LES PAYSANS ET L'AGRICULTURE AU XVIIIe siècle
Publié le 15/05/2020
Extrait du document
«
Av11,nt d'étudier les classes qui vivent de la pro-..
priété foncière, il semblerait logique de décrire d'abord
l'agriculture.
Mais, à l'époque qui nous occupe, c'est
la condition juridique de- ces classes qui est l'un des
facteurs essentiels de la production du sol Les faibles
progrès de l'agriculture, sous l'ancien régime, s'expliquent,
en grande partie, par la situation qui est faite
à la classe qui seule exploite le sol, aux paysans.
Nous
commencerons donc par décrire la condition juridique
de la population agricole ; on comprendra mieux alors
les raisons pour lesquelles, avant la Révolution, il n'y
a pas en de transformation profonde de l'i.i.griculture.
Les paysàns français, dans les deux derniers siècles
de l'ancien régime, semblent plus.
favorisés que leurs
congénères du reste de l'Europe, car ils sont, pom: la
plupart,.
personnellement libres et propriétaires.
Les mainmortables.
- Le servage ne s'est conservé
que dàns quelques régions, dans celles précisément où.il
était le plus dense au moyen âge, surtout dans· le NordEst
(Franche-Comté et Lorraine) et aussi, mais en
groupes moins compacts, dans quelques pays du centre
(Berry, Nivernais, Marche, Auvergne).
Le nombre
tot.al des serfs, semblc-t-il, ne dépasse pas un million.
D'ailleurs, ce sont moins d.es serfs, au sens du moyen
âge, que-des m:ainnwrtables.
On distingue la mainmorte
personnelle et la mainmorte réelle, prédominante dans
l'Est·de la Fra.lice.
Dans le premier c.
les enfants, s'ils.
n'habitent pas avec leurs parents;· ne peuvent hériter
d'aucun de leurs biens, même mobiliers ;.
dans le second
cas, le paysan ri'est soumis à la mainmorte que pour lès
bies mainmortables qu'il occupe (les choses se passent
ainsi dans les bordilpges du .Nivernais) ..
Il est vrai que la mainmorte s'est conservée jusqu1à
la Révolution, en dépit de l'énergique campagne que
V-0ltaire a entreprise en faveur des serfs du MontJura.
En 1779,.
Necker abolit bien la mainmorte· sur lè
domaine royal, et, dans tout le royaume, le droit de ·
swit6 ; mais les seigneurs n'imitèrent pe.e l'exemple qu:ê
leur donnait le gouvernement.
Lo.
mainmorte pètsistà
donc jusqu'à la Révolution ; toutefois, elle ne constitue
,plue qu'.•une exception ; rimmense majorité des pàys
est personnellement libre ..
Les diverses elasses; - Fermiers et métayers.
: r,eg
paysans d-0nt la personne est pleinement afl'ra.nchie
ne forment pe.e cepende,nt une· olasse uniforme, car ils
ne possèdent pas tous la même quantité de tetre.
Il en
est qui peuvent vivr exclusivement de la culture de
· leurs champs : ile constituent une sorte d'aristocratie
paysanne, la classe des.laboureurs.
Ce sont eux surtout
-qui · ondissent leurs terres, qui.
tirent parti d
afféagemente, des défrichements, et qui, à l'époque de
la Révolution, pro fi.ter.ont d la vente des biens nàtionaux,
Màis la plupart des paysans ne possèdent pas une
quantité de terre suffisante pour en vivre.
S'ils ont
quelques avances, ils deviennent fermiers ou méta,yers ;
les plus pauvres s'engagent comme journaliers ou do.
inestiques.
Bien des -paysaDÎ! proprlétaites joignent à a
culture un métier d'appoint, sont marchands, tneunits,
aubergistes ou artisans (m390ns, oharpentiers, tailleurs,
tisserands surtout); ainsi s'explique l'exteilsioti de
l'inq118trie rurale.
ta classe dès ttàvailletii'B agricoles,
des journaliers, n'a jamais eu l'fulportance qu'elle ·a
prise en Angleterre.
