assimilées à des sortes de lois. Toutes ces constitutions impériales, dont le nombre ne cesse de croître durant les IVème et Vème siècles, forment une masse législative très importante qui a conduit les juristes à élaborer les premières grandes codifications du Droit. PARAGRAPHE 4 Les premières grandes codifications du Droit La législation impériale romaine a connu un développement fantastique à parait de la fin du IIIème siècle or cette législation est majoritairement composée de rescrits. Elle est donc composée de textes qui ne sont pas adressées à tout l’Empire mais seulement aux fonctionnaires qui ont écrit à l’empereur pour obtenir une réponse. La règle formulée à vocation à s’appliquer à tout espèce semblable, les autres fonctionnaires n’en ont pas forcément connaissance et n’ont pas accès aux archives de la chancellerie en province. Le développement de la législation impériale a posé un problème de connaissance de la loi, et c’est pour résoudre cette difficulté qu’on été élaborées les premières grandes codification du Droit, d’abord dans la partie occidentale puis dans la partie orientale de l’Empire. A) La codification du Droit dans la partie occidentale de l’Empire Il s’agit d’abord d’entreprises privées de codification. C’est au début du Vème siècle que l’autorité impériale a décidé d’une codification officielle. > Les codifications privées : les codes Grégorien et Hermogénien Dès le début du IIIème siècle certains juristes ont été conscients de la difficulté que posait une legis composée de rescrits, adressés à des fonctionnaires particuliers qui ne sont pas connus de tous. Paul, pour cette raison, avait composé une collection de rescrits impériaux, pour lui-même. Il ne l’avait pas composée de manière très précise, c’était un résumé des rescrits les plus importants. Il l’avait passée à d’autres et sa collection fut copiée. Les rescrits n’étaient pas présentés de façon intégrale, cet ouvrage n’était donc pas commode et sûr. À la fin du IIIème siècle et au tout début du IVème siècle, deux juristes ont essayé de composer des collections de législations impériales à l’usage de tous les juristes. Ce n’est plus un résumé mais une recopie dans leur intégralité pour que les juristes les aient sous les yeux. Ces deux collections sont des compilations de rescrits exclusivement. La première a été composée dans les années 291-292 par un juriste nommé Gregorius dont on ne sait rien. Il a élaboré un recueil de rescrits qui a connu une importante diffusion. Une vingtaine d’années plus tard, vers 314, un autre juriste, Hermogénien, a composé une autre collection pour compléter la précédente, là encore une collection de rescrits beaucoup diffusée. Ces deux œuvres sont au départ privées, mais leurs auteurs ont travaillé sérieusement, ont eu accès aux archives de la chancelière, ont copié et classé les rescrits avec beaucoup de soin. Leurs collections ont donc été utilisées dans tout l’Empire, à l’Ouest et à l’Est, jusqu’au Ve siècle. Elles furent tellement utilisées qu’au début du Ve siècle, quand les empereurs publieront le code Théodosien, ils reconnaîtront l’utilité de ces deux collections. Ils sont aujourd’hui perdus et on n’en connaît que des fragments. Nous conservons le code Théodosien. > La première codification officielle : le code Théodosien de 438 Les codes Grégorien et Hermogénien sont des collections de rescrits des IIème et IIIème siècles. Au cours du IVème siècle, les empereurs continuent à légiférer mais leur législation devient de plus en plus générale. Dans le courant du IVème siècle, les édits se multiplient, car on procède à de très importantes réformes administratives et fiscales qui sont générées par la difficulté d’un Empire soumis à toutes sortes de problèmes liés aux invasions germaniques ou aux grandes épidémies. Les praticiens ont du mal à connaître la législation des empereurs. Un premier projet est formulé vers 429, mais c’est un échec et c’est finalement le 20 décembre 435 que l’empereur d’Orient, Théodose II, décide de lancer une codification. Il s’agit d’une codification qui sera à l’usage de tout l’Empire, Orient et Occident. Le projet est de réunir toutes les constitutions impériales à portée générale (les édits) qui ont été émises depuis Constantin, autrement dit depuis 311. Il s’agit de les classer selon un plan thématique en sorte de permettre aux juristes d’avoir connaissance immédiate des règles. Le code a vocation à être divisé en livres, eux-mêmes divisés en titres, au sein desquels les constitutions sont classées chronologiquement. Les compilateurs sont chargés de ne recopier que la partie dispositive des constitutions, la partie qui fait loi, qui donne la norme à appliquer. On leur demande de modifier le texte si le Droit a changé. Ils font des interpellations. Ce travail est confié à une commission de seize membres, des hauts fonctionnaires. Ce code Théodosien fut achevé en deux ans, en 437, date à laquelle il est remis à l’empereur d’Occident, Valentinien III (auteur de la loi des citations) qui se rend à Constantinople pour épouser la fille de Théodose II. Le code est promulgué par les deux empereurs le 15 février 438. On ne peut alors alléguer en justice les textes contenus dans ce code que dans la forme qu’il leur donne. Il est valable autant en Orient qu’en Occident et est divisé en seize livres divisés en titres thématiques : - livre I : sources du Droit - livres II à V : Droit privé - livres VI à XV : Droit public - livre XVI : Droit ecclésiastique Cette codification réunit tous les édits de Constantin à Valentin III et Théodose II, mais dans la préface, les deux reconnaissent que les justiciables peuvent utiliser les codes Grégorien et Hermogénien. Le code Théodosien reconnaît les codes Grégorien et Hermogénien. Il est demeuré en vigueur jusqu’en 476, mais a continué à être utilisé jusqu’au XIe siècle. En Orient, ce code Théodosien a été détrôné au milieu du VIe siècle par les compilations de l’empereur Justinien. B) La codification du Droit dans la partie orientale de l’empire, le Corpus Juris Civilis Après la chute de l’Empire d’Occident en 476, le Droit romain continue à se développer dans l’Empire d’Orient jusqu’en 1453. Le Droit romain ancien a trouvé en Orient son aboutissement au milieu du VIème siècle lorsque l’empereur Justinien, entre 528 et 534, a fait élaborer un vaste ensemble de compilations appelé le Corpus Juris Civilis. Cet ensemble est une oeuvre qui opère la synthèse de tout le Droit romain, de ses origines jusqu’au VIème siècle. C’est par son intermédiaire que nous connaissons aujourd’hui l’essentiel des textes juridiques de l’époque classique. Le code de Justinien est un morceau du Corpus de Justinien. Il n’a été utilisé qu’en Orient jusqu’au XIIème siècle. Les occidentaux n’en ont pris connaissance qu'entre le XIIème et le XIIIème siècle. Son succès a été immense et à l’origine d’une véritable révolution. Justinien accède au trône de Byzance en 527 avec des ambitions fortes : il rêve de reconstruire l’empire romain à l’époque classique. Il a tenté de le réaliser par des conquêtes militaires, ainsi que par d’importantes réformes administratives et une remise en ordre de l’ensemble des sources du Droit. Il veut rénover le système juridique romain. Cela s’avère nécessaire car durant le Ve siècle, avec le code Théodosien, les empereurs ont continué de légiférer. A l’époque de Justinien, le code Théodosien est donc dépassé par la législation impériale postérieure. L’entreprise de Justinien est nécessaire mais est guidée par son idée de reconstruire le système judiciaire romain. Il s’ouvre par un premier recueil de législations impériales. Tribonien a dirigé l’équipe qui a écrit cet ensemble de compilations, le Corpus Juris Civilis. > Le code de Justinien Pour lancer des réformes administratives, dont le dessein était la restauration des structures de l’Empire, Justinien a beaucoup légiféré dès son arrivée au pouvoir en 527. Dès 528, il a décidé de faire élaborer un nouveau recueil de législations impériales, de constitutions. Il a nommé une commission de dix membres présidée par Tribonien, qui pour préparer cette codification, a commencé par utiliser les codifications antérieures. Il s’agit notamment du code Théodosien, mais aussi des codes Grégorien et Hermogénien qui contenaient tous les rescrits qui n’étaient pas dans le code Théodosien. Cette commission a vite travaillé, et opéré un