Les jours sont des fruits et notre rôle est de les manger, de les goûter doucement ou voracement selon notre nature propre, de profiter de tout ce qu'ils contiennent, d'en faire notre chair spirituelle et notre âme, de vivre. Vivre n'a donc pas d'autre sens que ça. Tout ce que nous propose la civilisation, tout ce qu'elle nous apporte, tout ce qu'elle nous apportera, n'est rien si nous ne comprenons pas qu'il est plus émouvant pour chacun de nous de vivre un jour que de réussir en avi

« méthodeLes candidats se trouvent devant un sujet délicat : certes la citation est facile à comprendre, mais les problèmesqu'elle soulève sont malaisés à appréhender à leur âge.

En effet, ont-ils, comme le demande le sujet, un point devue précis sur la manière d'envisager la vie ? Pour la plupart d'entre eux, cela reste encore confus.

Et pourtant, il ya moyen de s'en tirer avec la seule citation et les deux questions que comporte le sujet.1.

« Comment comprenez-vous ces lignes ? » invite le candidat à une explication préalable.

Cette explication, bienmenée, peut être dynamique en engageant tout de suite la discussion sur les deux points de vue extrêmes : celui deGiono (1er paragraphe de la citation) et celui qu'il récuse (le 2e paragraphe de la citation contient les éléments d'unpoint de vue contradictoire).2.

La deuxième question (« Répondent-elles à votre propre manière d'envisager la vie ? ») peut faire l'objet d'unetroisième partie où le candidat fera la part des choses en essayant de concilier les deux points de vue précédents.Cette démarche est 154 Français, préparation au bac 84la démarche classique de la dissertation : thèse, antithèse, synthèse.

Si le candidat adopte l'un des deux points devue de l'explication, il argumente tout de suite pour ou contre, ce qui ramène le devoir à un débat en deux parties :pour ou contre Giono. explication de la citationLa citation de Giono se présente en deux paragraphes qui exposent successivement la thèse puis l'antithèse.

Quelleest la thèse de Giono ? Elle repose sur une comparaison : « Les jours sont des fruits.

» Cette comparaison estensuite développée dans une longue phrase : les fruits doivent être mangés, goûtés, vidés de tout leur contenu.Une définition de la vie est ensuite proposée : vivre c'est profiter de chaque jour, c'est « en faire notre chairspirituelle, notre âme ».Un certain nombre d'idées se dégagent de cette comparaison et de cette définition.1.

Tout d'abord notons que l'image du fruit traduit quelque chose d'éphémère, de fugitif et amène donc la notion defugacité du temps.

La vie humaine s'inscrit dans la durée, dans une durée acceptée.2.

La seconde idée importante est celle du profit, de la jouissance.

Cela implique recherche et découverte de ceprofit.

Cette attitude active de l'individu est affirmée résolument dans l'expression « en faire notre chair spirituelle etnotre âme ».

Il y a donc transformation spirituelle d'une recherche qui semble à première vue matérialiste.

Lasimplicité de l'idéal proposé est en relation avec la simplicité de la phrase, la simplicité de la comparaison, ainsi plusparlante (c'est le carpe diem des épicuriens) et la simplicité du vocabulaire (« d'autre sens que ça »).3.

L'antithèse, c'est « la civilisation, tout ce qu'elle apporte tout ce qu'elle apportera ».

Que peut-elle lui apporter ?A travers l'exemple du raid sans escale Paris/Paris autour du monde, elle apporte :— le progrès technique, donc une dépendance de la machine,— le besoin de performance spectaculaire,— la vitesse, donc une notion du temps complètement faussée, artificielle.Tout cela n'est rien pour Giono, si nous ne savons pas « vivre un jour », de la façon qu'il a précédemment exposée. difficultésA moins de connaître parfaitement les thèses de Giono, telles qu'il a pu les exposer dans Rondeur des Jours ou dansLes Vraies Richesses (1937), le candidat éprouvera quelques difficultés à étoffer sa première partie.

Il pourra peut-être se référer à l'expérience communautaire de Giono, à la ferme de Contadour, ou à des expériences du mêmetype (Lanza del Vasto dans la communauté de l'Arche).

Il semble donc que ce qui est confronté c'est une viecommunautaire où l'individu tire ses ressources de lui-même en vue d'une recherche spirituelle plus approfondie, etune vie dans la civilisation technicienne moderne. plan détaillé1.

« Vivre les jours », c'est la façon de vivre adoptée et proposée par Giono.a) Un jour c'est une fraction de temps, c'est quelque chose de fugitif (cf les inscriptions latines sur les cadranshoraires : « hora fugit »).

Il faut accepter d'être limité par le temps : les journées n'ont que vingt-quatre heures, lavie elle-même s'inscrit dans la durée puisque tout ce qui est vivant doit mourir.b) C'est à la campagne qu'on vit le mieux ce rythme naturel, parce qu'on est plus près de la terre.

La position dusoleil dans le ciel, la succession des saisons, nous inculquent cette vérité.— Ainsi se justifie l'image du fruit qu'on mange, qu'on goûte, qu'on déguste, L'homme profite des richessesnaturelles.

Il a, à sa portée, des plaisirs sains, à lui de savoir les apprécier.

En effet, chaque jour qui passe, permetune récolte d'expériences intéressantes, de découvertes intérieures.-- Ces fruits, ou bien on les goûte « doucement », ou bien on les goûte « voracement », selon sa nature.

Chacunappréhende les événements de la vie à sa façon.

On a le droit d'être différent et cette différence est source derichesses.

Dans cette attitude, il y a une recherche philosophique (comment ne pas songer au carpe diem desépicuriens), en tout cas, spirituelle du bonheur sur terre, dès ce monde.

Giono insiste sur la qualité et la quantitédes expériences vécues, il faut « profiter de tout ce que (les jours) contiennent ».c) Le mode de vie que préconise Giono doit normalement s'inscrire dans le cadre d'un retour à la terre que lui-mêmea effectué.

En effet, il a presque toujours vécu dans le Midi de la France dans « des paysages crépitants de soleil etde solitude » qui constituent le décor, sinon le principal acteur de ses romans.

L'accord est si fort entre l'homme etsa terre qu'on a pu parler de sympathie cosmique (cf.

Un de Baumugnes - Que ma joie demeure). 2.

Giono refuse les apports de la civil4ation technicienne moderne si elle doit compromettre la recherche spirituellepré' cédemment exposée.— La deuxième partie de la citation (bien qu'elle ne la mette pas directement en cause) signifie un rejet de cette. »