C'est que les grandes exploitatiotl.B n'existent pas en
· France.
Les nobles ne font pas valoir eux0:tnême3 les
terres de leur domaine proehè, ne les afferment pas non
pltlà à des attttepreneurs capitalli!toe, à dès fafmèTs, .
comme eri Angleterre.
Ce sont des pa.ysa.ns qui cultivent, à titre de femtièrs
oti de métayers, l'immense majorité des tetres apparte•
nant aux classes privilégiées.
Rien de variable comme
l'étendue des exploitations agricoles.· Il y en a qui
èompretllient une étètlduc équivalant à dix ou vingt
hèetares; mais il en est d'autres qui ne sont que des .
1 closeries, conant selllement quelques ·piètes de terre.
11 y a donc des fermiers aisés, et d'autres qui sont misérables.
Miiîs on peut dire qu'en règle générale, le
morcellement des èxploitatlons est t.out aussi marqué
que le morcellement de la propriété.
Le bail à moitié fruits ou métayage , assez rare
aujourd'hui -"-- semble, au xvn siècle, le mode de
location le plus répa.ndù, stutont dans les prol'inces les
plus pauvres, oti les paysans n'oot ni avanc!!B, n.i chep•
tel ; ·il est préd1>min.ant dans lès pays du Centré et du · ·
Midi ; il affoote ènviton la moitié des tetres louées en
Bretagne et en Lorraine.
Le métayer doit livrer au
propriétairè, -'---'.
qui lui a fait des avances dè semence et
de cheptel , la moitié de la récolte, quelquefois même
davantage dans lé bail à dêtToit, tel qu'il est usiM en
Haute-Bretagne, puisqu'à .la redevoe en nature sè
surajoute, en ce cas, une redevance en argent,Le métayer
est donc souvent misérable, comme le coristate .Arthur
Young, dans ses Voyages e-n Fram,ce :
• Des tenanciers n'ayant guèr à offrir que lelμ'S bras sont
·bien plus à la merci du propril!taire que s'ils· avaient quelque
richesse ; ils ne se contenteraient pas dans leurs entreprises
d'un profit moindre que l'intérêt de lèur capital.
• .,
Et A.
Young déclare encore que beaucoup de métayers
sont· dans une telle misère, qu'en attendant .
la prochaine .récolte, ils doivent emprunter u propriétaire
le pain dont ils ont besoin.
Les conditions faites àux fermiers paraissent sensibll'I•
ment meilleures.
Leur bail, conclu pour trois,.
six ou
neuf ans, leur impose le payement d'une somme d'argent
flxe, à laquelle s'ajoutent, il est vrai, - des redevances
e,ll nature et surtout des corvées de charrois.
et
même de labours.
Le fermage est prédominant dans le
Nord de la France, où les exploitations agricoles sont
plus considérables qu'ailleurs : tel est le cas de l'Artois,
de la.
Picardie, du Vexin, de la.
Beauce.
C'est aussi en
ces pays que souvent, da la.
seconde moitié du xvnie
siècle, on opéra la réunion des fermes.
Ces réunions,
très avantageuses pour les propriétaires; dont elles augmentaient
les revenus, eurent la.
conséquence fâcheuse
· d'évincer bon nombre de fermiers, les moins aisés,• et
d'accroître l'antagonisme entre les riches cultivateurs
et les pauvres.
Les cahiers de 1789 lé montrent nette•
ment.
Ce qui aggrava encore la condition des fermiers,
.
ce fut la hausse très rapide du prix des fermes, surtout.
dans la seconde moitié du siècle.
Il est vrai que, dans la
même période, les prix des denrées s'élevèrent aussi ;
mais ce n'était qu'une compensation insuffisante, car,
tandis que la hausse des prix n'était que de 40 ou 50 %,
les fermages souvent s'élevèrent de 100 % ; les propriétaμ-es
parvinrent ainsi à accroître notablemcnt Jeurs
revenus..
»
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