L'étude impartiale des caractères dans Les Précieuses ridicules et Les Femmes savantes
Publié le 26/01/2021
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Molière, par la bouche de Cathau et Madelon, avait déjà marqué le dégoût affecté de beaucoup de précieuses : «Pour moi, mon oncle, tout ce que je puis vous dire c'est que je trouve le mariage une chose tout à fait choquante. Comment est-ce qu'on peut souffrir la pensée de coucher contre un homme vraiment nu?... J'ai mal au cur de la seule vision que cela me fait» (Scène 4). Mais ce dégoût, chez Cathau et Madelon, restait superficiel comme tous leurs sentiments. Dans Les Femmes Savantes le « mal de cur » apparaît dès le vers 6 ; Armande l'a vécu vraiment et elle est devenue, écrit Émile Fabre, ancien administrateur général de la Comédie-Française, une «refoulée», une «obsédée», une «incendiée» qui ne parvient plus à cacher ni sa passion ni ses tourments2. La première scène de l'Acte I et la deuxième de l'Acte IV sont frappantes à cet égard : ce n'est jamais Henriette, c'est Armande qui évoque constamment « le commerce des sens », «la chair», «les appétits grossiers», «les étranges images», « la sale vue », « les sales désirs ». Elle s'en aperçoit elle-même, elle s'en veut, et pourtant elle y revient sans cesse, elle n'y peut rien. Elle méprise Henriette et elle l'envie. «C'est le grand rôle douloureux de la pièce », dit André Rousseaux ; et de même Robert Kemp : «Armande, avec sa jolie bouche haletante, son visage de cire figée quand Clitandre avoue qu'il a changé d'amour, sa nervosité extrême dès la première scène, avec son affolement à l'instant du mariage, Armande est une martyre crucifiée. »
«
L'étude
impartiale
des caractères
Une première constatation resson de l'étude de la pièce, nous
-1•avons dit': l'intrigue n'est jamais subordonnée au hasard, à
des coïncidences heureuses ou malheureuses provoquées par
l'auteur, elle résulte uniquement des caractères, du choc des
caractères.
Mais une seconde remarque s'impose de la même
façon : les dix personnages sont extrêmement différents l'un
de l'autre, d'une étonnante variété, et ils se présentent à nous
ensemble, dans leurs rappons réciproques, exactement comme
dans la vie.
Sympathique ou antipathique, aucun n'est en
vedette.
Impossible, en effet, de donner à la pièce le nom ou le trait
principal de l'un d'entre eux comme pour Tartuffe, L'Avare,
Le Misanthrope ou même Le Médecin malgré lui.
Molière
avait bien songé d'abord, il est vrai, à appeler sa pièce
« Trissotin », et elle fi
gu re
même de temps en temps sous ce
titré dans le Registre des représentations de La Grange.
Il y
, a renoncé, car ce titre ne rendait pas de l'œuvre un compte
exact; -mais il est frappant qu'il n'ait pas non plus adopté
d'emblée ni sans une grande hésitation le titre Les-Femmes.
Savantes.
Ce deuxième titre en effet a l'inconvénient grave de
mettre uniquement l'accent sur le pédantisme féminin alors
que celui de l'homme est présenté comme au moÏ!J.s aussi
ridicule, et même comme odieux.
Un cenain nombre de
critiques contre la pièce tomberaient d'elles-mêmes s'il avait
été possible de rappeler sous la même appellation tous les
défauts qui y sont critiqués, paniculièrement la tartufferie
littéraire de Trissotin et la lâcheté égoïste de Chrysale..
»
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