Les principes de la raison sont-ils immuables ?
Publié le 19/12/2021
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«
De la résolution de ce problème dépend évidemment le destin du rationalisme classique
fondé sur l'immuabilité de l'ordre éternel de la nature.
L'argument le plus fort en faveur d'une évolution de la raison a été donné par la
découverte de la « mentalité prélogique » que Levy-Bruhl décrivait dans ses ouvrages sur
les primitifs et que les psychologues pensèrent retrouver chez les enfants.
Cette
mentalité prélogique est en particulier caractérisée par F absence du principe d'identité et
l'absence du principe de causalité objective, remplacés par le principe de participation
mystique et le principe du pouvoir magique.
Ainsi, pour le primitif, chaque individu est
lui-même et l'animal totem à la fois, et si un guerrier est happé par un crocodile, ses
camarades y voient non pas l'action du crocodile mais le maléfice d'un sorcier («
imperméabilité à l'expérience » dit Levy-Bruhl).
— A ces arguments on répondit que les croyances étaient prélogiques, mais les actes
(viser l'animal pour le tuer) impliquaient une bonne causalité vécue (arguments de
Bergson).
Il n'en reste pas moins que l'idée de réalité est profondément différente dans
la mentalité prélogique et dans la nôtre parce que les primitifs n'ont pas la notion
d'objectivité.
D'autre part, G.
Bachelard a montré qu'après l'âge de l'animisme et l'âge du
dogmatisme, la raison atteignait, depuis le XXe siècle, un âge nouveau où ses principes
devaient changer pour rester adaptés à l'expérience de la science nouvelle : c'est l'âge
d'une chimie non-lavoisienne, d'une physique non-cartésienne, d'une logique non-
aristotélicienne.
Sans arguer du fait que G.
Bachelard fait le procès de la raison au nom de la raison,
disons, avec Lalande (« La raison et les normes » 1942), qu'il faut distinguer la raison
constituante et la raison constituée.
La raison constituée est l'ensemble des principes
logiques admis à une époque donnée, à un âge de la raison ; la raison constituante est la
raison capable de perfectionner ses principes pour mieux saisir le tissu des relations
réelles, ce qui reste son besoin a priori permanent.
Elle est donc non pas une raison «
fermée » sur les méthodes, mais, comme le désire G.
Bachelard, une raison « ouverte ».
INTRODUCTION. — Si toutes nos connaissances reposent en définitive sur des
intuitions qui nous font atteindre la réalité elle-même, notre savoir est considérablement
étendu par l'élaboration rationnelle du donné intuitif : grâce à la raison, l'esprit, en se
fondant sur les données expérimentales, déborde toujours plus le domaine de
l'expérience; ensuite, par une organisation logique des connaissances acquises, il
approfondit sans cesse son intelligence du réel.
Or, l'armature de cette activité et d»e ce savoir est constituée par les principes de la
raison : dans les sciences mathématiques, dont l'objet n'est qu'une abstraction de
l'esprit, n'intervient que le principe d'identité avec ses dérivés, le principe de
contradiction et le principe du tiers exclu; dans les sciences expérimentales qui cherchent
à déterminer les lois de la réalité concrète, comme d'ailleurs dans la pensée pratique
complètement engagée dans le réel, les principes que nous venons d'énumérer restent
toujours nécessaires pour assurer la correction logique des opérations mentales; mais le
levier essentiel du progrès, de la découverte et de la preuve est le principe de raison
suffisante qu'on invoque le plus, souvent sous une de ses formes dérivées, le principe de
causalité et le principe de finalité.
Par suite, la valeur de nos connaissances dépend de la valeur de cette armature qui a
contribué à leur acquisition et les a élaborées en un système cohérent.
Sans doute, il est
théoriquement des connaissances intuitives qui, nous donnant l'objet avant toute
élaboration rationnelle, présentent une valeur absolue Mais, pratiquement, chez l'adulte,
l'intuition pure n'est plus qu'un état limite auquel il est incapable de revenir : le savoir
élaboré par l'esprit se superpose constamment au donné intuitif quand il ne se substitue
pas à lui.
Aussi n'est-il pas exagéré de faire dépendre la valeur de nos connaissances de
la valeur des principes.
Il est donc important de savoir si les principes de la raison sont immuables.
Cette
immutabilité seule peut garantir la valeur de l'édifice des sciences comme aussi la
légitimité de nos certitudes..
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