Les personnages de la CHANSON DE ROLAND
Publié le 09/12/2021
Extrait du document
On a voulu, par une sorte de sophisme scolaire, établir une comparaison suivie entre les personnages de l'Iliade et ceux de la Chanson de Roland. Cette comparaison n'est légitime que si l'on tient à constater, dans deux épopées primitives, conçues à deux moments psychologiques et sociaux tout à fait opposés, certaines analogies curieuses. Sans doute, Roland ressemble à Achille, en ce sens que tous deux ils incarnent la vaillance excessive; et Olivier peut être rapproché du Troyen Hector, parce que, comme lui, il fait contraste, par son courage raisonné et par sa prudence sans faiblesse, avec la bravoure téméraire et inconsciente. Mais, poussé plus loin, le parallèle devient artificiel jusqu'au ridicule. Je veux bien encore que le duc Naîmes soit le Nestor de notre épopée. Mais que dire de ceux qui font « faire vis-à-vis » à Charlemagne et à Agamemnon, à l'archevêque Turpin et au devin Calchas ?
«
Les personnages de la CHANSON DE ROLAND — On a voulu, par une sorte de sophisme scolaire, établir une comparaison suivie entre les personnages de l'Iliade et ceux de la Chanson de Roland.
Cette comparaison n'estlégitime que si l'on tient à constater, dans deux épopées primitives, conçues à deux moments psychologiques etsociaux tout à fait opposés, certaines analogies curieuses.
Sans doute, Roland ressemble à Achille, en ce sens quetous deux ils incarnent la vaillance excessive; et Olivier peut être rapproché du Troyen Hector, parce que, commelui, il fait contraste, par son courage raisonné et par sa prudence sans faiblesse, avec la bravoure téméraire etinconsciente.
Mais, poussé plus loin, le parallèle devient artificiel jusqu'au ridicule.
Je veux bien encore que le ducNaîmes soit le Nestor de notre épopée.
Mais que dire de ceux qui font « faire vis-à-vis » à Charlemagne et àAgamemnon, à l'archevêque Turpin et au devin Calchas ?
Roland. — Roland a pour lui la beauté; une force physique prodigieuse; son courage égale sa force; il est fidèle à son roi; mais il est orgueilleux, et par sa démesure il est, responsable du désastre.
Ni cette bravoure, ni cet orgueiln'excluent la pitié ; il aime Olivier; il sait pleurer et soupirer; il est pieux, et n'oublie pas, en mourant, de battre sacoulpe.
Ce caractère n'est donc pas tout d'une pièce; ce n'est pas de lui qu'on peut dire : « Et rien d'humain ne batsous cette bonne armure.
» Il n'est « ni tout à fait bon, ni tout à fait méchant », comme Aristote l'exige du hérostragique.
Quand on l'étudie sans prévention, on y trouve, autant que le permettent les circonstances où il agit, unecertaine complexité.
M.
J.
Bédier écrit : « En ce poème, Roland et ses compagnons, loin de subir leur destinée, ensont les artisans au contraire, et les maîtres, autant que des personnages cornéliens.
Ce sont leurs caractères quiengendrent les faits et les déterminent, et mieux encore, c'est le caractère du seul Roland.
» (Légendes épiques,III, 411.)
Olivier. — « Roland est preux, mais Olivier est sage.
» Le caractère d'Olivier se soutient d'un bout à l'autre du poème.
Sage, il l'est dans le conseil de Charlemagne, avant la bataille, quand il demande à Roland de sonner du coret quand il raille Roland qui se décide trop tard à lui obéir; son amitié est sincère et franche; sa bravoure, dans lecombat, égale celle de Roland.
Charlemagne.
— Charlemagne, qui en 778 n'avait que trente-sept ans, nous est représenté, dans le Roland, comme un ancêtre : Il a la barbe blanche et le chef tout fleuri » ; et, cette barbe, tantôt il l'invoque, tantôt il l'étalesur sa cuirasse, tantôt il la tire et l'arrache en signe de douleur ; Marsile a pour Charlemagne une sorte de terreursuperstitieuse, il le croit âgé de deux cents ans.
Le grand empereur consulte ses barons non pour se laisser dicterdes ordres, mais pour s'éclairer.
Son souvenir est sans cesse présent à l'esprit des combattants de Roncevaux, etsurtout il est invoqué par les mourants (voir mort de Roland).
Charlemagne les aime autant qu'il en est aimé; voyezson angoisse quand il entend le cor de Roland, sa douleur quand il retrouve les corps de ses barons, son indignationquand on lui propose de faire grâce au traître Ganelon.
Il n'est pas moins brave que Roland, et frappe de rudescoups dans la bataille.
Mais au milieu de tous ces chevaliers, qui semblent n'avoir d'autre fonction que de pourfendreleurs ennemis, et qui, le combat fini, se reposent, l'Empereur représente le chef suprême qui, dans les intervalles del'action, pense et prévoit ; il n'est pas seulement un bras, il est un cerveau.
Son sommeil est agité, il a des songes,et les anges de Dieu lui parlent.
Turpin. — Quant à l'archevêque Turpin, il a, lui aussi, son caractère cohérent, vivant et très distinct des précédents.
Prêtre et soldat, son originalité consiste à ne jamais oublier qu'il est à la fois l'un et l'autre.
Après avoirdonné aux Français sa bénédiction, il se bat en preux; quand il entend la dispute de Roland et d'Olivier, il les sépare,et prononce des paroles sensées est blessé à mort et frappe toujours, et, le dernier, il combat aux côtés de Roland.Sa mort est celle d'un prêtre; il bénit les corps rassemblés par Roland, il essaye de secourir Roland qui se pâme, etmeurt de cet effort de charité.
Ganelon. — Ganelon, n'est point une figure banale.
Il nous est représenté au début comme un beau et brave chevalier ; devant Marsile, il défend les prétentions de Charlemagne, au risque de sa vie ; et, même quand ilapparaît devant le conseil qui doit juger sa trahison, il a belle mine et bonne tenue.
Mais on nous le représentecomme vindicatif et jaloux : ainsi s'explique sa trahison.
Aude. — Aude est la soeur d'Olivier, fiancée de Roland (voyez Girard de Vienne); Il faut louer le poète de lui avoir donné une douleur si noble et si discrète.
Elle meurt, elle aussi, comme elle doit mourir..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La chanson de Roland (vers 1170), laisses CXLVII à CXLIX
- Analyse Chanson de Roland
- LA CHANSON DE ROLAND
- La Chanson de Roland
- la chanson de roland