choix très large de législations, de Constantin à Justinien. Le recueil fut publié le 7 avril 529, destiné à remplacer les anciennes codifications qui devenaient hors d’usage. Il faut citer tous les textes qu’il contient dans la forme que leur avait donnée leurs auteurs. Justinien légiférait beaucoup, de sorte que ce code, publié en 529, s’est vite trouvé dépassé par la législation de Justinien lui-même, par ses réformes. Dans les années 530, il a nommé une nouvelle commission de cinq membres, toujours présidée par Tribonien, à laquelle participait Dorothée. Le 16 novembre 535 fut publié une nouvelle version du code, une version qui devait entrer en vigueur le 29 décembre 534. C’est cette seconde version qui nous est parvenue, la première a entièrement disparu, on en conserve seulement la préface. Ce code comprend douze livres divisés en titres thématiques dans lesquels les constitutions sont classées par ordre chronologique. On a ajouté pour chaque constitution une inscription donnant le nom de l’empereur qui l’a émise et le nom de son destinataire. Cela est très important car les juristes peuvent savoir s’il s’agit d’un rescrit adressé à un fonctionnaire ou d’un édit qui concerne tout l’Empire. Après la Constitution, il y a aussi une souscription indiquant le lieu d’émission de cette constitution, et sa date. On doit faire preuve d’adresse car les copistes ont fait quelques erreurs. Ces constitutions remontent pour les plus anciennes à l’empereur Hadrien, au IIe siècle de notre ère, et pour les plus récentes à Justinien. Toutes les matières sont abordées depuis les sources du Droit jusqu’au Droit administratif et fiscal passant par l’ensemble du Droit privé et le Droit pénal. Les premiers titres du code sont consacrés au Droit ecclésiastique. À l’époque de Justinien, la religion chrétienne est devenue religion officielle de l’Empire. Un grand nombre de constitutions dans le code Justinien vient du code Théodosien et des codes Grégorien et Hermogénien. Grâce à la disposition des constitutions dans le code, on peut retrouver leur origine, leur auteur, leur date. C’est une codification à Droit constant, ce code a compilé les constitutions en les mettant en ordre. Il a été complété par d’autres codes, notamment le Digeste. > Le Digeste Le Digeste est également diffusé sous le nom de pandectes, du grec, signifiant compilation de jurisprudentia, de doctrines. Le Digeste est une sorte de grosse encyclopédie de la jurisprudentia de l’époque classique, dont les auteurs avaient obtenu pour un grand nombre d’entre eux le jus publice respondendi, une doctrine qui a valeur de Droit positif. C’est une masse considérable de textes et tous ces auteurs s’étaient fréquemment contredits. Pour préparer la compilation de ces différentes opinions, Justinien a publié entre 530 et 532 les cinquante décisions, tranchant les controverses les plus importantes qui avaient agité la doctrine de l’époque classique. L'élaboration de ce recueil fut décidée par Justinien, aux termes de la constitution Deo auctore du 15 décembre 530. La commission est composée de professeurs de Droit, notamment Dorothée, d’un professeur de Constantinople, Théophile, ainsi que d’avocats et de fonctionnaires. La mission confiée à la commission est de recueillir le maximum d’ouvrages d’auteurs ayant le jus publice respondendi, de les corriger, éventuellement de remplacer les solutions désuètes, et de classer les fragments par thèmes. Ils ont pris les ouvrages notamment de Gaius pour répartir les différents morceaux par thèmes, groupés en titres thématiques eux-mêmes ordonnés en livres. La commission qui prépare ce travail va vite puisque le Digeste est publié le 16 décembre 533, or c’est un ouvrage énorme. Plus de mille six cent livres des jurisconsultes de l’époque classique ont été dépouillés, émanant de trente huit jurisconsultes différents, qui s’échelonnent du IIe siècle avant JC jusqu’à la fin du IIIe siècle de notre ère. Il est organisé en cinquante livres, divisés en titres, scindés en fragments, avec le nom de l’auteur, le titre de l’ouvrage et son emplacement dans l’ouvrage (« Gaius au IIIème livre de ses Institutes »). On a donc pu refaire à l’envers le travail des compilateurs pour retrouver les œuvres aujourd'hui perdues. La plupart des fragments vient d’auteurs des IIe et IIIe siècles de notre ère. Sur neuf mille cent quarante-deux fragments, six mille fragments viennent d’Ulpien. Viennent ensuite ceux de Paul, de Gaius, de Papinien et de Modestin. Ce plan choisi en cinquante livres suit à peu près l’ordre des matières dans l’édit du préteur. Certains fragments ont été interpellés pour être modernisés. En même temps qu’ils préparaient le Digeste, trois membres de la commission ont élaboré un manuel à l’usage des étudiants. > Les Institutes de Justinien Ces Institutes ont été préparés par Tribonien, Dorothée et Théophile. Le modèle suivi fut celui des Institutes de Gaius, principal manuel de l’époque classique que tous connaissaient. Ils sont divisés en quatre livres selon un plan en trois axes, personae res actiones. C’est un manuel scolaire qui opte pour une forme didactique. La langue est claire et simple. Il y a une large place faite aux définitions et aux classifications. Ces Institutes furent publiés le 21 novembre 533, un mois avant le Digeste, et sont entrés en vigueur en même temps, le 30 décembre 533. Le but était de fournir aux écoles de Droit, (à Beyrouth et Constantinople) un manuel officiel, fixant l’ordre des études de Droit. Leur succès fut grand, notamment au Moyen-Âge, pour son langage didactique. Ils débutent par une définition du Droit et de la Justice, et définissent la différence entre le Droit privé (entre particuliers) et le Droit public (ce qui concerne le gouvernement de la cité). Le Droit privé se divise en trois : - le Droit naturel : règles inspirées par la nature - le Droit des gens : règles communes à tous les peuples - le Droit civil : propre aux citoyens romains Les Institutes font ensuite un exposé de l’ensemble du Droit privé romain. Avec un Code compilant toute la législation impériale jusqu’à son époque, un Digeste compilant la jurisprudentia, et enfin des Institutes, l’œuvre de Justinien se voulait totale. Cependant l’empereur ne fut pas arrêté dans son travail ; il a continué après la promulgation du code en 534. Les constitutions émises après cela sont appelées par les juristes Novellae Constitutiones, ou tout simplement Novellae. Elles furent regroupées en recueil. > Les Novelles de Justinien Justinien promulgue régulièrement de nouvelles constitutions, qui sont publiées chaque semestre. La plupart concerne l’Empire d’Orient, et elles sont au départ rédigées en grec, mais il a aussi promulgué des nouvelles pour les provinces occidentales qu’il avait reconquières, en latin, et parfois dans les deux langues. Ces constitutions étaient déposées aux archives à Constantinople, publiées officiellement, mais pas compilées. Elles le furent pour la première fois en 534, au moment où Justinien a reconquis l’Italie. Il est probable que cette première compilation ait été élaborée à la demande du pape. Elle fut diffusée sous le nom d’ « épitomé de Julien ». Epitomé signifie résumé, et cette compilation résume les textes des novelles et les traduit en latin. Ce recueil fut fabriqué à destination des occidentaux. Il comprend cent vingt-quatre novelles, jusqu’en 555. Une deuxième collection de novelles, en latin, diffusée sous le nom d’Authenticum, a été élaborée beaucoup plus tard, au XIIème siècle, par les glossateurs italiens. Cette deuxième collection présente l’avantage d’offrir un texte intégral des novelles. Elle comprend cent vingt-quatre novelles mais dans leur intégralité. Elle dut diffusée au Moyen-Âge, on pensait que c’était une collection ordonnée par Justinien, mais ce n’est pas vrai. Il existe une troisième collection de novelles, la collection grecque des cent soixante-huit novelles. Elle n’est pas contemporaine de Justinien mais lui est de peu postérieure puisqu’elle fut élaborée sous l’empereur Tibère II (578-582). Elle comprend cent cinquantehuit novelles de Justinien et dix de ses successeurs. Cette collection et l’Authenticum comprennent le texte complet avec notamment le prologue et l’épilogue des novelles. On voit à quoi ressemblaient les lois des romains ; il s’agissait de textes très longs, avec un exposé détaillé des motifs du texte. Chez