Lettres à Lucilius(traduction de Bréhier)SénèqueC'est une chose fort utile que celle dont tu t'enquiers, et nécessaire pour quiambitionne la sagesse : diviser la philosophie, et séparer son corps immense endifférents membres.
Publié le 23/05/2020
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Lettres à Lucilius
Sénèque
(traduction de Bréhier)
C'est une chose fort utile que celle dont tu t'enquiers, et nécessaire pour qui
ambitionne la sagesse : diviser la philosophie, et séparer son corps immense en
différents membres.
Il nous est plus facile, en effet, de parvenir à la
connaissance du tout par parties.
Plût au ciel que, de même que l'aspect de
l'Univers se laisse tout entier embrasser d'un seul regard, de même, l'ensemble
de la philosophie pût s'offrir ainsi à nos yeux, spectacle tout pareil à celui de
l'Univers ! (…)
Je commencerai donc, comme tu le demandes, par te dire la différence existant
entre Philosophie et Sagesse.
La première montre le but où parvient la
seconde.
L'origine du terme de philosophie est évidente.
Le nom lui-même
l'indique.
Certains ont défini la sagesse “ la connaissance des choses divines et
humaines ”.
D'autres : “ la Sagesse consiste à connaître les choses divines et
humaines, et leurs causes ”.
Cette addition me semble superflue, car les causes
des choses divines et humaines font partie des choses divines.
De même, la philosophie a été définie de façons extrêmement diverses par les
différents philosophes.
Les uns ont dit que c'était le goût de la vertu, d'autres,
le goût du progrès intérieur.
Certains ont dit que c'était la recherche de la
raison droite.
Sur un point l'on est à peu près d'accord : qu'il y a une certaine différence entre
la philosophie et la sagesse.
Car il est impossible qu'il y ait identité entre ce
que l'on recherche et ce qui recherche.
De la même façon qu'il y a une grande
différence entre l'avarice et l'argent, la première recherchant le second, de
même, il y a une différence entre la sagesse et la philosophie.
Car celle-ci est
l'effet et la récompense de l'autre.
L'une chemine, l'autre est le but.
(…)
Certains stoïciens, bien que la philosophie fût le goût de la vertu, et que celle-ci
fût l'objet de la recherche, et celle-là son agent, ne crurent pas, pourtant,
qu'elles fussent inséparables.
Car il n'y a pas de philosophie sans vertu, ni de
vertu sans philosophie.
La philosophie est le goût de la vertu, mais son
instrument est la vertu elle-même.
Car la vertu ne peut exister sans le goût
qu'on lui porte, et le goût de la vertu suppose celle-ci.
Il n'en est pas de même
que dans le tir à cible, où le tireur est en un endroit, et la cible en un autre, ni
que pour des chemins, qui conduisent à une ville, mais qui sont eux-mêmes en
dehors de celle-ci.
C'est la vertu elle-même qui conduit jusqu'à elle.
Il y a une
liaison indissoluble entre la philosophie et la vertu..
»
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