Justinien, les textes étaient raccourcis pour ne garder que le dispositif, la règle. Les collections de novelles ne sont pas présentées comme les codes, n’ont pas été organi- sées thématiquement mais chronologiquement. L’œuvre de Justinien se veut complète, prétend compiler la législation impériale, la doctrine, et offre un manuel aux étudiants, envisagé sous ses aspects théoriques et pratiques. Cette œuvre traduit une volonté de revenir à l’esprit du Droit romain classique (textes + forme). Elle est aussi très moderne ; on n’a pas hésité à moderniser les textes, pour les mettre en conformité à l’état du Droit à l’époque de Justinien. Ce Corpus Juris Civilis est resté inconnu des occidentaux jusqu’au XIIe siècle car pendant tout le Haut Moyen-Âge, les occidentaux utilisent presque exclusivement le code Théodosien. C’est en particulier le cas des clercs lorsqu’ils ont besoin de recourir au Droit romain. Chapitre 2 : L’ÉMERGENCE DU DROIT CANONIQUE Ce que l’on appelle « Droit canonique » est le Droit des églises chrétiennes. Ce terme vient du mot grec canon qui veut dire la règle. La religion chrétienne est née en Orient mais s’est implantée très tôt dans la partie occidentale de l’Empire romain. Il y a des chrétiens dès le premier siècle à Rome et dès le IIe siècle dans les provinces de l’Empire. Ce christianisme s’est répandu très vite mais jusqu’au IVe siècle, il fut persécuté assez sévèrement par l’autorité politique romaine. Les chrétiens sont monothéistes, assez intransigeants et ils refusent tout sacrifice aux dieux païens, or ces derniers sont un élément constitutif de la Constitution. Le développement du christianisme fut tellement considérable qu’au début du IVe siècle, les autorités politiques romaines, les empereurs Constantin (Occident) et Licinius (Orient), ont été obligés d’ordonner la cessation des persécutions, à Milan. On a appelé cela l’ « édit de Milan » mais c’est une fausse appellation car ils n’ont pas rédigé d’édit. Ils ont favorisé la religion chrétienne et ont émis certaines constitutions. En 380, Théodose premier, empereur d’Orient, a émis un édit que l’on appelle l’ « édit de Thessalonique », par lequel l’empereur érige la religion chrétienne en religion officielle de l’Empire. Le christianisme est au départ une secte juive, (secte = sectare : se séparer de). Il choisit le christianisme avec l’évêque de Rome. Ils s’étaient d’abord organisés dans la clandestinité. Section 1 : LES RÈGLES DISCIPLINAIRES DES PREMIÈRES COMMUNAUTÉS CHRÉTIENNES DU IER AU IIIÈME SIÈCLES Les premiers chrétiens sont allés chercher leurs toutes premières règles de discipline dans la Bible, leur livre saint. Très vite, cela devint insuffisant ; ils se dotèrent donc d’autres textes. PARAGRAPHE 1 La Bible Du grec ta biblia, la Bible est un ensemble de livres composés à des époques assez diverses. Les deux parties principales de la Bible sont ce que les chrétiens appellent l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. Ce terme de Testament, testamentum en latin, a été choisi pour traduire le terme grec diathếkê qui signifie l’ « alliance » et qui constitue la traduction du terme hébreux berith. On parle d’alliance car l’Ancien Testament est censé contenir le récit de l’alliance entre le peuple d’Israël et Dieu, et le Nouveau Testament relate la mort du Christ. Il n’y a pas de rupture pour les chrétiens entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Un certain passage du Nouveau Testament, de l’Evangile de Matthieu, chapitre 5, verset 17, attribue au Christ ces paroles : « Je ne suis pas venu pour abolir la loi des prophètes mais pour l’accomplir. » Il se présente comme la continuité de la religion juive. A) L’Ancien Testament L’Ancien Testament est un ensemble de textes qui ont été écrits à des époques différentes, entre le VIe et le Ier siècle avant JC. Dans ces textes, existent des références à des textes encore plus anciens, comme l’histoire de Moïse au XIIIe siècle avant JC. Pendant très longtemps, la Bible était constituée de récits transmis oralement par des conteurs. Ils ont été mis par écrit assez tardivement. Ces textes qui font la Bible sont rédigés en hébreux à l’exception de quelques uns d’entre eux, rédigés en araméen. Ce ne sont pas des textes de discipline mais des livres saints. Ils sont là pour transmettre un message spirituel. Cependant, la religion juive, comme beaucoup de reli- gions de l’Antiquité, mêle étroitement messages spirituels et règles de discipline. Des parties entières de l’Ancien Testament se présentent comme des codes de Droit. Dans le Lévitique, on trouve un code de droit du mariage. Les premiers chrétiens s’en servent comme guide disciplinaire. Le premier texte est le décalogue, les dix commandements. Ce sont des juifs, mais en réalité, au Ier siècle avant JC, nombreux sont ceux qui parlent grec. Ces textes qui forment l’Ancien Testament ont été traduits très tôt en grec, parce qu’il existe de nombreux juifs qui ne parlent que grec. Ces traductions ont conduit à une traduction officielle de la Bible en grec qui a été élaborée tôt, au IIIe siècle avant notre ère, pour les juifs de la communauté d’Alexandrie. On parle de la Bible des « Septante » car cette traduction fut élaborée sur l’ordre du pharaon Ptolémée II Philadelphe au grand prêtre Eléazar, qui se serait entouré de soixante-douze sages pour réaliser cette traduction. Elle est la version de l’Ancien Test qu’ont le plus utilisé les premiers chrétiens ; les plus nombreux d’entre eux sont de langue grecque. Le christianisme s’est d’abord répandu dans la partie orientale de l’Empire romain, où l’on parle grec, puis il se répandit dans la partie occidentale. En Gaule, les premiers chrétiens sont à Lyon et parlent grec. C’était aussi la langue commerciale. De plus en plus vite, des non juifs se sont convertis au christianisme, ce sont les « gentils » comme les appelle Paul dans ses épitres. Le christianisme s’est en conséquence détaché de la religion juive, car les textes de l’Ancien Testament n’étaient plus suffisants et adaptés. Les convertis ont considéré que certains éléments, comme les interdits alimentaires, étaient inadaptés à la foi chrétienne. Il fallait donc fabriquer de nouvelles règles. B) Le Nouveau Testament Le Nouveau Testament non plus n’a pas été rédigé d’une seule traite. Il comprend une série de textes différents : les quatre évangiles et les épitres de Paul. La partie la plus ancienne correspond aux épitres, rédigés dans les années 50 de notre ère. Viennent ensuite les évangiles. Celui de Marc s’adresse à un public romain, et fut écrit vers 65. Celui de Matthieu, pour un public hébreux, et celui de Luc, pour un public grec, furent écrits dans les années 70. Celui de Jean fut rédigé dans les années 100. Ils présentent plus ou moins la même histoire. Marc, Luc, et Matthieu ont écrit des évangiles dits synoptiques car ils présentent des récits parfaitement parallèles, mais celui de Jean est différent. Ils furent rédigés dans les premières communautés chrétiennes en grec. Dès la fin du IIe siècle, quand se multiplient les conversions dans la partie occidentale de l’Empire, on a commencé à élaborer des traductions latines. La Bible s’est répandue en Afrique du Nord où on ne parlait que latin. En 250, l’évêque Cyprien de Carthage possède une traduction complète non seulement du Nouveau Testament mais aussi de l’Ancien, en latin. Les chrétiens de ces régions qui ne parlent que latin disposent donc d’un texte dans leur langue. C’est la Bible vieille latine. Au IVe siècle, Jérôme, père de l’Eglise, entame une nouvelle traduction en latin, et c’est cette traduction qui aboutit à la Vulgate, qui est la Bible latine utilisée pendant tout le Moyen-Âge en Occident. Le Nouveau Testament est d’abord un livre saint, spirituel, qui ne contient quasiment pas de règles de discipline. Les seules règles de discipline qu’il comporte figurent dans les épitres de Paul et sont présentées comme des directions morales. On peut, en sollicitant un peu le texte, en déduire des règles, mais elles ne sont pas formulées en tant que règles applicables. La religion chrétienne, à la différence des autres religions, pose dès le départ une distinction entre les affaires temporelles et les affaires spirituelles. Dans trois passages différents (Matthieu chapitre 22, Marc chapitre 12 et Luc chapitre 20) est raconté ce moment où l’on vient présenter au Christ une pièce de monnaie, lui demandant s’il faut payer à l’occupant romain l’impôt, le tribu. Jésus répond : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Cela pose une distinction très ferme entre les affaires temporelles (impôts) et les affaires spirituelles. Les chrétiens n’ont pas de guide spirituel, de ligne disciplinaire claire. C’est ce qui les a amenés à en fabriquer, et c’est ainsi qu’est né le Droit canonique. PARAGRAPHE 2 Les premiers documents disciplinaires Les premiers documents disciplinaires sont ce que l’on appelle les épitres pseudo apostoliques et les collections canonico-liturgiques. A) Les épitres pseudo apostoliques Les épitres pseudo apostoliques sont, comme leur nom l’indique, des lettres émises par des in- dividus qui n’étaient plus des apôtres mais s’intitulaient comme tels. Ils étaient leurs successeurs immédiats. Les chefs des premières communautés chrétiennes sont les episcopos en grec et episcopus en latin, des évêques. Ils sont des individus élus par les communautés pour être guides spirituels mais aussi pour gouverner la communauté. Ils ont écrit des lettres adressées à leurs communautés, car ils étaient éloignés d’elles, ou à d’autres communautés. Ces évêques, les pères apostoliques, écrivent les épitres pseudo apostoliques. Le plus ancien de ces épitres est celui de Clément de Rome, prédécesseur du pape, adressé aux Corinthiens. Plusieurs autres épitres du même genre, comme celui de Polycarpe de Smyrne aux Philippiens, datent de la fin du Ier et du IIe siècle, et contiennent des injonctions pastorales sur la façon de se conduire. En les énumérant, ces règles ont posé des éléments de discipline sur la façon de gouverner mais aussi de procéder au baptême. Ce sont les premiers textes de discipline au sens propre. Très vite sont apparus les collections canonico-liturgiques. B) Les collections canonico-liturgiques Les collections canonico-liturgiques sont des compilations de règles dont les auteurs, la plupart du temps, sont demeurés inconnus. Elles ont circulé assez abondamment dans les premières communautés chrétiennes entre le IIe et le IVe siècle. Ces collections, comme l’indique leur nom, contiennent d’abord des règles de liturgie. Autrement dit, il s’agit de règles destinées à guider le déroulement des cérémonies religieuses comme le baptême, la messe, ou l’ordination d’un clerc. Les communautés sont divisées en deux, entre clercs et laïcs, respectivement ordonnés et baptisés. En décrivant le déroulement des cérémonies, ces collections ne font pas que présenter la liturgie, elle posent également des règles car si on ne suit pas ce déroulement, le rite est invalide. En posant des règles de liturgie, elles posent aussi des règles de droit. Très vite, à côté des prescriptions strictement liturgiques, ces collections ont en outre ajouté de règles de discipline. La plus ancienne de ces collections est la didakè, la doctrine des douze apôtres, qui date de la fin du Ier siècle. Elle décrit la manière dont on doit procéder pour le baptême. Au milieu du IIe siècle, vers 140, nous conservons l’ouvrage d’Hermas, pasteur, dans lequel sont décrits les rites de la pénitence. Au IIIe siècle, les collections canonico-liturgiques se chargent de davantage de règles de discipline. La Constitution ecclésiastique des apôtres décrit toutes les règles de la communauté ; des prêtres, diacres, veuves, diaconesses, etc. Au IVe siècle, dans certaines collections, les règles de droit tendent à prendre le pas sur les règles de liturgie. C’est le cas dans une collection fabriquée en Syrie, diffusée sous le nom de canons apostoliques. Ces canons sont quasi exclusivement l’énumération de règles de discipline. Ce sont des règles canoniques. Section 2 : L’ÉMERGENCE DU DROIT CANONIQUE Le mot « canonique » vient du grec canon, la règle, au sens matériel, le bâton, puis au sens abstrait, la norme. Les premiers textes juridiques de l’Eglise sont apparus dans des communautés chrétiennes de langue grecque. Ces premiers textes juridiques se présentent comme des compilations dans lesquelles on énumère des règles classées en séries, sous la forme de mini chapitres, chacun s’intitulant canon. Le Droit canonique est le Droit qui contient les règles des églises chrétiennes. Il est né au IVe siècle quand apparaît une législation canonique. PARAGRAPHE 1 L’apparition d'une législation canonique Cette législation canonique a pris deux formes, d’une part les canons des conciles, et d’autre part les décrétales des papes. A) La législation des conciles, les canons des conciles Un concile, concilium en latin, synodos en grec, est une assemblée. Les conciles sont des assemblées qui regroupent des dignitaires ecclésiastiques, avec au premier rang les évêques. Certains évêques se distinguent des autres et s’affirment titulaires de sièges supérieurs, ce sont les archevêques, ou métropolitains. Se construisent des circonscriptions avec évêchés, archevêchés, et métropoles. Seuls les clercs, ordonnés, ont une voix délibérative. Ce ne sont pas des assemblées permanentes, mais extra ordinaires, que l’on réunit en cas de crise. Plus précisément, les premiers conciles sont réunis pour trancher des controverses théologiques, très nombreuses, sur les dogmes. Un grand nombre de ces conciles a été réuni autour d’un dogme précis, celui de la Trinité, qui prône que la divinité se subdivise en trois personnes. Aux IVe et Ve siècles, sont réunis des conciles qui prétendent rassembler des évêques de toute la chrétienté pour trancher les questions les plus épineuses des dogmes. On les qualifie d’œcuméniques car ils légiféraient pour l’ensemble de la chrétienté. C’étaient des conciles généraux. Le premier concile fut réuni à Nicée en 325 et a fixé le credo, la profession de foi de l’Eglise chrétienne. Le second concile œcuménique fut réuni en 381, à Constantinople pour affirmer le caractère divin du Saint-Esprit. En 431, est réuni un troisième concile à Ephèse, imposant le terme de théodocos pour désigner Marie, mère de Dieu. Le quatrième fut réuni à Chalcédoine en 451, affirmant la nature divine et humaine du Christ. Chacun de ces conciles, à côté des décisions strictement dogmatiques prises, a aussi émis des règles relatives à l’organisation matérielle de l’Eglise, des règles de pure discipline. Il s’agit d’une véritable législation au sens le plus trivial du terme. A côté de ces quatre conciles œcuméniques, on a réuni un peu partout des conciles de tailles inférieures, qui, la plupart du temps, se sont faits dans le cadre d’une province ecclésiastique, d’une métropole, d’un archevêché. Un évêque, titulaire d’un siège depuis longtemps, convoque en concile les évêques voisins qu’il considère comme étant dépendants de lui. —> En Gaule, l’évêque de Lyon se considère « primat des Gaules ». On émet une législation se limitant à la province, à l’ensemble des évêchés qui se considèrent être dépendants de cet archevêché. Cela est disciplinaire, on fixe la manière dont les monastères devront obéir aux évêques, la manière dont l’évêque doit tenir tribunal. Ces conciles provinciaux ont été réunis dans la partie orientale de l’Empire puis un peu partout dans la partie occidentale, en Afrique, en Espagne, en Italie et en Gaule. Cette législation émise par les conciles est la première source du Droit de l’Eglise chrétienne. A cette législation s’est ajoutée une législation pontificale. B) La législation des papes : les décrétales Le terme de décrétale vient de l’expression epistola decretalis, la « lettre décisoire », qui contient une décision du pape. Cependant, à cette époque, il n’y avait pas de pape, mais seulement un évêque de Rome. En 380, Théodose premier, lorsqu’il décide que le christianisme est religion officielle, choisit le christianisme de Damase, celui de Rome. L’évêque siège dans le lieu où a été martyrisé un des premiers apôtres, Pierre. Les évêques de Rome se considèrent comme ses successeurs. Les autres évêques de la chrétienté vont prendre l’habitude, lorsqu’ils se trouvent face à une situation qu’ils ne savent pas régler, d’aller voir l’évêque de Rome pour lui demander comment la régler. On peut également lui écrire. En général ce sont des évêques qui lui écrivent mais de simples chrétiens peuvent également le faire. Comme l’évêque de Rome occupe le siège censé avoir été le siège de Pierre, on s’adresse à lui en disant « père », « papa ». Cette formule déférente va devenir un titre. Il répond en formulant la règle que devra appliquer celui qui s’est adressé à lui. Cela rappelle le rescrit. La décrétale pontificale est un rescrit. Le pouvoir législatif est calqué sur celui de l’empereur romain. En 385, une décrétale émise par le pape Sirice est adressée à l’évêque Himère de Tarragone, qui lui demande comment il faut procéder quand on se convertit au catholicisme des chrétiens. Fallait-il être rebaptisé ? Non, a répondu Sirice, il suffit d’adhérer à la profession de foi catholique. C’est la première décrétale que l’on a conservée. Les évêques de Rome, en émettant des décrétales, ont développé un pouvoir législatif comparable à celui de l’Empire romain. Ce pouvoir législatif a tendance au Ve siècle à s’auto-justifier par le fait que le pape est à Rome, à l’ancien siège de l’Empire. Les décrétales pontificales nous ont été transmises par des collections canoniques dans lesquelles ces textes ont été compilés. PARAGRAPHE 2 La confection de collections canoniques Les collections canoniques sont des canons, au départ des conciles, mais également plus tard des décrétales pontificales. Ces collections sont apparues pour les mêmes raisons que les codifications de législations impériales. Les clercs se trouvaient confrontés à la difficulté de connaître ces règles, lorsqu’elles avaient été émises par un concile éloigné ou que l’évêque de Rome avait simplement envoyé un lettre à un évêque précis, comme un rescrit. A) Les collections conciliaires Les collections conciliaires ont été fabriquées, notamment pour la plus ancienne, dans l’Eglise d’Orient, car c’est à cet endroit qu’ont été réunis les premiers conciles. Il s’agit de la collection d’Antioche, élaborée dans l’église d’Antioche au milieu du IVe pour diffuser les canons du concile de Nicée. On y a ajouté d’autres canons, et ce texte a circulé en Orient. Au départ, c’est un texte privé, fabriqué pour des raisons pratiques. Finalement, elle a fait l’objet d’une approbation officielle, en 451, au concile de Chalcédoine. On l’a grossie. Cette approbation officielle est exceptionnelle car normalement les collections sont privées. Le fait qu’elle grossisse est ordinaire, car on grossit les collections au gré des besoins. Au milieu du Ve siècle, on a fabriqué une collection conciliaire en Italie, la Vetus Romana. En Afrique, on a composé une des collections les plus importantes, le bréviaire d’Hippone. C’est Aurélius de Carthage qui, en 397, l’a faite élaborer pour recueillir les canons du concile d’Hippone de 393. On en a aussi fabriqué en Gaule. Vers la fin du Ve siècle, les statuta ecclesiae antiqua ont servi de code canonique à l’usage des églises de Gaule, on en conserve soixante-dix manuscrits. S’affirme ensuite un pouvoir législatif pontifical. B) Les collections de décrétales Les collections de décrétales furent fabriquées dès le Ve siècle, mais elles sont toutes perdues ; les plus anciennes qui furent retrouvées datent du VIe siècle, comme notamment la Velena. Dans les collections conciliaires, on a recopié à partir de la fin du Ve siècle des décrétales en séries. On a recopié aussi les titres, on a donc la trace d’une collection de décrétale. Dès la fin du Ve siècle, on ressent le besoin de diffuser largement les rescrits, autant que l’on a besoin de diffuser la législation émise par les conciles. Au VIe siècle, on ira jusqu’à recopier dans les collections canoniques, non seulement des canons de conciles et des décrétales pontificales, mais aussi des constitutions émises par les empereurs romains en faveur de l’Eglise, autrement dit de la législation séculière. PARAGRAPHE 3 Le droit romain, devenu source du Droit canonique Le droit romain est devenu source du Droit canonique pour deux raisons principales : - L’Eglise chrétienne vit dans les limites de l’Empire romain, elle a donc eu besoin du droit romain car c’était le droit en vigueur à l’époque. - Très tôt, les empereurs romains ont émis des privilèges en faveur de l’Eglise chrétienne. A) Le Droit de l’Eglise pour gérer les affaires temporelles L’Eglise chrétienne s’est développée à l’intérieur des frontières de l’Empire romain. Les fidèles de l’Eglise chrétienne sont d’abord des citoyens romains (nous sommes après l’édit de Caracalla). Les clercs, placés dans la nécessité de gérer les communautés chrétiennes, sont obligés d’utiliser le Droit romain pour gérer les questions temporelles, séculières. Il faut traiter l’affaire dans la cité de manière juridiquement valable, mais la discipline des premières communautés chrétiennes ne comporte aucune disposition concernant le patrimoine ecclésiastique, car au départ elles étaient persécutées, vivaient dans la clandestinité, et n’avaient pas de patrimoine. S’est développé l’idée que le Droit romain peut s’appliquer à l’intérieur de l’Eglise, servant de Droit supplétif, susceptible d’être utilisé lorsque le Droit canonique ne comprend pas de règle adaptée. Alors que se développe une juridiction ecclésiastique, on rend la justice en utilisant les règles de discipline chrétiennes fixées par les décrétales mais aussi par le Droit romain. Les empereurs romains ont légiféré très tôt en faveur de l’Eglise. B) La législation des empereurs en faveur de l’Eglise Le christianisme, à partir de 312, devient toléré et est érigé au rang de religion officielle en 380. Dans cet intervalle, très tôt, les empereurs ont commencé à émettre des constitutions en faveur de l’Église. Constantin, le premier à le faire, prend en 318 une mesure considérable : l’audientia episcopalis : le jugement de l’évêque. Il reconnaît aux évêques le pouvoir de rendre la justice entre les chrétiens si ces derniers le souhaitent. La raison était que l’autorité romaine à cette époque manque de fonctionnaires de justice et Constantin y voyait un moyen rapide de se procurer des juges. Cela a bien marché car il n’y avait pas assez de juridictions et les chrétiens se sont précipités vers les tribunaux que les évêques avaient essayé de mettre en place. Ce système a tellement bien marché que les évêques ont demandé à ce qu’il soit réduit. On exempte les clercs d’impôts, à partir du moment où ils tiennent tribunal et qu’ils créent des hôpitaux et orphelinats. Cette législation est séculière, ce sont des constitutions prises par les empereurs romains sous la forme de rescrits ou d’édits. Il ne s’agit pas de règles canoniques, cependant cette législation émise par les empereurs contribue à la formation d’un corps de règles propre à l’Eglise chrétienne. La législation impériale romaine devient donc une source potentielle du Droit de l’Eglise. Les empereurs romains, à partir de Constantin, qui s’est converti sur son lit de mort selon la tradition, sont chrétiens. En 392, un autre édit est pris pour interdire les religions païennes. Il y a une exclusivité de la religion chrétienne. Au cours du Ve siècle, cette législation devient si importante qu’en 438, lorsqu’on promulgue le code Théodosien, tout le livre 16 est consacré au Droit ecclésiastique et compile des constitutions impériales rendues en faveur de l’Eglise chrétienne. La législation en matière ecclésiastique trouve une place dans le code. Le code de Justinien s’ouvre par une constitution, livre I, titre I, chapitre I, l’édit de Thessalonique. Le Droit romain, dès la fin de l’Antiquité, est devenu potentiellement une source du Droit canonique. Se réalise alors une imbrication très étroite entre les deux droits qui s’est poursuivie au-delà de la chute de l’Empire d’Occident en 476. Au cours du IVe siècle, l’Empire d’Occident connaît de graves difficultés économiques, des épidémies et des mouvements de populations venues de l’Est. Certaines populations sont venues pacifiquement et d’autres sont des envahisseurs, comme les Huns qui ont franchi le Danube à la fin du IXe siècle, et les Wisigoths qui ont saccagé Rome en 510. Les Francs se sont installés de façon pacifique. Ce sont eux qui ont arrêté les Huns en 451 à coté de Troyes. Ces peuples, même pacifiquement, ont transformé la civilisation romaine, et c’est cette transformation qui a abouti à la chute de l’Empire d’Occident par la déposition de l’empereur Romulus Augustule, par un chef barbare Odoacre. Cette disparition a ouvert le Moyen-Âge, plus précisément le Haut Moyen-Âge. Titre 2 : LE HAUT MOYEN-ÂGE, ÉPOQUE FRANQUE L’époque franque correspond à l’avènement d’une nouvelle civilisation car à la fin du Ve siècle, lorsque l’Empire romain s’effondre, les territoires qui forment la Gaule sont partagés en plusieurs royaumes. Au Nord sont installés les Francs, dans le Sud-Ouest les Wisigoths, et dans le Sud-Est les Burgondes. Ces Francs sont fédérés par Clovis ; ses descendants, les mérovingiens, ont régné jusqu’en 714. Une autre dynastie s’est mise en place, les carolingiens, jusqu’à la fin du Xe siècle. Ce sont des Francs, ils appartiennent à ces peuples qui sont venus s’installer avant la chute de l’Empire romain. C’est pour cela qu’on appelle cette époque l’époque franque. Les différents peuples germaniques installés en Gaule ont amené des usages assez différents de ceux des romains, et pendant plusieurs siècles, ils se sont mélangés avec les usages des romains, transformant la civilisation gallo-romaine. Chapitre 1 : LA PÉRIODE MÉROVINGIENNE, VIÈME-VIIÈME SIÈCLES La caractéristique de cette période mérovingienne est que, du fait de l’éclatement de l’Empire romain après la chute d’Occident en 476, cohabitent sur le territoire des Gaules différents peuples qui connaissent chacun des traditions juridiques différentes. Il y a une grande diversité des règles juridiques qui caractérise cette période, s’agissant des règles du droit séculier. Le droit canonique est facteur d’unité, le christianisme a peu à peu gagné l’ensemble des peuples de la Gaule. Il constitue une sorte de droit commun. Ses règles sont extrêmement rudimentaires sous le Haut Moyen-Âge. Section 1 : LA DIVERSITÉ DES RÈGLES DU DROIT SÉCULIER Les peuples installés en Gaule avant, ou au moment de la chute de l’Empire romain en 476 (les Francs au Nord, les Burgondes au Sud-Est et les Wisigoths au Sud-Ouest) cohabitent avec une majorité de population d’origine gallo-romaine. Ceux-ci ont l’habitude de plus de cinq siècles de culture latine et ne sont pas prêts d’abandonner leurs traditions. Ces nouveaux arrivants non plus. Cette situation fait que pendant plusieurs siècles, les peuples vivant en Gaule vont vivre sous le régime de la personnalité des lois. PARAGRAPHE 1 Le système de la personnalité des lois Un système de lois personnelles est un système juridique dans lequel les règles qui s’appliquent à un individu s’appliquent à lui en fonction de son origine ethnique ou éventuellement en fonction de son appartenance religieuse. C’est un système dans lequel des règles juridiques s’appliquent aux individus en fonction de leur appartenance à un groupe de personnes. Dans la plupart des systèmes juridiques modernes, le système qui domine est celui de la territorialité. Un individu qui réside en France est soumis au droit français. Durant le Haut-Moyen Âge s’est mis en place un système différent, en fonction de l’origine des personnes. A) Les causes du système de la personnalité des lois Les populations gallo-romaines vivaient sous l’emprise du Droit romain, certes teinté de provincialisme, un « Droit romain vulgaire », adapté à certains usages locaux mais qui demeurait dans ses grandes lignes le Droit civil romain dans ce qu’il était devenu dans son dernier état. Il est d’abord écrit, codifié pour l’essentiel dans le code Théodosien, d’une assez grande technicité. Les différents peuples germaniques qui s’installent en Gaule ont des traditions juridiques très éloignées du droit romain. Le droit des Francs, Burgondes et Wisigoths est oral, coutumier, et ne connaît pas de codification. Ensuite, c’est un droit très rudimentaire dans son développement. Les peuples germaniques sont des peuples semi nomades, de bergers et de guerriers qui passent leur temps à faire la guerre. Leur droit est dominé par un système de vengeance privée, le système de la vendetta. Dans les systèmes judiciaires des peuples germaniques anciens, lorsque survient un procès, la preuve n’incombe pas au demandeur mais au défendeur. Chez nous, règne la présomption de l’innocence. « In dubio pro oreo » : dans le doute, on va dans le sens de l’accusé. Ce sont deux systèmes juridiques extrêmement éloignés. Les peuples germaniques, qui installent des petits royaumes, sont les vainqueurs, ils dominent politiquement ces territoires. Ils ne veulent pas abandonner leur droit propre. Le système de la personnalité des lois est né de cette situation, de cette cohabitation. Il est né de façon empirique et est favorisé par le fait que les romains avaient toujours toléré que les peuples qu’ils avaient conquis puissent continuer à pratiquer un certain nombre d’usages du moment qu’ils ne gênent pas l’ordre public. B) Le fonctionnement du système Avec l’application d’une règle juridique en fonction de l’origine, lorsqu’un justiciable se rend devant un tribunal pour faire reconnaître un droit, le juge commence par l’interroger : « sub qua lege vivis ? » : sous quelle loi vis-tu ? De la réponse du justiciable va dépendre la règle que le juge appliquera. Deux justiciables peuvent se présenter simultanément devant un juge. Le juge, après les avoir interrogés, constate que chacun vit sous une loi différente. Il va choisir la loi du défendeur. C’est un système déclaratif, le juge ne vérifie pas l’appartenance, il applique la loi sous laquelle l’individu se déclare vivre. Les lois se sont mélangées avec des mariages entre les différents peuples etc. Par ailleurs, les rois, Wisigoths, Burgondes ou Francs, dans les royaumes qu’ils se sont taillés, ont très tôt commencé à légiférer à l’imitation des empereurs romains. Cette législation intervient surtout en matières administrative et pénale. On a vu rapidement se dégager un certain nombre de règles édictées par les rois qui avaient vocation à s’appliquer à toutes les populations de leur territoire quelle qu’en soit l’origine. L’essentiel des règles applicables sont des règles personnelles qui varient en fonction de l’origine des individus, de sorte que très vite les juges furent confrontés à une difficulté, celle de connaître tous les contenus des systèmes juridiques. Pour le Droit romain, il n’y avait au départ pas beaucoup de difficultés car il avait été codifié dans le code Théodosien. Cependant, il n’était pas diffusé partout. Pour les différents droits germaniques, il n’y avait pas de codification. Dans les différents royaumes ont été mises par écrit les lois nationales, c'est-à-dire les règles s’appliquant aux différents groupes de population en fonction de leur origine. PARAGRAPHE 2 Les lois nationales des barbares Ces lois nationales sont été rédigées à l’initiative des rois des différents royaumes qui s’étaient construits sur les ruines de l’empire romain. Les plus anciens recueils et sans doute les plus élaborées viennent des wisigoths. A) Le royaume des wisigoths Le royaume wisigothique a une particularité, il s’est bâti à l’emplacement de l’ancienne province de Narbonnaise, la région romanisée le plus tôt, la plus imprégnée de culture latine. Narbonne est la capitale. Cette spécificité a joué un rôle dans la situation juridique qu’a connu le royaume dans le siècle qui a suivi la disparition de l’Empire romain. Deux grands recueils ont été rédigés, le Code d’Euric et le Bréviaire d’Alaric. > Le code D’Euric Ce code a été rédigé à la demande d’un roi des Wisigoths, Euric (466-484). Ce sont les juristes de Carbone et d’Arles qui ont élaboré ce Code d’Euric. Il met en forme par écrit les usages propres aux population wisigothes de leur royaume. Il met en forme des usages d’origine germanique, avec cependant des juristes galloromains. Certaines règles ont donc été transformées, mais dans leur substrat elle sont bien germaniques. Ce code fut publié en 476-477, au moment de l’effondrement de l’Empire. Il était destiné aux populations wisigothes, posant clairement les droits propres de wisigoths face aux gallo-romains. Il s’appelle aussi la loi ancienne des wisigoths car il s’agit de leur première règle mise par écrit. Après avoir été vaincus par Clovis en 507, les wisigoths se sont retirés en Espagne où ils ont prospéré jusqu’à l’arrivée des arabes. Ils ont continué d’enrichir leur recueil, le Code fut complété à plusieurs reprises. Lorsqu’ils étaient toujours en Gaule, l’œuvre d’Euric a été poursuivie par son fils Alaric. > Le Bréviaire d’Alaric, ou loi romaine des Wisigoths La loi romaine des Wisigoths d’appelle en latin lex romana wisigothorum. Lorsqu’Alaric II devient roi des Wisigoths en 484, il est confronté à des difficultés s’agissant de l’application, dans le royaume, du Droit romain aux sujets d’origine gallo-romaine. En effet, ces gallo-romains appliquaient un Droit romain mais teinté de provincialisme. Il avait été codifié en 438 dans le code théodosien, qui ne suffit pas aux gallo-romains. C’est ce qui a décidé Alaric II à faire élaborer un recueil de Droit romain propre au royaume des Wisigoths, destiné aux gallo-romains vivant en territoire wisigothique. Bréviaire signifie abrégé. Les juristes au service d’Alaric ont repris l’essentiel du code Théodosien. Ils n’en ont retiré qu’un certain nombre de règles de Droit administratif qui n’avaient pas lieu de s’appliquer dans un royaume germanique. Sous les constitutions des empereurs romains, ils ont ajouté les interprétations qu’en donnaient les juristes de Gaule à la fin du Ve siècle. Il s’agit de la manière dont, en Gaule, cette législation impériale était appliquée à la fin du Ve. On ajoute encore en annexe un abrégé des institutes de Gaius (composé en Gaule au Ve siècle), appelé l’épitomé de Gaius. On ajoute également au code Théodosien un petit recueil, les Sentences de Paul, qui compile les principales opinions de Paul, juriste du IIIème siècle, conseiller d’Alexandre Sévère. Le Bréviaire d’Alaric comprend donc la codification de législations impériales ainsi que certaines œuvres de doctrine (Gaius, compilation de Paul). Le bréviaire se veut donc un abrégé de tout le Droit romain à l’usage du royaume des Wisigoths. C’était un texte très complet, et après la chute du royaume des Wisigoths, il a continué d’être utilisé en Gaule (surtout dans les milieux ecclésiastiques). Il a supplanté d’autres recueils du même genre élaborés ailleurs, comme celui du royaume Burgonde. B) Le royaume Burgonde (Bourgogne) Ont été élaborés deux recueils ; un destiné aux populations Burgondes, et un autre aux populations gallo-romaines. Le système des lois personnelles a guidé la codification. > La loi Gombette, loi des Burgondes La loi des Burgondes fut promulguée en 502 par Gondebaud, roi des Burgondes, qui avait choisi pour capitale Lyon. Il l’a promulguée à Lyon le 29 mars 502. Cette loi des Burgondes, en dépit de son titre, est très influencée par le Droit romain. Si elle est destinée aux Burgondes, elle n’est pas seulement pour eux. En effet, dans la loi Gombette, Gondebaud a confié un certain nombre de règles qui gouvernent l’organisation judiciaire, la procédure ainsi que le Droit pénal, des règles qui ont vocation à s’appliquer à tous les habitants de son royaume. Il s’agit de toute une série de règles qui s’appliquent aux Burgondes. Il a quelques fois tenté d’adapter aux Burgondes des institutions romaines qu’ils ne connaissaient pas, comme le testament. Il a prévu que dans le royaume Burgonde, les juges devraient siéger par collège de deux, un Burgonde un gallo-romain, pour appliquer correctement le système de la personnalité des lois. C’est un recueil officiel. Un autre fut élaboré, dont on n’est pas certain que ce soit une codification officielle. > La loi romaine des Burgondes On ne sait pas exactement quand cette loi romaine des Burgondes, dont on conserve le texte, a été rédigée, mais elle le fut a priori au même moment que la loi Gombette. Elle date donc du début du VIème siècle. On ne sait pas si c’est une commande officielle du roi des Burgondes ou si ce sont des juristes qui l’ont fait à l’égard des juges. Elle guide les juges qui doivent juger des gallo-romains. Les juristes Burgondes sont partis du code Théodosien, mais aussi du code Hermogénien ; ils ont également utilisé l’épitomé de Gaius et les Sentences de Paul. La loi romaine des Burgondes ne reprend pas intégralement les textes romains mais s’en inspire. Ils ont rédigé un texte à partir de ces textes mais sans les recopier, en les reformulant à la Burgonde, dans leur latin qui n’est pas de grande qualité. On a classé ces règles dans le même ordre que la Loi Gombette, pour faire un parallèle entre les deux, pour permettre aux juges d’aller chercher de manière rapide et commode la règle dont ils ont besoin. C’est l’expression du fonctionnement de ce système de la personnalité des lois, qui fonctionne aussi dans le royaume des Francs. C) Le royaume des Francs À la fin du Vème siècle, lorsque s’effondre l’Empire, le royaume Franc se limite aux régions françaises situées au nord de la Loire, ainsi que la Belgique et le Pays-Bas. Clovis, qui a fédéré les Francs, a entrepris dès son avènement en 481 une politique de conquête. En 507, c’est sa plus grande victoire, contre Alaric, il conquiert l’Aquitaine. Ses fils ont continué cette politique, notamment Clothilde, princesse Burgonde. En 534, ses fils ont fini par annexer le royaume Burgonde, de sorte qu’à partir de 534, les Francs ont fini par dominer l’ensemble de la Gaule. Cette hégémonie des Francs a éclipsé un certain nombre de lois nationales. Ils ont gardé le Bréviaire d’Alaric. Ils avaient des règles propres qui furent compilées dans la loi Salique. > La Loi Salique La Loi Salique doit son nom aux Francs dits saliens, qui viennent d’un lac salé (aujourd'hui près de la Belgique et des Pays-Bas). Ils se sont installés en Gaule très tôt, dès le milieu du Ve siècle, pour grossir les armées romaines. Ils ont vaincu Attila en 451 au champ catalaunique. Les Francs saliens, auxquels appartient Clovis, ont fait rédiger sous son ordre une loi, la Loi Salique, ou pacte de La loi Salique. Ce pacte a été rédigé à la fin du règne de Clovis mais compile des règles anciennes et antérieures à la conversion des Francs au christianisme. Elles font référence à des cultures païennes. Cette Loi Salique s’est construite autour de la nécessité d’empêcher la guerre, la guerre privée, la vendetta. Elle se présente comme une compilation de tarifs de compensation financière, indemnisant celui qui est victime d’un dommage. C’est le système du Wergeld (ordre – argent), c’est le prix de l’homme, pour indemniser le prix du dommage causé à la victime, pour ne pas qu’elle se venge. Toute la Loi Salique se présente comme une liste de tarifs. Un tiers de ce qui est versé est versé au trésor royal, c’est le prix de la paix, le fredum (paix = friede). C’est un recueil destiné à codifier les compositions financières qui évitent la vendetta. Les populations gallo-romaines ont utilisé le Bréviaire d’Alaric. > La diffusion du Bréviaire d’Alaric dans le royaume des Francs Clovis a battu les Wisigoths, le roi Alaric II, à la bataille de Vouillé en 507. Le Bréviaire d’Alaric a été achevé en 506 et ce compendium s’est révélé être une aubaine. C’est un ouvrage très complet car il reprend presque tout le code Théodosien ainsi qu’un résumé des Institutes de Gaius. On s’est aperçu qu’il pouvait être utilisé au-delà du royaume Wisigoth, dans l’ensemble de la Gaule Franque. Ses rédacteurs avaient pris le soin d’accompagner le code Théodosien par des commentaires. Ce texte présente une version du Droit romain adaptée à la situation de la Gaule au début du VIe siècle. Après la conquête du royaume des Wisigoths par les Francs, il fut diffusé au Nord, puis, après 534, à l’annexion du royaume des Burgondes par les fils de Clovis, il fut utilisé là-bas avec la Loi romaine des Burgondes. On fait alors des abrégés du Bréviaire sous le nom d’épitomés, utilisés jusqu’au XIe siècle. Au XIe siècle, on utilise le Droit romain tel qu’il est codifié dans le code Théodosien. Le Bréviaire d’Alaric est devenu, dans l’ensemble du royaume Franc, la compilation du Droit romain d’abord pour les populations romaines puis à tous ceux qui voulaient se référer au Droit romain. Les rois Francs ont aussi émis une législation. > La législation des rois mérovingiens Les rois mérovingiens ne se sont pas opposés aux institutions romaines, qu’ils récupéraient en dominant peu à peu la Gaule romaine. A l’inverse, ils ont essayé de les récupérer au maximum, et ils ont tenté aussi de se présenter à certains égards comme les successeurs des empereurs romains. Clovis avait pris la précaution de se faire nommer patrice des romains par l’empereur d’Orient. Les rois mérovingiens ont légiféré à l’imitation des empereurs romains. Naturellement, leur activité législative a été beaucoup moins importante que celle des empereurs romains, car ils ne disposaient pas de la même chancellerie ni du même pouvoir politique. Les rois mérovingiens, pendant deux siècles, ont émis régulièrement des actes législatifs auxquels ils ont souvent donné le nom d’edictum, d’édits, ou parfois de decretum decretio. Ces actes inter-

« INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT 

SEMESTRE 1Il sÕagit de prŽsenter le dŽveloppement historique du systme juridique franais,  de ses origines aux codiÞcations faites jusquÕau XIXme sicle. 
 
Ñ> Le systme juridique franais appartient ˆ un ensemble, ˆ des lois Žcrites et codiގes.


 DiffŽrence notable avec le systme dit du Ç  common law  È qui nÕest pas codiގ. 
 
AujourdÕhui, les juristes considrent quÕil existe quatre sources historiques de droit : 
 LA LOI 
 Il sÕagit de textes ˆ portŽe gŽnŽrale votŽs par le Parlement, dŽpositaire de la souverainetŽ, qui vote ces textes au nom du peuple qui lÕa Žlu. 
 LA JURISPRUDENCE 
 Ce sont les dŽcisions rendues par les tribunaux, car en appliquant la loi, le juge lÕinterprte et lÕadapte, la complte parfois.

Les juges peuvent Žlaborer des solutions nouvelles qui, lorsquÕelles sont reprises, acquirent autoritŽ du prŽcŽdent. 
 LA COUTUME 
 Ce sont ces rgles qui, ˆ force dՐtre rŽpŽtŽes, Þnissent par tre admises par lÕensemble du corps social, et devenir des rgles de Droit.

La coutume a une grande place aujourdÕhui en Droit com-mercial, ou en Droit privŽ  : une femme utilise le nom de son mari , cÕest une coutume sociale. 
 LA DOCTRINE 
 Ce sont les opinions, interprŽtations forgŽes par les savants en Droit, professeurs de Droit.

Cer-tains ne lÕadmettent pas car les opinions nÕont pas valeur de rgles obligatoires mais sont reprises par les juges et lŽgislateurs. 
 Ces sources existaient au Moyen-åge, avec des importances trs diffŽrentes, quantitativement ainsi que qualitativement  :
 
1 : doctrine 
 2 : coutume 
 3 : jurisprudence 
 4 : loi 
 
En Angleterre et aux Etats-Unis, la situation est plus proche de celle du Moyen-åge que de celle des pays occidentaux  aujourdÕhui  :
 
1 : jurisprudence 
 2 : doctrine 
 3 : coutume 
 4 : loi 
 
Comment en est-on arrivŽ ˆ notre situation  ?
 Il faut partir de lÕAntiquitŽ  avec le Droit romain, source du systme juridique des pays occiden -taux, et suivre vingt sicles dÕHistoire. 
 
Les historiens considrent que le temps historique, se divise en quatre pŽriodes principales : 
 - LÕAntiquitŽ , avec lÕinvention de lՎcriture en MŽsopotamie au 3e millŽnaire avant JC + chute de lÕEmpire romain dÕOccident en 476. 
 - Le Moyen-åge , de 476 ˆ 1492 = 10 sicles. 
 - Les Temps modernes , avec les grandes dŽcouvertes du XVme sicle ˆ la fin du 18me sicle (1789 version franaise ou 1815 Congrs de Vienne version europŽenne). 
 - La pŽriode contemporaine , qui sÕouvre du dŽbut du 19me sicle ˆ nos jours. 
 
On ne peut parler dÕhistoire du Droit franais seulement sÕil y a une France .

Elle appara”t au 10me sicle, avec lՎclatement de lÕEmpire carolingien, menant ˆ une division entre la Francia Occidentalis et la Francia Orientalis .
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